« Nûdem Durak, n’avait pas d’armes, sinon une guitare »

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Tribune. 1974 : c’était il y a si longtemps, mais le temps de la terreur semble si long à disparaître. J’étais arrêtée par la police politique de Pinochet après l’assaut de notre domicile clandestin. Mon compagnon était l’un des cadres de la résistance chilienne ; il perdit la vie sous le feu et je dois la mienne à la solidarité internationale. Nos camarades étaient tombés un à un, ou presque.

Beaucoup avaient été torturés, certains resteraient à jamais des « disparus ». Les putschistes me détenaient dans un hôpital militaire puisque j’avais été blessée par l’explosion d’une grenade. J’ignorais que des gens se mobilisaient pour ma libération ; je ne le découvris qu’en arrivant en Angleterre, expulsée, au commencement d’un long exil.

Angela Davis [militante américaine ancienne membre des Black Panthers] m’avait alors apporté son soutien – elle avait été acquittée deux ans plus tôt, après avoir été incarcérée et être devenue, à la faveur d’une vaste campagne internationale, l’un des figures de la lutte des Afro-Américains. On disait d’elle qu’elle était une « terroriste ». On l’a dit de nous, de moi, miristes [du Mouvement de la gauche révolutionnaire, en espagnol Movimiento de Izquierda Revolucionaria, MIR] et autres militants, car nous combattions pour la justice et l’égalité.

Une campagne internationale

On le dit aujourd’hui, ce mot, exactement le même, pour parler de Nûdem Durak, cette chanteuse kurde de 32 ans condamnée, en Turquie, à dix-neuf années de réclusion.

Voilà déjà cinq ans qu’elle vit dans un cachot. Soit cinq de trop. Notre propre liberté s’en voit mise en question ; aucun mur, aucun geôlier n’est parvenu à empêcher ce miracle : sa voix annule la distance. Nûdem Durak n’avait pas d’armes, sinon une guitare. Elle chantait dans sa langue maternelle, longtemps interdite par les gouvernements turcs successifs. Elle portait haut, de sa voix claire, la mémoire, le combat et les rêves de son peuple, opprimé depuis tant de décennies et par tant d’Etats.

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Et parce qu’elle résistait – et qu’elle résiste encore –, un de ces Etats, système de terreur, a voulu la faire taire par ce mot qui paralyse : « terrorisme ». Nûdem a été battue, placée à l’isolement. Sa guitare a été brisée, de faux témoins l’ont accablée. Mais la machine de mort étatique a déjà perdu : sa voix nous parvient, peut-être plus fortement encore, comme nous parvient celle de Grup Yorum et de ses musiciens morts ces derniers jours au terme d’une trop longue grève de la faim.

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