Ndayishimiye et Rwasa se lancent en campagne malgré la pandémie – Jeune Afrique

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La campagne pour les élections burundaises débute ce lundi 27 avril. En pleine épidémie de coronavirus, sept candidats vont se disputer la place de Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005. Quels sont les enjeux du scrutin? 


Cinq ans après les dernières élections – marquées par la polémique autour du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, la tentative de putsch du 13 mai 2015 et la répression qui a suivi –, les Burundais seront bientôt de retour aux urnes. Ce scrutin sera le premier depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, en mai 2018, qui a notamment rallongé la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans. En attendant le 20 mai, c’est un processus électoral pas comme les autres qui s’ouvre ce lundi au Burundi.

« Grâce divine »

À l’heure où l’épidémie de coronavirus continue de progresser en Afrique, le Burundi, qui a pour l’instant enregistré quinze cas dont un décès, est officiellement l’un des moins touchés du continent. Depuis l’arrivée du virus dans le pays, les autorités n’ont cessé de marteler que la situation était « sous contrôle », invoquant la « grâce divine » pour expliquer cette « exception » burundaise.

Pourtant, ce bilan officiel soulève depuis plusieurs semaines de nombreuses interrogations et la perspective de grands rassemblements dans le cadre de la campagne inquiète certains acteurs sanitaires. « Il y a nécessairement un risque de voir le virus circuler avec les cortèges de campagne, souligne une source médicale au Burundi. Il va falloir s’adapter sous peine de voir la situation nous échapper. »

À l’heure actuelle, aucune mesure autre que l’application des gestes barrières et du principe de distanciation sociale n’a été décrétée, et ce alors que plusieurs meetings sont déjà prévus à travers le pays. L’OMS, dont la collaboration avec le gouvernement semble s’être compliquée depuis le début de l’épidémie, multiplie les recommandations, parmi lesquelles l’augmentation du nombre de centres de dépistage et de tests pratiqués. « Nous sommes en train de travailler avec le gouvernement pour intensifier la détection des cas, l’identification des contacts et leur mise en quarantaine », rassure néanmoins un représentant de l’organisation.

Le ministère se veut rassurant et appelle la population à « rester sereine »

Et elle n’est pas la seule à s’inquiéter du manque de moyens. Le Kira Hospital de Bujumbura, l’un des meilleurs établissements du pays, a déjà alerté le ministère de la Santé dans une lettre où il s’inquiète du manque de réactifs pour procéder aux tests. Mais le ministère se veut rassurant et appelle la population à « rester sereine ».

Signe ou non d’une certaine prise de conscience à l’approche de cette campagne électorale, la Fédération burundaise de football a néanmoins annoncé, le 12 avril, un aménagement du calendrier sportif – le Burundi était l’un des derniers pays à maintenir son championnat local. Mais plutôt que d’évoquer la situation sanitaire, les autorités ont justifié ce report par la nécessité d’utiliser certains stades pour les élections.

Ndayishimiye, digne héritier de Nkurunziza ?

Désigné le 26 janvier à l’issue d’un congrès du CNDD-FDD (au pouvoir), Évariste Ndayishimiye fait indéniablement figure de favori. Ce discret général de 52 ans a le profil idéal pour succéder à Pierre Nkurunziza, à la tête du pays depuis 2005. Passé par le maquis, critère indispensable pour quiconque souhaite représenter le CNDD-FDD aux élections, Ndayishimiye est secrétaire général du parti depuis 2016.

Originaire de la province de Gitega, où il lance ce lundi sa campagne, il a gravi tous les échelons au sein de la rébellion avant de devenir un cadre de la machine politique du CNDD-FDD. Après le cessez-le-feu de 2003 et l’élection deux ans plus tard de Nkurunziza, « Neva » (son surnom quand il était dans le maquis) a su naviguer dans cet appareil qui a connu de nombreuses tensions au cours des deux dernières décennies.

Ndayishimiye, un homme « ouvert au dialogue » et « disert ».

Pilier du CNDD-FDD, il est décrit par certains anciens collaborateurs comme un homme « ouvert au dialogue » et « disert ». « C’est un politicien qui aime le terrain, mais ne va pas forcément s’imposer pour prendre les décisions », ajoute un ancien cadre de la présidence. Ndayishimiye est aussi décrit comme « un homme aux multiples visages » dans le rapport détaillé que l’Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB) lui a récemment consacré. Fin 2014, selon des anciens cadres du régime, il s’était brièvement associé aux frondeurs qui protestaient alors contre l’influence de deux poids lourds : Adolphe Nshimirimana, ex-chef des renseignements, et Alain-Guillaume Bunyoni, ministre de la Sécurité publique et actuel bras droit de Nkurunziza.

Plusieurs anciens cadres du CNDD-FDD assurent par ailleurs que Ndayishimiye n’était pas le choix de Nkurunziza, qui aurait préféré voir lui succéder Pascal Nyabenda, le président de l’Assemblée nationale. Mais ce dernier n’étant pas passé par le maquis, la balance a fini par pencher en faveur de Ndayishimiye.

Berthier Mugiraneza/AP/SIPA

Burundi Election © Évariste Ndayishimiye (à gauche) avec le président Pierre Nkurunziza, à Gitega, le 26 janvier 2020.

S’il ne fait aucun doute que la machine CNDD-FDD sera toute au service de son candidat, de quelle influence Ndayishimiye disposera-t-il par la suite face à ces généraux qui l’ont soutenu, mais aussi face à son prédécesseur ? Permettra-t-il un assouplissement du régime ?  Avant le congrès du CNDD-FDD, Pierre Nkurunziza a modifié les statuts du Conseil des sages, l’organe suprême du parti. Celui-ci est désormais dirigé par le Guide suprême du patriotisme − soit Nkurunziza lui-même. Preuve que l’ancien maquisard ne compte pas s’effacer de la vie politique.

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Burundi Elections © Le candidat de l’opposition Agathon Rwasa à Bujumbura, le 16 février 2020. © Berthier Mugiraneza/AP/SIPA

Rwasa, un outsider ?

Face à Neva, l’opposant Agathon Rwasa fait figure de principal challenger. L’ancien chef de la rébellion des FNL se présente sous les couleurs du Congrès national pour la liberté (CNL), son nouveau parti, qui a mis plusieurs mois à recevoir l’autorisation d’exister. Depuis qu’il a obtenu son agrément, en février 2019, le CNL n’a cessé de dénoncer la persécution de ses militants par les Imbonerakure, les ligues de la jeunesse affiliées au parti au pouvoir.

Rwasa lui-même est montré du doigt pour plusieurs massacres commis lors de la guerre civile, comme celui de Gatumba en 2004. Après sa défaite à l’élection de 2015, il avait contesté les résultats mais accepté de prendre le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale avec l’aide du CNDD-FDD. L’aventure sera de courte durée, mais Rwasa parviendra à rebondir. « Le CNL continue d’attirer un soutien important de la base, en particulier parmi la population rurale », assure l’IDHB dans son rapport.

Acceptera-t-il les résultats si ceux-ci devaient lui être défavorables ? « Nous ne respecterons le verdict des urnes que si ces élections sont organisées dans la transparence. Nous n’accepterons jamais des scrutins truqués. Il faut que tout le monde le sache », a-t-il déclaré après le dépôt de sa candidature en février.

Quid du reste de l’opposition ?

Cinq autres candidatures ont été validées par la commission électorale, mais elles semblent peu susceptibles de constituer une réelle menace. L’Union pour le progrès national (Uprona) sera représentée par le premier vice-président du Burundi, Gaston Sindimwo. En poste depuis 2015, ce dernier a régulièrement représenté Pierre Nkurunziza lors de déplacements officiels ces dernières années, le chef de l’État ayant considérablement réduit ses visites hors du pays depuis la tentative de putsch de 2015.

Mais l’Uprona est affaiblie par plusieurs dissidences. Dernier exemple en date : la réunion, le 18 avril, d’une aile animée par Isidore Mbayahaga, un pasteur proche du régime et de l’Église du rocher de la première dame Denise Nkurunziza. Cette « faction » a appelé à voter pour le CNDD-FDD. Contacté, Gaston Sindimwo dénonce une « manœuvre de certaines brebis égarées du parti au pouvoir et de l’Uprona » pour affaiblir sa candidature.

Également candidats, Léonce Ngendakumana du Sahwanya-Frodebu, Francis Rohero et Dieudonné Nahimana, deux indépendants, ainsi que l’ancien président Domitien Ndayizeye, dont la candidature avait initialement été rejetée. Ce dernier représentera la coalition Kira Burundi, déjà victime d’une première défection, celle d’Anicet Niyonkuru, ancien membre du Cnared, plateforme d’opposition en exil.

L’EAC, seul observateur

Outre le climat sanitaire et politique, la pression sur le milieu médiatique s’est considérablement accrue ces derniers mois. Quatre journalistes du média Iwacu, arrêtés le 22 octobre alors qu’ils couvraient l’incursion de rebelles burundais venus de RD Congo, ont été condamnés fin janvier à deux ans et demi de prison. Plus récemment, en mars, un journaliste de ce même média a fait l’objet de menaces de la part d’un député.

En octobre dernier, l’annonce de l’adoption d’un « code de conduite » pour les médias avait aussi déclenché une importante polémique : celui-ci interdit notamment le recours aux sondages et la publication de résultats autres que ceux de la commission électorale.

La campagne s’ouvre donc dans un contexte tendu. Aucune mission d’observation n’est par ailleurs prévue à l’exception de celle annoncée, début avril, par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). Elle sera menée par l’ancien Premier ministre tanzanien, Mizengo Pinda.

 

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