« Réfléchir à la “blanchité” et à ses privilèges apparaît aussi vital que d’analyser les rapports de classe ou de genre »

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Tribune. La mise en ligne lundi de la lettre ouverte de la romancière Virginie Despentes dénonçant la persistance du racisme en France et pointant le refus de reconnaître la prévalence du « privilège blanc » a constitué un choc dans le contexte des affaires Floyd et Traoré.

L’emploi de cette expression, issue des sciences sociales états-uniennes a provoqué une multitude de réactions hostiles, dénonçant un concept dangereux, racialiste, essentialiste, une « catégorie inepte », écrit même Corinne Narassiguin dans Le Monde du 10 juin.

Abolition gommée par Napoléon

Cette dernière, ex-députée des Français d’Amérique du Nord et responsable nationale au Parti socialiste, ajoute qu’« Importer en France l’expression “privilège blanc”, c’est vouloir plaquer l’histoire des Etats-Unis sur l’histoire de France, sans respecter ni l’une ni l’autre. C’est fabriquer un non-sens historique. Dans le contexte français, parler d’abolir le privilège blanc, c’est donner à croire que la lutte antiraciste serait un combat contre le statut de Blanc. »

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En tant qu’historien des Etats-Unis, enseignant chercheur à l’université de Lille, je m’insurge contre cette présentation fallacieuse de l’histoire de ces deux pays. Si l’histoire du racisme et des discriminations présente d’évidentes différences entre les deux rives de l’Atlantique, il convient aujourd’hui de ne plus présenter l’expérience états-unienne comme le contre-modèle absolu dont la bienheureuse République française aurait été préservée.

Chacun sait aujourd’hui que la Révolution états-unienne a été le fait d’hommes blancs pour lesquels les idéaux de liberté, d’égalité et de poursuite du bonheur connaissaient des frontières strictes. Thomas Jefferson, l’auteur principal de la Déclaration d’indépendance de 1776, troisième président des Etats-Unis, considérait les Noirs par essence comme inférieurs et prit pour concubine une des ses esclaves.

En France, la première abolition de l’esclavage en 1794 fut gommée par Napoléon en 1802. On fera certes remarquer que la Seconde République finit par faire triompher l’abolition en 1848 quand il fallut aux Etats-Unis traverser l’épreuve terrible de la guerre de Sécession pour que soit enfin adopté, en 1865, le 13e amendement qui émancipait les esclaves.

Citoyens de seconde zone

Pourtant, l’esclavage ne fut, dans les deux pays, que la première étape, dans l’imposition d’une suprématie blanche.

En France, la République reprit à son compte l’aventure coloniale. Jules Ferry souligna en 1885 la responsabilité des « races supérieures » envers les « races inférieures ». La République établit notamment en Algérie une législation fondée sur la distinction raciale entre Français et Indigènes.

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