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Depuis le décès d’Idriss Déby Itno, deux de ses fils tiennent le pouvoir à N’Djamena : Abdelkerim et Mahamat, l’un dans l’ombre, l’autre en pleine lumière. Au risque d’alimenter les craintes d’une succession dynastique.
Le silence s’étire. Sous les trois imposants lustres de la salle du conseil des ministres, Mahamat Idriss Déby sait le moment solennel. Crucial même. Toujours en uniforme, ses quatre étoiles de général fixées à la poitrine, le président du Conseil militaire de transition (CMT) observe les hommes et les femmes rassemblés de part et d’autre de la longue table encadrée par des drapeaux tricolores tchadiens.
Certains membres du gouvernement de transition nommé le 2 mai dernier ont l’air tendu. D’autres, plus expérimentés, affichent moins d’anxiété. La minute de recueillement se poursuit, en l’honneur d’Idriss Déby Itno, disparu le 18 avril. Concentré pour l’un de ses premiers grands rendez-vous de chef d’État, Mahamat Idriss Déby a préparé son intervention avec soin.
Au pouvoir depuis le décès de son père, il se sait scruté, observé, analysé. Sous pression à l’international, mis en doute à N’Djamena par une opposition qui a vu sa prise de pouvoir comme un « coup d’État familial », il a écouté ses visiteurs. Les généraux lui ont rappelé les impératifs de sécurité. Les diplomates ont parlé d’engagements internationaux. Les hommes politiques ont prononcé les mots « fidélité », « ouverture » et « dialogue ».
Souvent silencieux, il a enchaîné les rendez-vous avec un mot d’ordre : rassurer. « Non », le Tchad n’a pas l’intention de rappeler son contingent du G5 Sahel. « Bien sûr », un dialogue sera organisé durant la transition. « Oui », des élections démocratiques seront organisées dans dix-huit mois au maximum.
« Se mettre rapidement au travail »
La minute de silence s’achève et l’ombre d’Idriss Déby Itno s’efface. Suspendu par le deuil, le temps de la politique reprend son cours. Ce 6 mai, l’ordre du jour est mince. Il s’agit d’un conseil de « présentation » qui ne durera, en tout et pour tout, qu’une petite heure. Albert Pahimi Padacké, le Premier ministre, souligne les enjeux. Son équipe, insiste-t-il, a « un impératif » : le « succès pour un Tchad uni, stable et en paix ».
En bout de table, Mahamat Idriss Déby approuve. Depuis la nomination du chef de gouvernement, les deux hommes s’entretiennent quasi quotidiennement. Ils se connaissent bien, le courant passe. Alors que Pahimi Padacké était à la primature de 2016 à 2018, « Kaka » (son surnom) était déjà l’ombre de son père et le patron de la garde présidentielle.
Ce 6 mai, assis à la place qu’occupait le défunt, Mahamat Idriss Déby prend la parole. « Calme » et « posé » selon un ministre, le nouvel homme fort ne traîne pas. Rappelant la nécessité de « cimenter le vivre-ensemble » et d’« assurer la sécurité », il insiste : « Chacun de nous a l’obligation citoyenne de se mettre rapidement au travail pour préparer la tenue d’élections démocratiques à l’issue des dix-huit mois de transition. » Quelques minutes plus tard, les quarante ministres sont réunis sur le perron du palais. Devant eux sur le tapis rouge, Mahamat Idriss Déby, lunettes noires, se tient droit, en pleine lumière, face aux photographes et à l’Histoire.
Un frère peut en cacher un autre
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