Total affirme remplir son « devoir de vigilance » à l’égard de sa filiale ougandaise

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Des représentants des Amis de la Terre et de Survie manifestent contre Total devant le tribunal de grande instance de Nanterre, le 12 décembre 2019.
Des représentants des Amis de la Terre et de Survie manifestent contre Total devant le tribunal de grande instance de Nanterre, le 12 décembre 2019. DR

Accusée d’avoir manqué à son devoir de vigilance à l’égard de sa filiale ougandaise, Total était appelée à se défendre jeudi 12 décembre devant le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre (Hauts-de-Seine). Un procès faisant suite à la plainte déposée par les ONG françaises Les Amis de la Terre et Survie avec quatre associations ougandaises. Il s’agit de la première procédure judiciaire depuis l’adoption, en 2017, de cette loi novatrice qui tient les multinationales pour responsables des impacts sociaux et environnementaux des activités qu’elles contrôlent directement ou indirectement.

Détenue à 100 % par le groupe pétrolier français, Total Ouganda conduit dans l’ouest du pays, à la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC), le mégaprojet d’exploitation pétrolière Tilenga. Plus de quatre cents puits doivent être forés, dont la majorité dans le parc national de Murchinson Falls. Une usine de traitement du brut sera construite en bordure du parc et un oléoduc de 1 445 kilomètres, baptisé East African Crude Oil Pipeline (EACOP), débouchant sur la côte tanzanienne, permettra d’exporter la production. Plusieurs dizaines de milliers de personnes devront quitter leurs terres dans le cadre d’un plan d’acquisition des terres et de réinstallation.

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Ces déplacements sont déjà effectifs pour près de 5 000 d’entre elles dans des conditions, reprochent les ONG, qui ont conduit à de graves pénuries alimentaires. Ces paysans se sont vus interdit l’accès à leurs terres avant d’avoir reçu les compensations financières promises par Total Ouganda. Cette urgence sociale justifie pour les ONG l’action en référé qui a été engagée. Il est demandé à la troisième entreprise du CAC 40 de prendre rapidement des mesures pour remédier à cette situation et de revoir son plan de vigilance de façon à prévenir réellement les risques sociaux et environnementaux engendrés par le projet Tilenga et EACOP.

Un débat complexe en perspective

Chargés de défendre Total, Ophélia Claude et Antonin Lévy contestent d’abord la compétence du tribunal de grande instance à recevoir la plainte. Celle-ci relève, selon eux, du tribunal de commerce au motif que le plan de vigilance est inscrit dans le rapport de gestion de l’entreprise. En cela, il s’agirait d’un litige commercial. Ils réfutent la qualité de Total à se défendre d’un contrat régissant l’acquisition des terres et la réinstallation des familles dont il n’est pas signataire. Ce contrat a été signé entre la filiale et le gouvernement ougandais. La procédure en référé utilisée par Les Amis de la Terre et Survie n’est pas non plus opportune car « l’urgence n’est pas démontrée. Elle est artificiellement créée », a plaidé MLevy.

Au cours des deux heures trente accordées à cette première audience traitant du devoir de vigilance par la présidente du TGI, Catherine Pautrat, les avocats de la défense se sont attachés à montrer que Total possède « un plan de vigilance, qu’il est publié et mis en œuvre avec sérieux » conformément aux exigences de la loi, contestant les insuffisances reprochées par les ONG. A la barre se sont ainsi affrontées deux interprétations de la « cartographie des risques », une notion qui constitue l’une des pierres angulaires de la nouvelle loi.

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Pour les plaignants, le plan de vigilance devrait faire référence explicitement au projet Tilenga et EACOP. Il lui faudrait préciser les mesures qu’il doit mettre en œuvre de manière « effective » pour se prémunir des atteintes à l’environnement ou aux droits humains dans lesquels pourraient être impliqués sa filiale ougandaise et ses contractants. « La cartographie des risques imposée par la loi n’est pas une liste générale qui pourrait s’appliquer à n’importe quelle entreprise », a asséné le représentant des Amis de la Terre, Louis Cofflard.

« Le législateur n’a jamais exigé ce niveau de détail car il se heurterait à l’exigence de lisibilité des rapports de gestion qu’est tenue de publier une société cotée, a rétorqué Ophelia Claude. Citer tous les projets [de Total] dans un rapport qui fait déjà 400 pages serait illisible. Ce n’est pas parce que Tilenga n’est pas cité que Total ne remplit pas son devoir de vigilance ». Complexe débat en perspective.

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Dans la salle du TGI de Nanterre se trouvait ce jeudi un observateur attentif en la personne de Dominique Potier. Le député du Parti socialiste, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, s’est bien gardé de livrer sa conviction sur les intentions du législateur. « Ce débat est riche d’enseignements. Seule la jurisprudence permettra de préciser l’interprétation de la loi au vu de la complexité du sujet qu’elle traite et de son champ extraterritorial », a-t-il commenté en rappelant que cinq grandes entreprises faisaient l’objet de mises en demeure.

Les Amis de la Terre ne se font pour leur part aucune illusion sur la stratégie de Total. Pour la chargée de campagne, Juliette Renaud, « l’intention est claire. Il s’agit de paralyser le dispositif législatif en ne mettant aucune information précise dans le plan de vigilance pour échapper à ses responsabilités ». Les juges se sont donné jusqu’au 30 janvier 2020 pour rendre leurs décisions.

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