« Pour répondre à la crise, Facebook doit investir massivement dans la modération humaine »

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Tribune. Depuis le début de la crise du Covid-19, les messages de haine explosent sur les réseaux sociaux. Selon le baromètre de la haine en ligne mis en place par la société Netino, ils ont augmenté de façon significative au premier trimestre 2020 et représentent 14 % des messages. Dans la même période, le nombre de commentaires de toutes natures, sur Facebook, a quasiment doublé.

Ce double phénomène dépasse largement le seul cadre national. Cette haine est le fait d’individus, mais aussi de groupes organisés, présents et actifs depuis longtemps sur les réseaux sociaux. Ils voient dans cette crise l’occasion ultime de faire passer leurs messages voire leur idéologie. La viralité de ces messages est d’autant plus forte et leurs conséquences plus inquiétantes que le contexte de confinement a significativement augmenté le nombre d’heures passées devant les écrans, notamment sur les réseaux sociaux.

Face à cela, nous, militants ou représentants d’associations, participants à diverses initiatives de civisme en ligne, présents « sur le terrain » au quotidien, faisons tous un constat désolant : les plates-formes manquent à leur devoir de modération. Et Facebook, la plus large d’entre elles, en est un exemple particulièrement frappant.

Certes, nous notons la volonté affichée de Facebook de soutenir la société civile et de lutter contre la désinformation et les théories du complot liées au Covid-19, également en recrudescence. De plus, la création annoncée par le réseau social d’une « cour suprême », chargée de trancher certains cas de manière indépendante, constitue un effort que nous saluons.

Recours aux algorithmes

Cependant, le manque de modération sur la plate-forme, déjà problématique avant la crise, s’est aggravé au moment où, justement, il aurait été souhaitable que Facebook redouble d’efforts en la matière. Cela est d’autant plus alarmant que le Wall Street Journal a récemment révélé que le réseau social avait obtenu la preuve, après avoir mené des recherches en interne, que son algorithme contribuait à la prolifération de contenus extrêmes, sans que cela ne le pousse à opérer de changement fondamental.

De plus, les dispositions de la loi contre la haine en ligne devraient entrer en vigueur à partir du mois de juillet, et nous ne voyons pas comment Facebook compte les respecter, notamment en matière de retrait des contenus.

« Salir est un acte de méchanceté qui n’a rien à voir avec la justice »

François Jost est sémiologue et professeur émérite en sciences de l’information et de la communication à Paris-3. Dans La méchanceté en actes à l’ère numérique (CNRS, 2018), il s’intéresse au spectacle de la cruauté qui tous les jours se joue dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Comment analysez-vous la banalisation du « name and shame » (« nommer et faire honte »), jusque-là rarissime en France ?

Avec la téléréalité, des anonymes sont devenus en quelques semaines des gens célèbres. Cela a été vécu comme une sorte de revanche sociale, comme une victoire contre les élites. Les réseaux sociaux ont ouvert une nouvelle ère où il ne s’agit plus seulement de concurrencer les élites mais de les faire tomber de leur piédestal. Il s’agit de s’en prendre au nom et à l’éthos d’une personne, de détruire son e-réputation. Comme le dit le philosophe Vladimir Jankélévitch : « Le moyen le plus radical de vérifier le pouvoir que nous avons sur une chose ou un être, c’est d’obtenir de cet être sa propre destruction. » Et cette destruction passe par l’exposition publique d’un acte considéré comme honteux.

Peut-on parler de méchanceté ? Dans le cas de la dénonciation des chasseurs, par exemple, ceux qui participent à ces campagnes semblent animés par un désir de justice.

La méchanceté est un terme un peu enfantin, mais il a l’avantage de recouvrir toute une gradation d’actes méchants, de la médisance à la haine. Ce qui fait du name and shame un acte méchant, c’est qu’au lieu de lutter au niveau des idées, d’entrer dans un débat, il s’en prend violemment à l’énonciateur et qu’il recourt aux regards des autres. Il a besoin d’un tiers, qui est représenté par les internautes ou les auditeurs-spectateurs des médias. Salir est un acte de méchanceté, qui n’a rien à voir avec la justice qui mérite au moins une défense possible.

Peut-on se prémunir de ces mouvements ?

Pour cela, il faudrait des modérateurs, comme cela existe sur certains sites. Mais la rapidité de Twitter ou de Facebook ne permet pas de bien contrôler de tels actes. Une solution serait que les internautes réfléchissent un peu à ce qu’ils font avant de relayer des propos dégradants. Comme on sait de la calomnie, il reste toujours quelque chose.

Nous recevons désormais à chaque signalement de contenus violant de manière évidente les « standards de la communauté » de Facebook une réponse indiquant que le réseau social est aussi affecté par la crise du Covid-19 ; et que, en raison d’un effectif de modération réduit, le signalement en question n’aura pas la priorité.

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