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Le Professeur Eric Maury est le président de la Société de réanimation de langue française. Il affiche un optimisme certain. “Beaucoup de progrès ont été faits”, assure t-il. Premier volet de ces progrès : les médicaments. Depuis juin, plusieurs études ont prouvé les bénéfices des corticoïdes chez les patients gravement atteints.
Selon une série de travaux parus le 2 septembre dans la revue médicale américaine Jama, ces médicaments permettent de réduire de 21% la mortalité au bout de 28 jours chez les patients atteints d’un Covid-19 sévère, en combattant l’inflammation caractéristique des formes graves.
Aucun autre médicament n’a montré un effet significatif de réduction de la mortalité. Cela a conduit l’Organisation mondiale de la santé à recommander “l’usage systématique des corticoïdes chez les patients atteints d’une forme sévère ou critique” de la maladie. “C’est un traitement qui va pouvoir sauver des vies”, s’enthousiasme le Pr Djillali Annane, de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (AP-HP), co-auteur d’une des études.
Autre changement: “On donne des anticoagulants beaucoup plus tôt et de façon beaucoup plus agressive”, explique le Professeur Marc Leone, de la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation). Le but est d’éviter la formation de caillots de sang, l’une des complications graves du Covid-19.
Exit l’hydroxychloroquine
Plus généralement, on traite ces patients avec un nombre bien plus limité de médicaments ciblés. Exit ainsi l’hydroxychloroquine, traitement au centre de féroces polémiques mais dont les études n’ont pas prouvé l’efficacité. Au-delà des médicaments, de gros progrès ont été faits dans la prise en charge respiratoire des patients les plus touchés, qui sont en réanimation.
Au début, on intubait les patients très vite.
Maintenant, on fait tout pour éviter l’intubation. L’intubation consiste à introduire un tube dans la trachée du patient pour le raccorder à un appareil de respiration artificielle. Indispensable dans certains cas, ce geste invasif est très lourd et peut entraîner des complications, dont des infections. Et on a vite réalisé que les patients qu’on plaçait sous respirateur artificiel avaient très peu de chances de survie. Une étude publiée fin juillet dans la revue The Lancet a montré que tous âges confondus, 53% des malades du Covid-19 placés sous respirateur artificiel mouraient (cela grimpait à 72% chez les plus de 80 ans).
Les bienfaits de l’oxygénothérapie
Une alternative a donc émergé: l’oxygénothérapie à haut débit. Relativement récente – une dizaine d’années – cette technique consiste à insuffler au malade de gros volumes d’oxygène via de petits embouts placés dans son nez. “C’est très efficace, beaucoup moins invasif et donc beaucoup plus simple d’utilisation que l’intubation”, assure le Professeur Jean-Damien Ricard, de l’hôpital Louis-Mourier de Colombes (AP-HP).
Il a mené une étude parue mi-juillet dans la revue Intensive Care Medicine, qui montre que l’oxygénothérapie remplace avantageusement l’intubation chez certains.
“Ça concerne un peu plus de 30% des patients de notre série”, poursuit-il. Comme ceux qui sont intubés, ces malades sont placés sur le ventre pour “réaérer les zones postérieures du poumon”, ce qui semble là encore être bénéfique. Même si les études qui confirment leur utilité sont récentes, toutes ces améliorations ont été mises en oeuvre depuis un certain temps, guidées par l’observation et la pratique médicale.
“Quand une maladie nouvelle apparaît, au début on se sait pas quoi faire, puis les connaissances fleurissent tous les jours”, souligne le Professeur Maury. Malgré ces améliorations, les spécialistes mettent en garde contre un excès d’optimisme. Le Professeur Leone prévient : “Il y aura toujours des décès. Il ne faut pas que les gens pensent qu’on a trouvé les traitements contre cette maladie”.
“Un traitement qui va sauver des vies”
L’effet prouvé des corticoïdes sur les formes graves de Covid-19 est “un tournant spectaculaire” s’enthousiasme le Professeur Djillali Annane, chef du service de médecine intensive-réanimation de l’hôpital Raymond Poincaré, en région parisienne, et co-auteur de l’une des 7 études confirmant l’efficacité de ces médicaments.
En quoi l’efficacité prouvée des corticoïdes pour certains patients est-elle importante pour la suite?
“C’est un tournant spectaculaire, à plusieurs titres. D’abord, c’est le premier traitement pour lequel un effet très favorable sur la survie est démontré, avec une très forte certitude et plusieurs essais cliniques conduits sur les cinq continents.
Deuxièmement, ce traitement est non seulement bénéfique dans les formes graves en réanimation, mais aussi pour les patients qui se trouvent sous oxygène sans être dans un état suffisamment grave pour aller en réa. Le traitement peut justement empêcher leur état de s’aggraver et leur éviter d’y aller. Troisièmement, dans les essais cliniques publiés, il n’y a aucun élément d’inquiétude sur des complications.
Le quatrième élément, et peut-être la meilleure des bonnes nouvelles, c’est que ce traitement n’est pas cher. Ça coûte de 10 à 40 euros pour traiter un patient et c’est disponible partout dans le monde, dans les pays les plus pauvres comme les plus riches. C’est un traitement qui va pouvoir sauver des vies aussi bien en Afrique, en Amérique latine qu’à New York, Paris ou Tokyo.”
Comment agissent ces médicaments?
La cortisone est utilisée par des millions de gens depuis 70 ans. C’est un médicament qui agit pour diminuer l’inflammation, quelle qu’en soit l’origine. Il y a dans le monde des millions de personnes asthmatiques ou souffrant de rhumatismes articulaires qui prennent tous les jours des corticoïdes. Les corticoïdes n’agissent pas directement sur le coronavirus: ils vont prévenir l’inflammation produite par le virus, ou si cette inflammation est déjà survenue, vont en diminuer l’intensité et en raccourcir la durée. Mais ça n’est absolument pas un traitement préventif, on ne doit pas le prendre si on n’a pas de symptôme.
La dexaméthasone a beaucoup été citée, mais est-ce le seul corticoïde bénéfique?
Non, c’est la classe des corticoïdes qui est intéressante. La cortisone est une hormone naturelle qu’on produit tous. La dexaméthasone est une molécule de synthèse à partir de cette hormone naturelle. Mais il y a d’autres molécules: l’hydrocortisone, qui est naturelle, la méthylprednisolone, la bétaméthasone, etc. C’est important car le fait qu’il y ait plusieurs molécules va diminuer le risque d’une pénurie mondiale. Si l’effet ne venait que de la dexaméthasone et pas des autres corticoïdes, on aurait pu craindre que tout le monde se rue sur elle et qu’il finisse par ne plus y en avoir.”
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