« Si les hôpitaux de Pékin ou de Shanghaï avaient été débordés, cela se serait su »

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A Wuhan (Chine), le 31 mars 2020.
A Wuhan (Chine), le 31 mars 2020. NOEL CELIS / AFP

Le correspondant du Monde en Chine, Frédéric Lemaître, a répondu aux questions des internautes du Monde sur la gestion chinoise de l’épidémie due au coronavirus. Pour lui, « le fait que le premier ministre a rappelé ces derniers jours qu’il ne fallait pas travestir la réalité semble indiquer que lui-même a des doutes ».

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Alex – Hk : Comment expliquez-vous le « faible » nombre de morts en regard du total de la population, sachant que quelques jours avant le principal confinement, beaucoup d’ouvriers sont allés voir leur famille éloignée lors du Nouvel An chinois et potentiellement ont pu transmettre le virus ?

Frédéric Lemaître : Il y a deux situations. Il y a les gens qui ont quitté le Hubei avant le confinement du 23 janvier. Les autorités chinoises ont essayé de les retrouver et ils ont été confinés là où ils se trouvaient. Et il y a les personnes qui, au contraire, sont retournées dans leur famille dans le Hubei. Celles-là ont également été confinées et certaines d’entre elles, notamment celle originaires de Pékin, le sont toujours.

Amandine : Comment expliquer que le virus se soit très peu diffusé en Chine en dehors du Hubei alors qu’il a réussi à se propager rapidement dans le monde ?

Je pense que cela résulte essentiellement du confinement très strict du Hubei, mais aussi, dans une moindre mesure, des autres provinces. Durant tout le mois de février, les rues de Pékin, par exemple, étaient désertes. Même si, ailleurs que dans le Hubei, les cas ont été plus nombreux qu’indiqué, ils n’ont pas dû atteindre des sommets. Je crois vraiment que si les hôpitaux de Pékin ou de Shanghaï avaient été débordés par l’épidémie du coronavirus, cela se serait su.

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pseudo : Il y a donc eu un confinement en dehors du Hubei ?

Oui, il y a eu confinement en dehors du Hubei. Alors que dans cette province, l’objectif était surtout d’empêcher les gens de partir, de nombreuses villes du pays ont mis en place des mesures pour empêcher les gens d’entrer. La situation variait non seulement d’une ville à l’autre, mais parfois d’un quartier à l’autre.

Ainsi, à Shanghaï, à la mi-février, certains quartiers imposaient une quarantaine aux personnes venues de l’étranger, mais d’autres non. Par ailleurs, certaines résidences limitent très strictement les allées et venues des résidents et de leurs visiteurs – par exemple en n’accordant qu’un laissez-passer par famille, ce qui empêche un couple de sortir en même temps – et d’autres sont plus flexibles. Les transports, tant terrestres qu’aériens, ont été sensiblement réduits.

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Un ami qui vous veut du bien : Pensez-vous que nous surestimons la capacité du gouvernement chinois à maquiller les chiffres des décès ?

La première question est : a-t-il les moyens de connaître exactement le nombre de victimes du virus ? Nous voyons bien que la question se pose dans le monde entier. De quoi meurt-on quand il y a une épidémie ? La réponse n’est pas simple.

Y a-t-il par ailleurs volonté de maquiller les chiffres ? Officiellement non, bien sûr. Mais le fait que le premier ministre a rappelé ces derniers jours qu’il ne fallait pas travestir la réalité semble indiquer que lui-même a des doutes. Il s’est engagé à ce que les cas asymtomatiques soient pris en compte. Sa remarque renvoie à un autre débat : il n’est pas certain que tous les chiffres remontent toujours à Pékin. Voire dans la principale ville de la province.

A la mi-février, le nouveau secrétaire du Parti communiste à Wuhan, Wang Zhonglin, a ordonné une inspection de tous les foyers de la ville et a eu ce commentaire que je cite de tête : « Si après l’inspection on retrouve des cas, les responsables locaux en seront tenus responsables. » On peut donc penser que dans ce cas les responsables locaux ont pu être tentés d’attribuer des décès à d’autres causes. On aura une idée plus exacte de la réalité lorsqu’on pourra comparer le nombre de morts au premier trimestre 2020 avec ceux de 2019.

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Bambi : Peut-on dire que les Chinois ont retrouvé une vie sociale « normale » depuis la levée du confinement ?

Pour le moment, le Hubei n’est plus confiné, à l’exception notoire de Wuhan. Dans la capitale de la province, le confinement ne prendra fin que le 8 avril. Certes, à Wuhan, les lignes de métro et les centres commerciaux commencent à rouvrir. Mais s’il y a des trains qui arrivent à la gare, il n’y en a pas encore – sauf erreur − qui en partent. Dans le reste de la province, la vie semble reprendre ses droits. Mais Pékin n’autorise les retours qu’au compte-gouttes et impose une quarantaine aux personnes venant d’une autre région, y compris le Hubei.

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Plus globalement, rares sont les écoles qui ont rouvert et se déplacer à travers le pays reste très difficile. A Pékin, les hutongs, les quartiers traditionnels, restent fermés aux personnes qui n’y habitent pas. Et dans tout le pays, les cinémas qui avaient rouvert à la mi-mars ont dû à nouveau fermer leurs portes. Symboliquement, la Cité interdite est également toujours fermée aux visiteurs. Mais Xi Jinping s’est déplacé dimanche dans un grand port chinois et si on l’a vu avec un masque à l’intérieur, il n’en portait pas lorsqu’il était à l’extérieur. Signe d’un retour à une relative normalité. Il semblerait par ailleurs qu’environ 70 % de l’activité économique ait repris.

A l’entrée d’un supermarché, à Pékin, le 31 mars 2020.
A l’entrée d’un supermarché, à Pékin, le 31 mars 2020. THOMAS PETER / REUTERS

Matt : Pourriez-vous nous expliquer où en est la situation à Hongkong ? Où en est la contestation prodémocratie ? Quel effet a eu le Covid-19 et le confinement sur cela ?

Hongkong a mis en place des mesures différentes de celle de la Chine continentale et que pour le moment, ce territoire, malgré la densité de sa population, semble avoir à peu près contenu l’épidémie. Notre correspondante sur place, Florence de Changy, a récemment fait un point là-dessus. J’aurais tendance à dire que la contestation est entre parenthèses, mais elle n’a pas disparu. Juin marquera le premier anniversaire des grandes manifestations de 2019 et comme des élections, décisives, sont prévues à l’automne, il ne serait pas tout à fait étonnant que l’été soit chaud.

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Le Creusois : En tant que journaliste occidental en Chine, risquez-vous d’être expulsé si vos informations nuisent à la « vérité officielle » du régime chinois ?

La situation est un peu plus complexe que cela. Vous semblez faire allusion à l’expulsion de trois journalistes du Wall Street Journal en février et de 13 autres journalistes américains ces derniers jours. Mais cela a assez peu à voir avec ce qu’ils ont écrit, mais résulte plutôt d’un bras de fer avec Washington. Comme l’a récemment écrit le Club des correspondants étrangers en Chine – dont je fais partie –, la situation est de plus en plus difficile pour les correspondants et pour les assistants chinois qui travaillent avec eux. Et les visas de moins d’un an semblent se multiplier.

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Léo : Le débat est très agité ici à propos de la chloroquine. Il semble que le professeur Raoult soit parti de travaux chinois. Les médecins ont-ils prescrit massivement cette molécule pour enrayer l’épidémie ?

Oui, les médecins chinois ont prescrit cette molécule, d’ailleurs disponible sur Internet. Elle fait partie des médicaments approuvés à la mi-février par la Commission nationale de la santé. Mais, très rapidement, les médecins ont mis en garde contre certains excès. Depuis le début de mars, elle est contre-indiquée pour certaines catégories de la population (femmes enceintes, personnes souffrant de maladies cardiaques ou de problèmes rénaux…) et les doses prescrites ont été limitées. Elle est perçue comme un élément possible du traitement, mais n’est jamais présentée comme un remède miracle.

Le Monde

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