Slovaquie : un acquittement à contre-courant

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Editorial du « Monde ». Le verdict d’acquittement prononcé, jeudi 3 septembre, à Bratislava dans l’affaire de l’assassinat, en février 2018, du journaliste slovaque Jan Kuciak et de sa compagne a profondément choqué l’opinion d’un pays qui s’était largement mobilisé pour réclamer la lumière et la justice après ce double meurtre. Il montre aussi à quel point l’effort de redressement d’un système judiciaire postcommuniste miné par la corruption et les mafias est une œuvre de longue haleine.

Marian Kocner, millionnaire dont les liens étroits avec la mafia et certains milieux politiques sont désormais établis, est accusé d’avoir commandité l’élimination de Jan Kuciak, 27 ans, parce qu’il s’intéressait de trop près à ses affaires. Le procès-fleuve dont il a été le centre depuis deux ans a permis aux Slovaques de mesurer l’étendue de la corruption dans le monde politico-judiciaire. Ces révélations ont confirmé la légitimité du vaste mouvement d’indignation qui avait suivi la mort de Jan Kuciak ; les manifestations avaient entraîné la démission du premier ministre, de son ministre de l’intérieur et du chef de la police. Un an plus tard, Zuzana Caputova, avocate et figure du mouvement anticorruption, était élue présidente de Slovaquie.

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La déception des partisans du nettoyage du système n’en a donc été que plus grande lorsque la présidente du jury a conclu à l’acquittement de Marian Kocner, considérant que « le parquet n’avait pas réussi à prouver [sa] culpabilité au-delà du doute ».

L’affaire ne devrait pas s’arrêter là pour autant, puisque ce verdict est susceptible d’appel. Elle recèle même quelques leçons encourageantes. Signe de maturité de l’Etat de droit en Slovaquie, la majorité des personnalités publiques, à commencer par la présidente Caputova, ont appelé leurs concitoyens à respecter le verdict. « Au bout du compte, la justice l’emportera », a assuré la présidente.

Bataille entre magistrats

La décision des juges est correctement motivée, même si le doute paraît excessivement protecteur pour l’accusé. Mais la confiance des Slovaques dans leur système judiciaire demeure faible, en dépit des démissions de magistrats provoquées depuis deux ans par de multiples enquêtes judiciaires ; une ancienne secrétaire d’Etat à la justice se trouve d’ailleurs en détention provisoire dans le cadre de l’une d’entre elles.

L’ampleur des abus et du détournement de la justice a été telle qu’il est encore difficile d’exclure, dans l’opinion, l’hypothèse d’un parti pris occulte des juges en faveur de l’accusé. Le processus de « lustration » (vérification) des magistrats a bien commencé, notamment sous l’impulsion de la présidente Caputova, qui a nommé à la tête du Conseil de la magistrature une ex-juge de la Cour suprême réputée incorruptible, mais il est encore incomplet : au sein de ce Conseil s’affrontent des magistrats qui veulent faire le ménage et d’autres qui protègent leurs collègues corrompus.

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Dans les sociétés post-totalitaires, un Etat de droit a beau être organisé dans les textes, cela ne garantit pas sa mise en œuvre du jour au lendemain. La Slovaquie d’aujourd’hui, cependant, est très différente de celle de 2018. Les dirigeants arrivés au pouvoir depuis l’assassinat mènent une vraie bataille contre la corruption, les journalistes n’ont plus peur, et Marian Kocner, condamné à dix-neuf ans de prison dans une autre affaire, reste derrière les barreaux. On aimerait qu’il en soit de même à Malte, où la justice est incapable d’enquêter en toute indépendance sur l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia en 2017.

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Le Monde

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