Se souvenir de Buchenwald

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vendredi 24 mai 2019
Raymond Savoyat, ancien résistant de la seconde guerre mondiale, photographié chez lui.                                                 © Sylvain Frappat pour Le Monde

SYLVAIN FRAPPAT POUR « LE MONDE »

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Soixante-quatorze ans après l’évacuation du camp de concentration allemand, les témoins sont de plus en plus rares. Raymond Savoyat, un ancien soldat français, a participé à cette opération de sauvetage, qui l’a marqué à jamais.

Ce jour de la mi-avril 1945, alors qu’il s’apprêtait à fêter ses 21 ans en Allemagne, le chef de peloton Raymond Savoyat suivait avec ses camions l’avancée de la IIIe armée du général américain George Patton vers Nuremberg quand il reçut ordre de se dérouter vers un lieu qui n’existait pas. La 103e compagnie de transport devait se rendre immédiatement à 250 kilomètres plus au nord, tout près de Weimar, afin de procéder à une évacuation de civils. « Weimar, ça me disait quelque chose, je me souvenais de la République. Mais l’autre nom indiqué, je ne connaissais pas. Buchenwald… Je ne savais même pas comment ça se prononçait. »

« Bukenvald », comme dit encore le témoin près de trois quarts de siècle plus tard, ne figure pas sur ses cartes d’état-major éditées par l’IGN en février 1945. Arrivé au petit matin à Weimar, Raymond Savoyat demande son chemin. Mais personne ne paraît connaître l’endroit. Finalement, une unité américaine lui indique sur le plan un point anonyme, au milieu de la forêt d’Ettersberg. Après une dizaine de kilomètres seulement, le convoi militaire arrive à l’entrée du camp. Il n’y a pas de nom sur la grille fermée. Juste une inscription à l’insupportable ironie que le jeune soldat ne remarquera pas ce matin-là : « Jedem das seine » (« à chacun selon son mérite »).

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Dans son uniforme américain, floqué d’un écusson français, le chef de peloton pénètre à pied dans l’enclos silencieux. Il est d’abord saisi par l’odeur, à la fois indéfinissable et insupportable. « Elle me restera toujours dans le nez. » Il remet son ordre de mission à un capitaine qui le dirige vers l’immense place d’appel. Il fait ranger les vingt-cinq Ford de fabrication canadienne côte à côte, le nez vers la sortie, l’arrière vers les baraquements. « J’ai alors vu venir vers nous les déportés. C’était des loques qui se traînaient, une horde de cadavres ambulants. Ils étaient tous hagards. Il y avait un gars que deux de ses copains portaient pour ne pas qu’il tombe. C’était inimaginable. »

« Nous devions les porter »

Raymond Savoyat, 95 ans depuis le 26 mai, tente encore de décrire les ombres silencieuses puis s’arrête dans son récit, brisé par l’émotion. D’une main tremblante, il remue les vieux papiers étalés sur la table de la véranda, dans son chalet de la banlieue grenobloise. Il y a là, sortis pêle-mêle des tiroirs, la fameuse carte IGN, deux tickets de la cantine SS du camp, des papiers militaires, en français et en anglais, certifiant ses états de service dans la Résistance puis dans l’armée américaine.

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