TikTok interdit aux Etats-Unis ? Les réponses à vos questions

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Le président américain, Donald Trump, a annoncé, vendredi 31 juillet, vouloir prochainement interdire l’application TikTok sur le territoire américain. Le réseau social, filiale de l’entreprise chinoise ByteDance, « fermera le 15 septembre à moins que Microsoft ou une autre entreprise soit en mesure de l’acheter et de trouver un accord », a précisé M. Trump devant la presse, lundi. Il pourrait ainsi continuer à fonctionner aux Etats-Unis et permettre à ses millions d’utilisateurs locaux de continuer à voir ou à publier des vidéos dans cette application très populaire.

Après un week-end mouvementé concernant ce dossier, voici nos réponses à vos questions.

Le logo de l’application TikTok sur tablette.
  • Qu’est-ce que TikTok ?

TikTok est une application pour iOS et Android, lancée il y a trois ans et extrêmement populaire chez les adolescents : elle est devenue un réseau social de partage de vidéos parmi les plus importants dans de nombreux pays. TikTok, qui permet de faire des vidéos très courtes accompagnées de musique, est un terrain de jeu pour les jeunes, qui y font des mèmes humoristiques, des danses ou racontent leur quotidien. Selon le cabinet de conseil App Annie, le réseau social compterait environ 800 millions d’utilisateurs actifs dans le monde – dont au moins 65 millions aux Etats-Unis. Le confinement de nombreux pays occidentaux a notamment favorisé son essor.

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  • Pourquoi cette appli fait-elle polémique ?

L’entreprise TikTok possède des bureaux aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe et en Inde, mais elle est détenue par ByteDance, une entreprise chinoise. TikTok est la version internationale de l’application chinoise Douyin, lancée en 2016 par ByteDance, et a fusionné avec l’appli Musical.ly en 2018. Son siège social est en Californie, dirigé par l’Américain Kevin Mayer (ancien responsable des plates-formes de streaming de Disney).

Mais TikTok reste une filiale de ByteDance, raison pour laquelle le réseau social est soupçonné de collecter les données personnelles de ses utilisateurs pour le compte de Pékin. Ce qui explique pourquoi, le 29 juin, l’Inde avait interdit TikTok : « Cette décision vise à assurer la sécurité et la souveraineté du cyberespace indien », avait déclaré le gouvernement.

Le logo de ByteDance, au siège de l’entreprise à Pékin, le 7 juillet.

Aux Etats-Unis, certains élus craignent que TikTok ne soit utilisé pour influencer l’élection présidentielle prévue le 3 novembre 2020. Les appels aux élus et équipes politiques visant à désinstaller l’application se sont multipliés. Cette crainte est renforcée par le fonctionnement de TikTok : un algorithme propose à chaque utilisateur un flux de vidéos incessant, fondé sur la manière dont il a interagi avec d’autres vidéos.

Dans le passé, TikTok a aussi déjà été épinglé par le régulateur américain du commerce (Federal Trade Commission, FTC) pour avoir collecté illégalement les données de ses utilisateurs de moins de 13 ans.

  • Que veut faire le gouvernement américain contre TikTok ?

Dans un contexte d’escalade des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, TikTok fait, cet été, l’objet d’une attention particulièrement forte des autorités américaines. Deux mesures ont été évoquées au sein de la Maison Blanche ces dernières semaines : l’une est l’interdiction pure et simple de l’application sur le territoire américain, qu’a annoncée M. Trump vendredi 31 juillet ; l’autre est son rachat par une entreprise américaine.

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Il s’agirait, ce faisant, de couper les ponts entre TikTok et sa maison mère, Bytedance, pour que l’application puisse fonctionner aux Etats-Unis sans crainte d’interférences chinoises.

La multinationale informatique Microsoft est actuellement en discussion avec ByteDance pour un tel rachat. L’entreprise a expliqué dimanche 2 août, après une discussion entre son directeur général, Satya Nadella, et M. Trump, que cette opération devrait être soumise « à une évaluation complète de la sécurité et devrait apporter des bénéfices économiques aux Etats-Unis, y compris au Trésor américain », si elle aboutit d’ici une date butoir fixée au 15 septembre.

Lundi, le président américain a reprécisé devant la presse que TikTok devrait être vendu avant la mi-septembre pour pouvoir continuer à opérer aux Etats-Unis.

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  • Les Etats-Unis peuvent-ils concrètement empêcher TikTok de fonctionner sur leur territoire ?

Il est peu probable que le gouvernement américain arrive à faire interdire complètement l’utilisation et le téléchargement de TikTok sur le territoire fédéral, comme le suggère un débat juridique publié sur le site Lawfare. Les Etats-Unis n’ont, jusqu’ici, jamais interdit complètement une application ou un réseau social dans le pays sur ordre d’un président : ce sont généralement des sites ou des portails aux activités illégales manifestes qui sont visés par des interdictions, souvent dans le cadre d’une enquête judiciaire. Mais les autorités américaines disposent tout de même d’un certain nombre d’outils contre TikTok.

Tout d’abord, il existe aux Etats-Unis une agence nommée CFIUS (comité pour les investissements étrangers aux Etats-Unis) dont le rôle est d’examiner les investissements effectués par des acteurs étrangers dans des entreprises américaines. TikTok fait l’objet d’une enquête du CFIUS, qui examine le rachat de Musical.ly – entreprise chinoise mais qui opérait notamment dans des bureaux américains – par Bytedance. Musical.ly avait par la suite fusionné avec TikTok. Selon le magazine Foreign Policy, le CFIUS pourrait, au terme de cette enquête, soit contraindre TikTok à réviser la manière dont l’entreprise collecte les données des utilisateurs aux Etats-Unis, soit pousser ByteDance à se séparer des parts de Musical.ly acquises en 2017.

Comme le souligne le site spécialisé The Verge, le département du commerce pourrait aussi placer TikTok ou sa maison mère sur une liste limitant ses liens commerciaux avec des entreprises américaines – comme c’est déjà arrivé aux Etats-Unis pour les géants chinois des télécommunications Huawei et ZTE. Cette stratégie pourrait permettre aux autorités américaines de faire pression sur Apple et Google, afin qu’ils cessent de distribuer TikTok dans les magasins d’applications équipant leurs smartphones.

Le gouvernement américain dispose de plusieurs outils pour limiter l’usage de TikTok  aux Etats-Unis.

Par ailleurs, le retrait de TikTok de l’App Store ou de Google Play n’empêchera pas tout. Une version de TikTok accessible sur navigateur pourrait par exemple toujours être consultable par les Américains. Certains pourraient aussi installer manuellement les applications sur leur smartphone, s’ils trouvent des manières de les télécharger. Le jeu vidéo Fortnite a été ainsi lancé sur mobile Android sans passer par Google Play : l’éditeur du jeu, Epic Games, propose l’application en téléchargement direct sur son site.

Il faudrait donc que les autorités américaines bloquent également l’accès des Américains aux serveurs faisant tourner TikTok pour procéder à un blocage plus complet du réseau social. Une telle mesure pourrait être ordonnée, par exemple, aux fournisseurs d’accès à Internet américains. Mais, là encore, des mesures de contournement existent, comme on peut le voir lorsque des applications ou sites Internet sont interdits dans certains pays. Alors que TikTok a volontairement retiré son application de Hongkong, il y a peu, certains internautes ont réussi à accéder au réseau grâce à des VPN ou à des cartes SIM acquises dans d’autres pays.

Comme souvent : soit en surjouant l’émotion, soit en tournant la situation en dérision. L’utilisatrice ch1ppychip (149 000 abonnés) explique ainsi qu’elle est prête à se peindre le visage en orange et à construire un mur (comme celui promis par M. Trump à la frontière mexicaine) pour convaincre le président américain de faire machine arrière.

Au-delà des blagues liées à l’actualité, certains pointent le formidable levier politique qu’est peu à peu devenu TikTok aux Etats-Unis. Interrogé par le New York Times, Kareem Rahma, qui compte près de 400 000 abonnés, explique que « TikTok a été au mouvement Black Lives Matter ce que Twitter a été au “printemps arabe” (…). Les conversations que ces gamins ont entre eux sont essentielles ».

L’application s’est notamment retrouvée au cœur de l’actualité électorale américaine fin juin après avoir généré un mouvement de fausses réservations en ligne pour un meeting de M. Trump à Tusla (Oklahoma), ayant donné l’impression d’une vaste participation potentielle alors que seulement quelques milliers de sympathisants se sont rendus à l’événement – ce qui avait fortement irrité le locataire de la Maison Blanche.

Eitan Bernath, suivi par 1,2 million d’abonnés, affirme au New York Times que la fermeture de TikTok pourrait exacerber encore cet engagement politique de la jeune génération actuelle : « Pour beaucoup de gamins, la politique, ça paraît lointain. [Cette fermeture] va être la première fois que la politique a une influence sur leur vie. »

Mais souvent, soucieux de ne s’aliéner aucun de leurs fans, certains créateurs les plus célèbres ont évité de réagir de manière trop partisane. Une lettre ouverte à Donald Trump publiée par dix-neuf créateurs (qui totalisent plus de 100 millions d’abonnés) appelle ainsi seulement au maintien de la plate-forme : ils demandent au président américain de laisser « le capitalisme » et non « l’Etat » résoudre la situation, et d’œuvrer à « retirer l’appli du contrôle du Parti communiste chinois » en permettant à TikTok de devenir une entreprise 100 % américaine.

Ces derniers jours, des stars de TikTok, dont l’activité sur le réseau social est devenue un vrai métier, ont pris les devants et demandé à leurs abonnés de les suivre préventivement sur d’autres réseaux sociaux en cas d’interdiction de TikTok.

Parmi les remplaçants potentiels, notés par l’analyste américain Josh Constine, figurent entre autres l’application Byte (fondé par un créateur de Vine), l’application Triller, ou encore Instagram avec son nouveau format Reels – perçu comme la contre-offensive de Facebook face au succès de TikTok.

  • Quelle est la réponse de TikTok ?

TikTok a régulièrement affirmé que les données de ses utilisateurs n’étaient pas partagées avec Pékin. L’application rappelle souvent qu’elle compte des bureaux à Los Angeles et que ces données sont stockées sur des serveurs aux Etats-Unis et à Singapour. « Aucune des données n’est soumise à la loi chinoise », assurait TikTok en octobre 2019.

Accusé de censurer les manifestations à Hongkong, TikTok s’est racheté une réputation près d’un an plus tard en décidant de rendre ses services inaccessibles dans l’ancienne colonie britannique, en réponse au vote très contesté de la loi sur la sécurité nationale.

La pression augmentant ces dernières semaines, le nouveau patron de TikTok, M. Mayer, a promis fin juillet que l’application allait « se montrer transparente sur les algorithmes qui déterminent quels contenus voient les utilisateurs lorsqu’ils utilisent l’application ». Après les propos de M. Trump et les événements du week-end, la directrice générale, Vanessa Pappas, a répondu que TikTok n’avait pas l’intention de partir – augmentant la pression du bras de fer avec l’administration Trump.



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