Petit Grégory : le livre de Patricia Tourancheau révèle les derniers développements de l’enquête

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Pour le site Les Jours, Patricia Tourancheau a commencé à revenir sur toute l’affaire Grégory, alors qu’elle rebondissait l’an dernier avec de nouvelles expertises graphologiques désignant Jacqueline Jacob comme l’un des corbeaux : avec son époux Marcel Jacob, elle sera mise en examen au mois de juin 2017 pour “enlèvement et séquestration suivie de mort”. Les articles de l’ex-journaliste de Libération paraissent le 11 janvier, compilés et complétés de parties inédites, dans le livre Grégory – La machination familiale.

“Voilà ma vengeance pauvre con”

L’ouvrage sur ce que l’auteure qualifie de “fait divers le plus retentissant de la seconde moitié du XXe siècle” est organisé en chapitres thématiques. “Je me replonge dans les archives de Gregory et je pars en quête des procès-verbaux récents”, raconte Patricia Tourancheau qui commence son livre sur “les corbeaux” et raconte les coups de fil incessants que recevait la famille Villemin. Albert, le grand-père de Grégory est au départ la cible principale des appels, puis ce sera au tour de ses fils, surtout Jean-Marie, qui connaît une réussite professionnelle certaine.

Le corbeau ira même jusqu’à déposer un mot dans les volets du père de Grégory, le 4 mars 1983 : “Je vous ferai votre peau à la famille Villemin”. Le 24 avril, lors d’un coup de fil, il lui annonce : “Je m’en prendrai à ton mioche, ça te fera plus de mal”, puis disparaît pendant plusieurs mois… Jusqu’au 16 octobre 1984 : le corps sans vie de Grégory est retrouvé dans la Vologne, et le corbeau revendique le lendemain dans un courrier : “Voilà ma vengeance pauvre con. J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils”.

Murielle Bolle accuse… Puis se rétracte

Après deux semaines d’enquête, la gendarmerie orientera ses soupçons vers Bernard Laroche, un cousin de Jean-Marie Villemin. Une analyse graphologique le désigne comme l’auteur de certains courriers du corbeau. Et surtout, Murielle Bolle  raconte aux gendarmes que le 15 octobre, son oncle Bernard Laroche est venu la chercher à la sortie de l’école en voiture. Ils sont ensemble allés chercher un jeune garçon (elle l’a identifié ensuite  comme Grégory) que Bernard Laroche a ensuite déposé dans un endroit qu’elle ne connaît pas, “une chose est sûre, Bernard est revenu seul”, assure-telle…

“Si je n’ai pas parlé plus tôt, c’est que j’avais un peu peur de Bernard”, raconte-t-elle ensuite au juge d’instruction Jean-Michel Lambert, “les gendarmes ont été gentils avec moi. Ils ne m’ont jamais dit qu’il fallait que je dise certains faits et pas d’autres. J’ai vraiment parlé librement”. Le juge renvoie l’adolescente dans sa famille, qui ne sait alors rien de ses déclarations. Mais lors d’une conférence de presse, Jean-Michel Lambert, pour justifier l’inculpation de Bernard Laroche, évoque un “témoignage capital”, et finit par lâcher le nom de la jeune fille. Ce soir-là, des voisins disent avoir entendu Muriel crier et pleurer. Le lendemain, Murielle Bolle demande à voir le juge et revient sur ses déclarations.

“Elle a pris une rouste, et par sa mère, et par sa sœur”

Jacqueline Golbain, une infirmière, racontera que Murielle s’était confiée à elle : “J’ai assisté à la correction que Marie-Ange a filé à sa sœur quand elle est sortie (…) Elle a pris une rouste, et par sa mère, et par sa sœur. C’est pour ça qu’elle s’est complètement bloquée, apeurée ! Bien sûr, après elle se rétractait, ben moi ça ne m’a pas surprise”. L’annonce des nouvelles investigations fait apparaître un autre témoignage, celui d’un cousin, Patrick F., qui racontera pourtant aux policiers, être présent ce soir-là : “Quand nous sommes arrivés, nous sommes tombés pile-poil sur une scène insoutenable, un “lynchage” de ma cousine Murielle”.

Plus tard, alors qu’ils discutent en tête à tête, l’adolescente lui aurait “juré sur la tête de sa mère que Bernard était venu la chercher à la sortie de l’école, qu’ils avaient le petit Sébastien, c’est à dire le fils de Bernard. Bernard s’est arrêté loin d’une maison avec la 305, il est parti à pied, et il est revenu avec le gamin dans les bras. Elle m’a d’ailleurs précisé qu’elle avait vu le gamin jouer sur le tas de sable. Il a porté le gamin, elle l’a vu, et il a posé le gamin peu avant d’arriver à la voiture, et il l’a pris par la main (…) Là ils sont partis à un point X, je ne peux pas vous en dire plus, et il donne le gamin, c’est à dire Bernard revient sans le gamin”. Sur l’étendue des pressions familiales exercées contre Murielle, le cousin racontera également : “Au décès de Bernard, ça a été pire que tout car son père a pris Murielle par les cheveux et l’a amenée près du corps, et il lui a dit : ‘Regarde-le, c’est toi qui l’as mis là’”. Pour Patrick F, “dans cette affaire, il y a eu trois morts : le petit, Bernard et Murielle”.

Le livre raconte l’audition de Murielle Bolle en juin dernier, plus de trente ans après les faits, celle-ci reste sur ses dénégations : non elle n’était pas dans la voiture de Bernard Laroche le jour du meurtre du petit Grégory, et non, elle n’a “pas fait l’objet de pressions, ni battue, ni menacée, ni malmenée, pour avoir dénoncé Bernard Laroche”. Pourtant, même son compagnon Yannick, père de son troisième enfant, avait raconté à la juge que ce soir là, “elle s’est fait rouster la gueule”. Depuis, la nièce de Bernard Laroche a été mise en examen pour “enlèvement et séquestration suivie de mort”.

Le complot familial, l’unique piste

Comme l’indique le titre du livre, les enquêteurs, aidés par les carnets intimes du juge Simon, et par l’utilisation du logiciel d’analyse criminelle Anacrim, n’envisagent plus que la piste du complot familial. “Aujourd’hui, après des investigations dont nous n’aurions jamais soupçonné le nombre, nous nous sentons sur la bonne voie. L’assassin était à Aumontzey dans le triangle A (Bernard Laroche et son entourage), B (Michel Villemin et sa femme), C (Marcel Jacob et sa femme)”, écrit ainsi le juge d’instruction Maurice Simon, qui avait repris l’enquête à zéro, après les débuts catastrophiques du juge Jean-Michel Lambert. Le logiciel Anacrim désigne aussi l’oncle de Jean-Marie Villemin et son épouse : Jacqueline et Marcel Jacob sont “entourés de toutes parts de personnes leur faisant remonter l’ensemble des événements familiaux vécus par les Villemin” et on eu “les moyens d’organiser pendant des années le harcèlement mis en œuvre par le corbeau”.

Le programme d’analyse fait aussi remonter des témoignages, parfois passés inaperçus, comme le fait qu’“un homme a été aperçu à quatre reprises par le même témoin aux abords de l’école maternelle de Grégory le 15 octobre 1984, la veille du meurtre, et dans les parages du domicile des époux Villemin”. Le 16 octobre, le même homme traîne à nouveau vers 13 h 20 autour de l’école de Lépanges, selon un témoin qui va dessiner le portrait-robot de cet inconnu à grosses moustaches et rouflaquettes : il ressemble comme deux gouttes d’eau à Bernard Laroche. Le portrait sera diffusé dans la presse locale, mais “sitôt après la diffusion dans l’Est Républicain de ce croquis de l’homme recherché, Bernard Laroche rasera ses longs favoris”, écrit Patricia Tourancheau.

“Ils auraient également participé au rapt et au meurtre”

Mais pour les policiers et les juges qui ont relancé l’enquête, Bernard Laroche n’aurait pas agi seul : “S’il est manifeste que Bernard Laroche a enlevé Grégory Villemin, il n’est pas évident qu’il ait eu connaissance du funeste dessein planifié pour son petit-cousin” ; “le grand-oncle et la grand-tante de Grégory auraient non seulement incarné les voix du corbeau de la Vologne qui croassait des horreurs à des membres de la famille Villemin et tenu la plume empoisonnée qui menaçait de mort le fils du “chef”, Jean-Marie Villemin, mais ils auraient également participé au rapt et au meurtre de l’enfant”. Selon le rapport : “le 16 octobre 1984, Marcel et Jacqueline Jacob ont pu assouvir leur haine pour les Villemin en mettant à exécution l’assassinat du petit Grégory Villemin que l’argent de son père, Jean-Marie, ne saurait lui ramener”.

Marcel Jacob avait en effet des rapports conflictuels avec Albert et Jean-Marie Villemin, qui ont plusieurs fois failli finir en bagarre. Lors de la fête de Noël en 1982, Marcel Jacob aurait notamment dit au père du petit Grégory : “Je ne serre pas la main à un chef, tu n’es qu’un rampant sans poil sur la poitrine”. “Le chef”, un terme qui revient dans les lettres du corbeaux, et dans ses appels téléphoniques, pour désigner Jean-Marie.

“Je garde le droit au silence”

Lors de son audition l’été dernier, le grand-oncle de Grégory a réfuté toute participation à l’enlèvement et au meurtre de l’enfant. Le procureur général Jean-Jacques Bosc a annoncé que “Marcel Jacob dissimule contre l’évidence l’antagonisme parfois violent contre les parents de Grégory, ce qui le rend peu crédible”, tout en notant que Marcel et Jacqueline Jacob “ne présentent pas en l’état d’alibis confirmés ou étayés qui soient vérifiés”. Désignée comme l’auteure de plusieurs courriers du corbeau par de nouvelles expertises graphologiques, Jacqueline Jacob ne fera qu’une réponse à toutes les questions des enquêteurs : “Je garde le droit au silence”. Et lorsqu’on lui demande “pourquoi garder le silence si vous n’êtes pas impliquée”, la septuagénaire rétorque: “Je garde le silence parce que mon avocat me l’a conseillé”.

“On ne dit pas ça comme ça par hasard”

Entendue par les enquêteurs, Valérie, la fille de Marcel et Jacqueline Jacob, sera plus bavarde. Elle raconte ainsi que son père l’a appelée le jour du meurtre du petit Grégory, pour en savoir plus sur l’affaire : “J’étais surprise qu’il m’appelle ainsi par téléphone alors qu’il avait accès à l’information le soir en rentrant à la maison. Mon ressenti aujourd’hui est que s’il m’appelait, c’est qu’il avait peur de quelque chose”. Et un jour en 1989, “il m’avait appris qu’il était convoqué chez le juge Simon et que s’il y avait quelque chose, il ne fallait pas le laisser tomber. Je lui ai dit que s’il n’avait rien à se reprocher, il n’avait pas d’inquiétude à avoir. Ce jour-là, il avait l’air d’avoir peur de quelque chose… On ne dit pas ça comme ça par hasard”. Pour Valérie, son père a d’ailleurs un tempérament violent : “Vous savez, mon père était un gros bagarreur. Dans le temps, il se battait souvent dans les bals. Il foutait le bordel partout”, raconte-t-elle aux enquêteurs en ajoutant qu’après une escapade, elle a “pris une raclée par [son] père dont [elle se souvient] très bien. J’ai cru qu’il allait me tuer”.

Elle raconte également que son père surveillait souvent la maison d’Albert Villemin : “Je me souviens que mon père, du temps où j’étais ado et où les arbres n’étaient pas aussi hauts qu’aujourd’hui, était toujours chez lui avec ses jumelles à regarder en direction de la plaine, notamment chez Monique et Albert Villemin. Il avait toujours ses jumelles posées sur la table. Ma mère les utilisait également”. Un élément déterminant pour les enquêteurs : le corbeau semblait toujours au courant des agissements d’Albert et Monique Villemin, et ne pouvait donc vivre qu’à proximité du couple.

Lors d’une perquisition, les enquêteurs découvrent également chez lui un testament assurant à ses proches qu’il n’avait rien à voir dans cette affaire. Les policiers trouvent étrange que le document ait été écrit en décembre 2009, juste après une série de tests ADN qui aurait pu l’incriminer. Tout comme le fait qu’il ait conservé et qu’il montre aujourd’hui le procès-verbal d’une réunion syndicale à laquelle il aurait assisté le jour du meurtre de l’enfant, pièce qu’il n’avait auparavant jamais dévoilé.

Bernard Laroche, “le 7e enfant”

Les enquêteurs se sont aussi intéressés aux grands-parents du petit Grégory : les expertises graphologiques désignent Monique Villemin comme l’auteure de courrier menaçant de mort le juge Simon, et l’incitant à orienter son enquête sur Christine Villemin, la mère de l’enfant. Ils la soupçonnent de n’avoir pas tout dit, notamment pour couvrir son fils Michel, et Bernard Laroche qu’elle considérait comme son “7e enfant”. Après le meurtre de Grégory, la famille se déchirait car Michel, le frère de Jean-Marie, était très ami avec Bernard Laroche. Après une dispute entre les deux frères, sa mère avait ainsi lancé à Jean-Marie : “Laroche ne te suffit pas ! Il faut que tu mettes Michel dans le coup ! Vous faites des histoires pour rien”…

Aux enquêteurs, elle raconte que Michel, décédé depuis, lui a dit huit jours après la mort de Grégory que Murielle Bolle était bien dans la voiture de Bernard Laroche, et lorsque les enquêteurs lui demandent : “Pour quelles raisons avoir tu le fait que vous aviez vu le véhicule de Bernard Laroche l’après-midi de la disparition de Grégory chez votre fils Michel”, elle répond simplement : “On ne savait pas si Bernard était coupable ou pas”…

Les secrets de famille, la rancune et la jalousie nourrissaient la colère du corbeau, qui défendait notamment Michel, qu’il estimait rejeté par les Villemin; selon ce délateur anonyme (en fait plusieurs personnes), les parents n’avaient d’yeux que pour Jean-Marie, à cause de sa réussite professionnelle et financière, et dénigraient les autres frères. En 1993, lors du procès de Christine Villemin, Albert Villemin, le grand-père de l’enfant, prononcera cette étrange phrase révélatrice: “Je me sens coupable, parce que Grégory est mort à cause de nos histoires d’adultes”. Des adultes qui se taisent toujours aujourd’hui, trente ans après l’assassinat d’un enfant de 4 ans.

Grégory – La machination familiale (Seuil/Les Jours), sortie le 11 janvier 2018, 18 €

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