« Nous accordons notre pardon à tous ceux qui veulent le recevoir »

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Emmanuel Macron et le président rwandais Paul Kagame, à Kigali, le 27 mai.

Valérie Mukabayire est présidente de l’ONG Avega Agahozo, une association qui vient en aide aux veuves du génocide. Fondée en 1995, celle-ci propose du soutien médical, financier et psychologique aux rescapés qui ont perdu un conjoint pendant la tragédie rwandaise qui a fait un million de morts entre avril et juillet 1994. Grâce à différents programmes socio-économiques, elle participe aussi à la reconstruction nationale et à la réconciliation. Cette association, qui comptait 25 000 membres à sa création, en dénombre aujourd’hui près de 19 000.

Comme d’autres membres d’associations de victimes et de rescapés du génocide des Tutsi, Valérie Mukabayire, dont une partie de la famille a été massacrée, était invitée à assister au discours d’Emmanuel Macron, jeudi 27 mai, au Mémorial du génocide de Kigali.

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Quelle a été votre réaction après le discours d’Emmanuel Macron ?

Ce discours était attendu par les Rwandais avec beaucoup d’impatience. Je l’ai écouté avec attention et en suis très satisfaite. Il m’a même touchée. J’ai trouvé le président français compatissant et j’ai apprécié le fait qu’il reconnaisse la responsabilité de la France [dans le génocide des Tutsi]. C’est aussi ce qui était écrit dans le rapport de la commission Duclert qui a été dévoilé fin mars après l’ouverture des archives nationales en France. Mais aujourd’hui, cette responsabilité a été prononcée à plusieurs reprises face à nous, par le président français et dans un lieu de mémoire. Je suis émue.

Quels sont les mots que vous retenez ?

C’est évidemment le terme « responsabilité » mais aussi le mot « dette » [« dette envers les victimes pour tant de silences passés »]. Le président français a dit qu’il était là pour reconnaître la responsabilité de la France et je trouve cela courageux de sa part. Il a été aussi très clair sur le fait qu’il n’y avait eu qu’un seul génocide, celui des Tutsi. Ce sont des mots qu’on aime entendre et qui rassurent. J’espère qu’ils feront taire les révisionnistes qui prétendent qu’il y a eu un autre génocide [qui aurait été commis par les Tutsi contre les Hutu, après juillet 1994].

Le président français a aussi déclaré que la justice allait poursuivre tous les génocidaires réfugiés sur son territoire. Cette situation n’est plus tolérable. Me voilà aussi rassurée sur ce point très important.

Mais il n’a pas formulé d’excuses. Auriez-vous aimé que ce terme soit prononcé ?

Non, car je pense qu’il n’est pas important. La reconnaissance de la faute et le soutien dans la douleur valent beaucoup plus que des excuses. M. Macron a dit qu’il avait compris ce que nous avons vécu. J’ai ressenti de la compassion.

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Je pense qu’aujourd’hui un pas a été franchi et, à mes yeux, c’est le principal. L’essentiel est de renforcer cette relation d’amitié qui existe entre la France et le Rwanda. Elle est bonne désormais, et c’est ce qu’il faut préserver.

Emmanuel Macron a dit que « seuls ceux qui ont traversé la nuit peuvent peut-être pardonner, nous faire le don de nous pardonner. » Vous avez perdu votre mari et de nombreux proches pendant le génocide. Est-ce que vous pardonnez à la France ?

Vingt-sept ans après, les rescapés du génocide sont arrivés à un moment de leur histoire où ils ont même pardonné à des bourreaux qui ont exterminé toute leur famille. Ils ont pardonné à des tueurs, des génocidaires. Aujourd’hui, nous vivons ensemble sur les collines uniquement parce que nous avons réussi à nous pardonner entre nous. C’était le prix à payer pour pouvoir vivre en paix. Le pardon est aujourd’hui dans notre cœur, notre vie, notre culture. Puisque nous avons pardonné à nos génocidaires les crimes qu’ils ont commis, nous pouvons pardonner à tout le monde.

Même à ceux qui ne vous le demandent pas ?

Notre cœur doit rester ouvert, parce que nous voulons regarder vers l’avenir. C’est le seul moyen. Nous avons traversé la nuit, l’atrocité d’un génocide, mais nous devons aller de l’avant encore et toujours. Alors nous accordons notre pardon à tous ceux qui veulent le recevoir.

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