Siya Kolisi, le champion du monde de rugby accueilli en héros chez lui

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Le capitaine des Springboks, Siya Kolisi, à Pretoria, le 7 novembre 2019.
Le capitaine des Springboks, Siya Kolisi, à Pretoria, le 7 novembre 2019. Mike Hutchings / REUTERS

Voilà bien longtemps que Port Elizabeth ne s’était pas senti exister si fort. A l’extrémité méridionale de l’Afrique du Sud, le grand port de la province du Cap oriental est une ville rude, industrielle, où se sont multipliées les usines d’assemblage de voitures qui s’exportent, pour certains modèles, à l’autre bout de la planète. Mais où le chômage et la pauvreté sévissent aussi durement que dans tout le pays. En ce dimanche matin 10 novembre, sur fond de temps gris et humide, « PE » a son visage de tristesse : des rues désertes, un crachin qui fouette le visage, des enfilades d’entrepôts rouillés avec vue sur l’océan.

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Cette journée n’a pourtant rien de normal. Au fur et à mesure que la matinée avance, une foule s’amasse le long des boulevards. Un cri monte, repris par des dizaines de milliers de personnes, un appel du fond du cœur : « Siyaaaaa ! » Siya Kolisi, premier capitaine noir de la sélection nationale de l’équipe de rugby, enfant du pays et nouveau héros national, arrive en ville avec à la main le trophée Webb Ellis, symbole de la victoire sud-africaine en finale de la Coupe du monde au Japon, samedi 2 novembre. Dans la masse humaine, des mains tendent la « une » d’un journal, comme un autre cri : « Welcome Home Bokkie » (« Bienvenue chez toi “Bokkie” », surnom des membres de l’équipe nationale, les Springboks).

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Voilà quatre jours que les nouveaux champions du monde promènent la coupe à travers tout le pays. Mais à Port Elizabeth, Springboks s’emploie pour une fois au singulier : Siya Kolisi est le seul d’entre eux à rentrer véritablement à la maison. Il est né dans le township de Zwide, au nord de la ville. Aujourd’hui âgé de 28 ans, le joueur a souvent raconté comment, durant son enfance, il lui arrivait de ne pas manger à sa faim. Né de deux parents trop jeunes dans ce quartier marqué par le chômage et les espoirs limités de s’user sur les chaînes de montage de Ford ou Volkswagen, il a été élevé par sa grand-mère paternelle.

« Siya sait d’où il vient »

Dans une vidéo de 2017 que les habitants de Zwide s’échangent sur WhatsApp, il raconte comment cette dernière profitait d’un café occasionnel chez un voisin pour lui ramener un morceau de pain. Vingt ans plus tard, celui qui a possédé pour la première fois de sa vie une paire de chaussettes lorsqu’il a intégré un programme sportif grâce à une bourse est de retour sur le toit d’un bus, un trophée en or au bout des bras et des milliers de fans à ses pieds en guise de bienvenue.

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Dans les rues, la foule s’impatiente. Dans le quartier de Helenvale, au nord de la ville, ou a Uitenhage, un peu plus loin, tout à côté de l’usine Volkswagen qui produit 160 000 véhicules par an, le passage des « Boks » a été annulé. Il y a eu de la colère, des jets de pierre, des pneus brûlés et, finalement, des excuses officielles de l’équipe nationale pour ce petit ratage. A Zwide, on n’en peut plus de patienter, mais on ne sera pas déçu. « Mais ils sont où ? On attend depuis 8 heures du matin, je ne suis pas allée à la messe pour le voir ! » Miriam Zilico ne rate jamais la messe. Mais elle voulait à tout prix voir Siya : « Il a fait beaucoup pour notre pays ! Et il vient d’ici vous savez ! »

Les élèves de l’école primaire où le grand gabarit d’1,88 m a fait ses premières classes tiennent une banderole de remerciement. Non loin du township où a grandi le capitaine des champions du monde, le bus des Springboks doit quitter les grandes artères pour se faufiler dans les petites rues. On pourra prendre le temps de voir passer le héros. Beaucoup de connaissances du joueur sont là.

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Sur la bannière tenue par les enfants de l’école Emsengeni, on aperçoit le rugbyman en photo, penché sur des enfants absorbés par des tablettes. « Siya sait d’où il vient, il nous a offert des iPads et, maintenant, des tas de gens viennent nous voir pour proposer d’aider l’école. On a tellement de chance de l’avoir, c’est une bénédiction ! », s’enthousiasme la directrice adjointe, Nosipho Fillis, avant de dresser la liste des besoins : une barrière de sécurité, un meilleur terrain de rugby, une cour de récréation, de nouvelles toilettes, plus d’ordinateurs.

Un Mandela du sport

Siya Kolisi a également offert des équipements au club de son enfance, les African Bombers. Un responsable administratif évoque ses qualités de leader précoce. A l’époque, Siya était un enfant aux jambes maigrelettes, mais l’un des coachs de l’équipe, Thobile Mhlauli, avait remarqué sa détermination : « Il savait agripper la balle et courir sans la lâcher ! »

Les sirènes de police hurlantes qui accompagnent le bus des joueurs couvrent sa voix. En quelques secondes, la petite rue s’emplit d’une marée humaine. Siya brandit le trophée, rayonnant. Voilà quatre jours qu’il dirige cette marche triomphale des « Boks » mais, ici, l’enfant de Zwide semble seul sur le toit de son bus. A l’arrière, les autres joueurs se sont effacés. Cette journée n’appartient qu’à lui.

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Dans le sillage des vainqueurs, les enfants courent par centaines. Une chute générale dans une flaque d’eau transformée en mare par la pluie est évitée de justesse. « L’histoire de Siya est importante parce qu’elle montre que peu importe d’où on vient, on peut utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour s’élever », explique Mncedi Zingitwa, qui vient de prendre sa retraite après une carrière à l’université de Port Elizabeth.

A travers le joueur, Mncedi veut aussi voir le visage du changement dans une Afrique du Sud toujours divisée, vingt-cinq ans après la fin de l’apartheid : « Les Blancs n’ont toujours pas intégré le sentiment d’unité. Si vous êtes un Noir et que vous frappez à la porte d’un Blanc, il ne vous ouvrira pas parce qu’il a peur. Siya force les gens à voir que nous vivons dans une Afrique du Sud transformée. »

Devant la petite maison rose pâle au toit de tôle qui a vu grandir le champion, deux voisins et amis d’enfance espèrent sans trop y croire que Siya s’arrêtera ici. « Il est passé en coup de vent hier soir, mais là, avec la coupe… C’est pas comme si on la transportait comme ça ! », s’amuse Ayanda Gqoso, 31 ans. A ses côtés, Phila Mali, 28 ans, a vécu juste en face. Sautillant dans leurs blousons bleus, les deux s’enthousiasment : « C’est fabuleux ce qu’il a fait, fabuleux ! »

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Dans son enfance, Siya Kolisi peinait souvent à réunir les 50 rands de frais scolaires annuels (aujourd’hui l’équivalent de 3 euros). Phila, elle, n’est jamais allée à l’école. Le parcours du rugbyman lui redonne espoir : « Les rêves deviennent réalité, il suffit de sortir de sa zone de confort, de se concentrer sur un but et de travailler. Siya n’avait rien, même pas une télé ! », explique la jeune fille qui rêve de percer dans le rap. Avec Siya, elle se dit que tout devient possible : « Quand tu es connu, les gens te demandent de l’argent. Mais nous, on ne veut pas d’argent, son soutien nous suffit. Imagine s’il poste une de tes vidéos sur son compte Instagram ! » Comme beaucoup, elle voit dans Siya Kolisi un Mandela du sport : « C’est comme si la magie Mandela avait ensorcelé Siya. Il doit sourire dans sa tombe ! »

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