Viols : Grand nombre de plaintes sont classées sans suite, pourquoi ?

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76% des enquêtes pour viol n’ont pas abouti en 2017. Magistrats, policiers et avocats témoignent de la difficulté des investigations dans ces dossiers où la preuve manque souvent.

On apprenait, ce lundi, que le parquet de Paris avait classé sans suite la plainte d’une comédienne qui accusait de viols Luc Besson. Les investigations n’ont « pas permis de caractériser l’infraction dénoncée dans tous ses éléments constitutifs », détaillait le parquet, laissant ainsi entendre qu’il n’y avait pas assez d’éléments pour poursuivre la procédure.

Mercredi, le parquet de Créteil (Val-de-Marne) prenait la même décision à propos de l’entraîneur d’athlétisme Giscard Samba, visé par une plainte pour viol déposée par une ancienne athlète. « L’infraction est insuffisamment caractérisée », précisait le parquet qui a estimé que l’absence de consentement n’avait pas pu être prouvée. Récemment encore, les plaintes visant le comédien Philippe Caubère ou l’homme politique Gérald Darmanin ont elles aussi été classées.

Une multiplication de classements sans suite qui peut faire naître un doute : les personnalités publiques bénéficient-elles d’un traitement de faveur de la part de la justice ? « Ces cas médiatisés ne sont que la partie immergée de l’iceberg, prévient Jacky Coulon, secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM). Beaucoup de procédures similaires n’aboutissent pas. Ça ne signifie pas que la plaignante n’a pas été victime, mais qu’on n’a pas pu le prouver. C’est toute la différence entre la vérité et la vérité judiciaire, qui est ce qu’on peut prouver. »

76% des enquêtes pour viols classées

Au regard des statistiques fournies par le ministère de la Justice, le traitement réservé aux personnalités ne traduirait donc aucune mansuétude. En 2017, comme en 2016, 76 % des enquêtes pour viols ont été classées (la moyenne des classements toutes infractions confondues s’établissait en 2018 à 69 %). Dans la majorité des cas, c’est parce que l’enquête n’a pas permis de matérialiser les faits : soit l’auteur est inconnu, soit l’infraction est absente ou mal caractérisée.

Cette déperdition entre la plainte et le renvoi devant une juridiction est à mettre en perspective avec un autre chiffre. Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), sur la période 2008-2015, seuls 13 % des personnes se déclarant victimes de viol ont déposé plainte.

Les acteurs du monde judiciaire en conviennent : les enquêtes pour viol sont délicates. « La difficulté consiste à rassembler des preuves. Ce qui gouverne la procédure pénale, c’est la présomption d’innocence. Si l’enquête ne rapporte pas la preuve que les faits dénoncés sont exacts, le doute profitera nécessairement au mis en cause », détaille Jacky Coulon. « Les investigations sont confiées à des services spécialisés. Ce n’est donc pas une question de moyens, mais de collecte des preuves », appuie Youssef Badr, le porte-parole de la Chancellerie.

Le directeur d’un service de la PJ témoigne du défi auquel ses équipes sont confrontées, surtout quand les versions des protagonistes sont diamétralement opposées. « Le moindre détail est épluché. On commence par l’audition de la victime en poussant les questions : quel était le mode opératoire du violeur, où les faits se sont déroulés, etc., énumère ce commissaire. Si le suspect estime que la relation était consentie, on va chercher à savoir si cette défense est crédible : n’aurait-il vraiment pas pu voir que la victime était tétanisée, comprendre son refus, voire son silence ? » Les enquêteurs s’efforcent d’obtenir des éléments objectifs (traces de violences, ADN, SMS), mais ce policier expérimenté en convient : « Il y a une part de subjectif ».

Une définition compliquée du viol

La définition même du viol complique son appréhension. « C’est une infraction qui ne se définit pas au regard de la volonté de la victime, mais de celle de l’auteur : a-t-il agi avec violence, contrainte, menace ou surprise ? rappelle l’avocate Caty Richard du barreau de Pontoise (Val-d’Oise). Il existe des zones grises : les victimes ne sont pas consentantes, mais les auteurs n’ont pas enfreint la loi. Sur les 76 % d’affaires classées, il y a clairement de nombreuses victimes au sens psychologique, dont il ne faut absolument pas nier le traumatisme, mais qui ne pourront pas être reconnues sur le plan judiciaire. »

Dans sa pratique, l’avocate Zoé Royaux constate que « la justice a encore tendance à exiger des victimes qu’elles soient parfaites ». « On voudrait d’une victime qu’elle se soit défendue, qu’elle ait crié ou bien qu’elle ait été tabassée pour la croire. Insidieusement, on va lui reprocher d’avoir revu son violeur ou de l’avoir rappelé », déplore cette pénaliste, par ailleurs membre de la Fondation des femmes. Selon elle, l’institution accorde également trop d’importance à la déposition initiale – et à ses éventuelles défaillances – de la victime. « Il faut encourager les plaignantes à être accompagnées pour qu’elles mettent directement en avant les faits saillants de leur histoire », développe Me Royaux.

Un classement ne signifie pas nécessairement la fin de l’action judiciaire. L’accusatrice de Luc Besson, Sand Van Roy, entend déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile pour obtenir la désignation d’un juge d’instruction.

Avec LP

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