[Société] Bruny Payet, figure du PCR et ancien secrétaire général de la CGTR, est mort

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C’est une figure du PCR et de la CGTR qui vient de disparaître. Bruny Payet est décédé à 98 ans.

 

 

> Le portrait de Bruny Payet par Raymond Lauret

 

“Bruny Payet nous a quittés ce dimanche 13 Septembre, à 9 heures du matin. On a beau savoir que son départ de cette Terre était proche vu son état de santé qui faiblissait depuis quelques mois, la nouvelle n’a laissé indifférent aucun de ceux qui ont bien connu ce militant de la première heure.

Né le 1er Juin 1922, Bruny venait donc d’avoir 98 ans. Et aujourd’hui, plus que jamais, nous saluons celui qui, en 1942, à l’âge de 20 ans donc, choisit, comme d’autres jeunes réunionnais à l’époque, de répondre à l’Appel du Général De Gaulle et de rejoindre la Résistance à l’invasion allemande. Bruny avait alors en poche son baccalauréat, diplôme obtenu avec mention ” Bien “. Il n’ignorait pas qu’en faisant ce choix, il prenait le risque de passer à côté des études supérieures que lui avaient suggérées avec insistance ses professeurs et même d’y laisser sa vie et ne plus jamais revoir son île natale.

La seconde guerre mondiale finie et gagnée en 1945, quelques temps plus tard  et avec succès, Bruny entreprit en France des études d’ingénieur en électricité, devenant ainsi le premier réunionnais à avoir réussi un tel parcours universitaire. Mais il paraît que, selon l’Administration de l‘époque, il était “trop” diplômé pour prétendre diriger l’institution qui se mettait alors en place à La Réunion pour devenir aujourd’hui l’E D F.

Après un cours séjour en Algérie, Bruny choisit de rejoindre le Docteur Raymond Vergès pour être son Directeur Général des Services de la Ville de Saint-André, ville dont il était alors le Maire. En même temps, Bruny apportait sa collaboration au journal Témoignages. L’Histoire retiendra que Bruny n’a eu ni le temps, ni surtout les moyens pour se construire une petite maison.

Vient le temps des fraudes et des violences électorales. Bruny doit quitter Saint-André. Il se consacre alors pleinement à Témoignages avant que l’élan militant l’amène à mettre sur pied la CGTR. Son temps, il le passera alors  à Saint-Denis, Rue du Maréchal Leclerc, à deux pas du Marché, au lieu-dit Cour Basile. Nous sommes encore nombreux à nous rappeler la petite case en bois sous tôle où les travailleurs et leurs délégués syndicaux venaient pour lui confier leurs problèmes et avoir la meilleure réponse à donner à leurs employeurs, à la Cour Basile, là où se tenaient également les meetings pour soutenir les hautes luttes d’alors. Pour Bruny, pas de grand train de vie dans de confortables bureaux, pas de puissantes voitures pour se déplacer : seule l’écoute de ceux qui avaient besoin de conseils et des meilleures propositions pour une saine et juste réplique était de mise.

Lorsqu’en 1971 Paul Vergès est élu Maire du Port, la CGTR peut se donner un peu plus d’espace. Bruny a pour salaire ce que touchait un ouvrier qualifié. Les luttes qu’il menait faisaient l’unanimité et nous étions très nombreux autour de lui lors des manifestations du 1er Mai et autres rassemblements.

C’est tout naturellement qu’aux élections cantonales du 23 Septembre 1973, au Port, après une campagne exemplaire, Bruny, qui était notre candidat, l’emportait face à Maurice Tomi, par 65 % (3340 voix) contre 35 % (1829 voix) des suffrages. Je n’ai pas oublié alors ce que, dans la foulée, Maurice Tomi m’avait dit : “Ma société a beaucoup construit au Port. Mais ça n’a pas suffi. Vous voyez, quand je vous disais qu’ils sont bien les communistes… Ah ! dommage, vous les communistes, que vous soyez communistes !”

Dans la petite pièce de la maison où il habitait à la ZUP du Port, au milieu des piles de journaux, affiches et ouvrages qui lui rappelaient l’idéal qui a motivé et qui a rempli sa vie, Bruny nous rappelait que, “à une certaine époque, on pouvait voir dans de nombreuses cours de réunionnais un ou plusieurs pieds de cacao…” Et de poursuivre : “Le cacaotier poussait à La Réunion. Au moment où nous savons que, à courte échéance, la canne à sucre est menacée, notamment parce que la France a réglé son problème et ne va pas encore longtemps subventionner cette production, oui, pourquoi ne pas penser à essayer autre chose ?”

Bruny rêvait fortement qu’un jour une entreprise réunionnaise, comme “Mascarin” par exemple, ose s’attaquer à l’énorme pari de faire de notre île une Terre qui produirait en grande quantité un des meilleurs chocolats du monde.

J’ai eu à favoriser la rencontre entre Bruny et le responsable d’une association qui milite pour le développement du cacaotier dans notre petite île de La Réunion. C’était en Septembre 2015.

On le voit, à 93 ans, Bruny ne cessait pas de penser à l’avenir de son île, son île qui perd aujourd’hui un de ses plus méritants garçons…”

 

 

> Les réactions

 

• Huguette Bello

 

“C’est un Monument du monde politique et syndical qui s’en va.

Bruny PAYET a marqué fortement l’Histoire de La Réunion tant sa contribution est importante.

Bruny PAYET est un grand combattant de la liberté et de la démocratie.

Résistant, il a combattu le nazisme et le fascisme en s’engageant dans les Forces Françaises Libres.

En plus d’être un homme politique soucieux de l’intérêt général, et un gestionnaire reconnu en tant que

Bruny PAYET s’est dévoué corps et âme à la cause des travailleurs à qui il a apporté grandeur et fierté.

Homme d’action d’une grande rigueur, il a porté et concrétisé, par ses nombreux combats, l’espoir d’un monde meilleur pour les travailleurs.

Il a porté haut les valeurs progressistes et mené tous les combats ; avec les travailleurs pour sauver l’usine de Quartier Français, pour l’égalité du SMIC qui en 1970 n’était qu’à 68% du SMIC métropolitain et ce combat de 50 années a abouti enfin en 1996 ; pour le 20 décembre chômé et férié ; contre la déportation de 631 enfants et aussi de travailleurs dans le cadre du Bumidom ; contre l’ordonnance scélérate exilant des fonctionnaires réunionnais. Contre l’apartheid et pour la fermeture du Consulat d’Afrique du Sud ; pour « l’Océan Indien zone de paix » et contre la création d’une base militaire à Pierrefonds, dans le sud de l’île, et d’une base de radionavigation du système mondial américain Oméga à Saint-Paul ; Ce ne sont là que quelques exemples des nombreuses luttes menées par Bruny PAYET.

Il a dévoué sa vie pour la cause des travailleurs et la défense de leurs droits avec un acharnement qui lui a valu oppression et répression mais jamais il n’a courbé la tête. Même lorsque le 6 juin 1968, le préfet Vaudeville ordonna l’assaut du siège de la CGT à la Cour Basil à Saint-Denis pendant la grève illimitée déclenchée le 27 mai pour l’égalité du SMIC.

Les hautes qualités humaines de Bruny PAYET expliquent le respect et l’admiration que La Réunion lui porte.
Homme à principes, homme simple et désintéressé, il incarne l’exemplarité, la ténacité et le courage de l’Homme réunionnais.

Il est une référence de probité pour tous ceux qui aspirent à des responsabilités ou les ont en charge.

J’en appelle à Nelson Mandela afin qu’il dise avec nous, à l’intention de Bruny PAYET : « Pour être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes… c’est vivre de manière à respecter et renforcer la liberté des autres. » Bruny, tu as été, tout au long de ta vie, un homme libre, un Réunionnais libre. Merci à toi, Bruny, d’avoir respecté, fait respecter et renforcer la liberté de tes sœurs et frères.

Que la jeunesse réunionnaise suive ton exemple !

J’adresse toute mon affection et mes condoléances attristées à ta famille, à tes proches”.

 

 

• Olivier Hoarau, maire du Port

 

“C’est avec une très grande tristesse que j’apprends le décès de notre camarade Bruny PAYET. Résistant au sein des Forces Françaises Libres, Secrétaire Général de la CGTR pendant des décennies, et membre influent du Comité Central du PCR, Bruny a marqué la vie syndicale et politique de La Réunion. Je salue son engagement, son abnégation et sa détermination à mener les combats les plus durs pour la cause du peuple réunionnais. Maitrisant parfaitement la dialectique, il a su faire progresser le dialogue avec le patronat et les services de l’État, à une époque où celui-ci était à ses balbutiements à La Réunion. Bien qu’ayant été un artisan essentiel de notre progrès social, Bruny PAYET aura toujours su rester loin du tumulte médiatique. Je garde le souvenir d’un homme à l’esprit d’excellence, plein d’humour et d’élégance. Ceux qui l’ont côtoyé disent de lui combien la loyauté et l’amitié étaient des valeurs indissociables de sa personnalité.

 

Les Réunionnais perdent un frère d’arme, l’un des plus emblématiques de leur émancipation, de leur capacité aujourd’hui à traiter d’égal à égal avec quiconque et de leur fierté d’être acteurs de leur destin.

 

À sa famille et à ses proches, je présente mes plus sincères condoléances.

 

La Ville de Le Port où a vécu Bruny Payet saura très prochainement lui rendre hommage. D’ores et déjà je fais mettre tous nos drapeaux en berne en signe d’adieu à Bruny.

Salut camarade”.

 

 

• Eric Fruteau

Nous apprenons le décès de monsieur Bruny Payet. C’est avec beaucoup de respect que nous nous prosternons. Un des fondateurs du PCR, journaliste et secrétaire général de la CGTR. Nous saluons le parcours militant et engagé de cet homme. Puisse notre jeunesse puiser dans son exemple d’engagement la force d’affronter l’avenir et ses difficultés. Il a marqué sans aucun doute l’histoire politique et syndicale de La Réunion. En mon nom personnel, au nom de ma famille et au nom de Demain La Réunion, j’adresse des condoléances les plus sincères aux membres de sa famille, à ses amis et à ses camarades.



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