Ricardo Nagaoka saisit « la tristesse et la frustration » des exilés de Portland

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Publié aujourd’hui à 07h15, mis à jour à 07h31

Dans l’Amérique contemporaine, la ville de Portland, dans l’État de l’Oregon, est réputée pour son progressisme, sa scène culturelle ou encore son engagement pour l’environnement. Mais le photographe Ricardo Nagaoka montre un tout autre versant de la réalité. Il s’intéresse à la communauté afro-américaine de la ville, à son histoire, dans toute sa complexité. Lui qui est né au Paraguay de parents japonais et a fait de l’Oregon son port d’attache décrit le quartier historique de la population noire, au nord-est de Portland, et la façon dont cette petite communauté – seulement 6 % des quelque 600 000 habitants – est marquée par le passé suprémaciste blanc de la ville.

Suprémacisme et Ku Klux Klan

Lors de la création de l’État en 1859, la Constitution interdisait aux Noirs ne résidant pas déjà sur place de rejoindre l’Oregon, en faisant ainsi le seul État « white only » de l’Union. Au fil des décennies, la ségrégation s’y est ancrée : l’État n’a ratifié le quinzième amendement de la Constitution américaine – introduit en 1870, il a donné le droit de vote aux hommes noirs –, qu’en 1959 ; le Ku Klux Klan y a prospéré au début du XXe siècle et une communauté suprémaciste s’y est développée jusque dans les années 1990.

Ici, même les enfants semblent avoir remisé leur sourire.

Nourri de ce contexte particulier, Ricardo Nagaoka a suivi pendant deux ans la population de ce quartier. Celle-ci a été contrainte, du fait de la hausse des prix du logement, de l’absence de protection des locataires et de la gentrification de la ville, d’abandonner les maisons aux promoteurs. « Ce phénomène existe dans d’autres villes des États-Unis, mais ici il est particulièrement rapide. Certaines familles ont vu leur loyer augmenter de 300 à 500 dollars par mois pendant un an », explique le photographe.

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Dans les portraits qui peuplent ce projet – et futur livre –, intitulé Eden within Eden, titre emprunté à un ouvrage de James J. Kopp consacré aux utopies qui ont vu le jour dans cet État, Nagaoka a saisi « la tristesse et la frustration » des habitants. Ici, même les enfants semblent avoir remisé leur sourire. « À l’origine, on a forcé ces gens à vivre ensemble dans certaines parties de la ville ; ils y ont construit leur maison, leur monde, et aujourd’hui, on les force à en partir, à se disperser dans des zones périphériques ».

« Lorsqu’on perd sa maison, ce n’est pas la perte physique des pièces que nous ressentons, mais les souvenirs et l’identité que nous avons forgés dans ces lieux. » Ricardo Nagaoka

Ceux qui restent sont regardés comme des étrangers : « On leur fait comprendre que leur place n’est pas vraiment là. Or, même si leurs rues étaient aussi frappées par la drogue ou la violence des gangs, c’était le seul endroit dont ils pouvaient dire : c’est chez moi. » Mais le photographe, lui-même déraciné du Paraguay au Canada, puis aux États-Unis, a préféré s’arrêter sur les visages plutôt que sur les habitations perdues. « Lorsqu’on perd sa maison, ce n’est pas la perte physique des pièces que nous ressentons, mais les souvenirs et l’identité que nous avons forgés dans ces lieux. Je ne voulais pas que tous ces gens soient réduits à des statistiques, mais qu’ils puissent raconter leur histoire. »

Les clichés s’arrêtent toutefois sur quelques endroits parmi les plus emblématiques du quartier et de la « vie d’avant » : l’église baptiste, qui fut l’un des premiers lieux de culte afro-américain de la ville et vit naître le mouvement local pour les droits civiques, le parc où les habitants se retrouvent en famille. Nagaoka témoigne : « Même déplacés à l’autre bout de la ville, ils reviennent à l’église le dimanche pour retrouver le sens de leur communauté, ou dans le parc où ils ont joué étant enfants. »

Ricardo Nagaoka
Ricardo Nagaoka
Ricardo Nagaoka
Ricardo Nagaoka
Ricardo Nagaoka
Ricardo Nagaoka
Ricardo Nagaoka

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