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Aborder la question de la mémoire collective au Burundi, c’est oser regarder en face les brutalités et les barbaries qui ont bouleversé, déchiré, meurtri et anéanti l’existence de centaines de milliers de personnes, génération après génération.
Se pose alors un double défi : d’un côté, le devoir moral de rendre justice aux victimes, de restaurer leur dignité humaine. De l’autre, la nécessité de construire une mémoire partagée, apaisée afin de rendre l’avenir commun désirable. Car la mémoire est plus qu’un récit du passé. Elle est aussi au service de la construction de l’avenir.
Enfouis, enterrés dans l’oubli, les événements tragiques du passé finissent toujours par remonter à la surface pour se rappeler au mauvais souvenir des vivants en empruntant des voies inattendues. Rien de durable ne saurait être construit sur le musellement de la mémoire. Nier l’existence des morts, des disparus, des torturés, c’est contribuer à leur transformation en fantômes, empêchant le présent de se déployer en toute sérénité. Alors autant regarder l’histoire en face avec ses laideurs et ses horreurs.
Écouter la parole de tous
Cette difficile mission a été confiée, dans certaines sociétés déchirées par des conflits violents, à des Commissions vérité et réconciliation, chargées d’écouter la parole de tous, de mener des enquêtes sur ce qui est advenu, de réhabiliter les victimes dans leur dignité, de promouvoir une réconciliation fondée sur le droit à la vérité et d’encourager la mise en place d’une justice transitionnelle. Autrement dit une justice réparatrice refusant l’indifférenciation morale, désignant ce qui est détestable, exécrable, inacceptable, interdit, libérant la société de la routine de la violence et de l’impunité, pour l’engager sur la voie du refus du mal comme normalité.
C’est dans cet esprit qu’en 2000 l’accord d’Arusha avait prévu la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation au Burundi. Hélas, à ce jour, elle n’a jamais pu évoluer dans un cadre politique satisfaisant. Elle est de surcroît sujette à controverse car perçue comme un organe chargé de déformer la mémoire collective au profit du pouvoir actuel. Ses détracteurs pointent du doigt l’impossibilité d’accéder au droit à la vérité dans un contexte général non sécurisant.
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Que peut être en effet une Commission vérité et réconciliation dans un pays où règne encore la terreur ? À quelle libération cathartique de la parole peut-on parvenir quand certaines victimes sont susceptibles d’encourir des mesures de rétorsions si elles s’expriment ? Que peut signifier la réconciliation dans un contexte contaminé par des discours officiels de haine et de révision de l’histoire visant à exacerber les antagonismes ?
Une nouvelle Commission
Pour apporter leur contribution à ces problèmes, des personnalités burundaises, africaines et internationales s’apprêtent aujourd’hui à lancer une nouvelle Commission, indépendante, ouverte, à l’écoute de tous les Burundais. À partir de juin, cette structure, composée de douze membres choisis pour leur intégrité et leurs compétences, se rendra au Burundi et dans les différents pays accueillant la diaspora pour auditionner victimes, témoins et acteurs des crimes commis depuis l’indépendance du pays. Au terme de ses enquêtes, elle rédigera un rapport qui sera remis aux institutions régionales et internationales. Seule l’indépendance peut permettre l’élaboration d’un récit cohérent sur les crimes commis par le passé.
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Les blessures de l’âme sont plus difficiles à soigner que celles du corps. Elles ne cicatrisent qu’avec le temps et l’affirmation de la sacralité de la dignité humaine. L’œuvre de guérison de la société burundaise prendra du temps, exigera beaucoup de patience, de force d’âme et de fermeté morale.
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