Reportage au Sanwi, le royaume ivoirien des ancêtres de Michael Jackson qui se rêve en Monaco de l’Afrique – JeuneAfrique.com

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Situé à l’extrême sud-est de la Côte d’Ivoire, le royaume du Sanwi espère faire valoir un jour d’anciens liens juridiques qui l’unissent à la France. Son roi, Amon N’Douffou V, rêve d’un statut spécial sur le modèle de Monaco.


Krindjabo est un village traversé par quelques pistes de terre bordées de modestes commerces. Un village de quelques centaines d’âmes qui semble vivre au ralenti, écrasé ce jour-là par un soleil de plomb. Des groupes d’enfants sortent d’une habitation pour s’abriter dans une autre, une poignée de jeunes vident des bouteilles de bière près du majestueux « arbre sacré », tandis que trois amies jouent aux dés quelques mètres plus loin pour tuer le temps, faute de clients dans leur échoppe.

L’ancienne cour royale est à l’abandon. Le bâtiment principal délabré est tacheté par endroits de moisissures, la végétation a peu à peu repris ses droits. Krindjabo n’en demeure pas moins une capitale royale, celle du royaume du Sanwi, un territoire Akan d’environ 8 000 kilomètres carré, situé à l’extrême sud-est de la Côte d’Ivoire, face au golfe de Guinée. Une capitale marquée par la venue de Michael Jackson en 1992, roi de la pop fait « prince » Amalaman Anoh, qui avait ici retrouvé ses racines après des recherches généalogiques et dont on célèbre aujourd’hui les dix ans de la disparition.

De Louis XIV à Notre-Dame-de-Paris

Le roi du Sanwi, Amon N’Douffou V, reçoit dans sa résidence privée, en attendant de trouver le financement pour se doter d’une nouvelle cour ou réhabiliter l’autre. La cérémonie est protocolaire. On se lève quand il entre dans la pièce et s’installe sur un trône légèrement surélevé, vêtu d’un pagne jaune et blanc à motifs et paré d’une couronne ainsi que d’un très imposant collier d’or.

Un dé de rhum est servi pour souhaiter la bienvenu aux hôtes. Amon N’Douffou V est entouré de quelques notables et chefs de villages qui viennent de s’échanger leurs adresses parisiennes où certains vivent toujours, ou d’autres ont vécu longtemps avant de revenir en Côte d’Ivoire. La tour Eiffel miniature posée en évidence sur la table basse en verre n’est pas là par hasard. Car ici, dans ce salon, tous se sentent autant Français qu’Ivoirien.  « Les liens juridiques entre la France et le royaume du Sanwi existent encore », assurent-ils.

Quelques semaines plus tôt, le Roi était d’ailleurs à Paris pour offrir sa contribution à la reconstruction de Notre-Dame. Il ne dira rien sur le montant, ou la nature de ce don. « La plus belle femme du monde ne peut offrir que ce qu’elle a », explique son porte-parole, Olivier Kattié, juriste à Abidjan. Le Roi ne s’exprime jamais en public. C’est lui seul qui est autorisé à répondre aux questions après s’être assuré d’avoir reçu l’autorisation de sa majesté. Un signe de la tête entre les deux hommes suffit.

Ce don avait provoqué l’incompréhension chez certains des « enfants » du royaume le jugeant inapproprié compte-tenu des difficultés économiques rencontrées dans cette région agricole du sud-Comoé où s’étendent pourtant à perte de vue des plantations de bananiers, d’hévéa ou de palmiers à huile.

« Le roi du Sanwi ne pouvait pas rester indifférent à cet incendie de Notre-Dame, ce n’est pas possible », justifie le porte-parole, rappelant l’histoire qui unit le royaume à la cathédrale :  « En 1688, le prince du royaume, le prince Aniaba, a été emmené en France où il a vécu avec le Roi Louis XIV qui s’est occupé de son éducation. Il a été baptisé au sein de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris avec, pour parrain, le roi en personne dont il a par la suite porté le prénom devenant Louis Aniaba. Louis Anabia a été capitaine dans le régiment royal et décoré des insignes de “l’Ordre de l’Etoile de Notre-Dame” en 1701 dans la cathédrale. »

Un Monaco ivoirien ?

A Krindjabo, un enfant passe dans ce qu’était la cour royale du royaume du Sanwi. © Michaël Zumstein

Le Roi se sent ivoirien et français puisqu’il a signé avec la France un traité de protectorat

« Le royaume du Sanwi a toujours eu de très bonnes relations avec la France. Le Roi se sent ivoirien et français puisqu’il a signé avec la France un traité de protectorat », poursuit Olivier Kattié, très enthousiaste et prolixe à l’évocation de la date du 4 juillet 1843, déterminante pour le royaume du Sanwi puisqu’elle marque la signature de ce traité par le roi Amon Ndouffou II qui confia sa souveraineté à la France pour qu’elle le protège contre les Anglais. Le Roi conservait sa souveraineté externe sur ses terres et son peuple.

« Le roi s’est déplacé à pied avec 300 hommes pour signer ce document à Assinie, à 60 kilomètres d’ici », affirme le porte-parole. « Cela s’est passé il y a 176 ans et le traité n’a jamais été abrogé depuis », insiste-t-il. Et de s’interroger : « Est-ce que nous ne sommes pas un territoire oublié de la France ? »

Le Sanwi voudrait en tout cas obtenir « un statut particulier, comme Monaco ». Une demande officielle a-t-elle été faite dans ce sens auprès de la France ? Olivier Kattié reste évasif. « Il faut trouver une solution en famille et pas sur la place publique », avant d’assurer qu’« il ne s’agit pas de mauvaises intentions, de sécession ou je ne sais quoi. C’est profond, c’est sentimental, c’est dans le sang. »

Le Sanwi n’en oublie pas pour autant la Côte d’Ivoire. À gauche du trône, plusieurs portraits du président Alassane Ouatarra confirment que l’on est en terre ivoirienne. Mais attention, pas question ici de parler politique.  « Le roi ne fait pas de politique, il n’a pas de couleur politique, il est au carrefour. Ce que le roi souhaite comme tout le monde est qu’à l’occasion des prochaines élections (l’élection présidentielle en 2020, NDLR), la Côte d’Ivoire soit en paix, et qu’avec a France on fasse en sorte que tout le monde vivent en paix et dans la joie », insiste Olivier Kattié.

Un roi incontournable

Le roi fait l’équilibre entre le pouvoir moderne, l’administration et le pouvoir coutumier

Dans le village de Krindjabo, les habitants rencontrés ne connaissent pas la date du 4 juillet 1843, pas plus que l’histoire de Louis Anabia ou l’existence de l’incendie de Notre-Dame-de-Paris. Assise sur une natte dans son petite salon de coiffure, à l’abri de la torpeur, Odette est plus préoccupée par les rentrées d’argent quotidiennes. Il manque de travail dans la région et la vie est chère.

« Nous, les jeunes, on n’a des problèmes pour travailler et pour gagner de l’argent. C’est dur ici. Parfois, on a trois bananes pour 500 Fcfa au marché  (un peu moins d’un euro, NDLR) », déplore la jeune mère de famille. Comme beaucoup ici, elle a déjà eu l’occasion de rencontrer le roi, incontournable dans la gestion des conflits, notamment foncier.

Michael Jackson, lors de son passage au royaume de Sanwi, à Krindjabo, en 1992. © DR / Capture d’écran Youtube

« Si tu as un problème, tu vas voir le roi. C’est comme un président, il règle les problèmes », assure Yolande, la sacristine de la paroisse Sainte-Famille de Krindjabo. « Tous ceux qui viennent ici cherche une solution à un problème. Le roi fait l’équilibre entre le pouvoir moderne, l’administration et le pouvoir coutumier », précise Ben Kottia, conseiller juridique de « sa majesté » et président du tribunal coutumier royal du Sanwi, ancien ingénieur pour la compagnie aérienne allemande Lufthansa.

Une position qui vaut à Amon N’Douffou V de recevoir régulièrement la visite des sommités politiques ivoiriennes, comme ce fut notamment le cas en février 2018, lorsque le royaume avait accueilli Guillaume Soro, alors président de l’Assemblée nationale, avec tous les honneurs dus à son rangs.

Si l’histoire ancienne de ce royaume est méconnu de ses habitants, beaucoup évoque celle récente de la venue de Michael Jackson. Bientôt, le Roi espère faire ériger une stèle en sa mémoire, une stèle qui, pourquoi pas, fera de Krindjabo un lieu de pèlerinage pour tous les fans de la stars de la pop. Amon N’Douffou V est bien déterminé à faire valoir l’Histoire et les histoires de son royaume.



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JeuneAfrique

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