Milan Kundera, en français dans le texte

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Publié aujourd’hui à 05h59

C’est une autre guerre qui s’engage. Plus secrète, plus intime. Tout commence lors d’un entretien avec Alain Finkielkraut. En 1979, le philosophe interviewe Milan Kundera pour le quotidien italien Corriere della Sera et L’Express. Pourquoi le style « fleuri » et « baroque » de La Plaisanterie est-il devenu si « dépouillé » et « limpide » dans vos livres suivants, lui demande-t-il ? L’écrivain tchécoslovaque installé en France ne comprend pas bien la question de « Finkie ». Il se replonge de nouveau dans ce roman publié à Paris en 1968, le début de sa gloire.

La suite est racontée par Kundera dans une note ajoutée à la « version définitive » de La Plaisanterie. « Je fus stupéfait », explique le romancier. Le roman n’avait pas été « traduit », mais « réécrit ». Pour preuve, il dresse un inventaire des plus atroces « métaphores embellissantes » qui lui ont été infligées. « Le ciel était bleu », en tchèque, devient en français « sous un ciel de pervenche, octobre hissait son pavois fastueux ». « Elle commença à battre l’air furieusement autour d’elle » est traduit par : « Ses poings se déchaînèrent en moulin à vent frénétique »

L’auteur de l’outrage s’appelle Marcel Aymonin. On l’a oublié – et pour cause. La guerre froide a aussi infiltré le monde de la traduction. Autour de lui flotte un parfum de scandale. Adhérent du PCF en 1948, Aymonin était un ancien attaché culturel du « service diplomatique français » en Tchécoslovaquie. Le 27 avril 1951, quinze ans avant sa collaboration avec Kundera, il tient une conférence de presse à Prague pour dénoncer « la France, valet de l’impérialisme américain ». Il va même jusqu’à demander le droit d’asile au pouvoir communiste. Qui était vraiment ce premier traducteur de Kundera ? Un militant aveugle ou acharné ? Un agent de Prague ? « Je me suis souvent posé la question », soupire François Kérel, 94 ans, le fidèle traducteur de Kundera. S’il était un espion, c’était un espion de très bas vol. »

Exit Aragon et sa préface

La postérité kundérienne a gommé Aymonin. D’autres personnages, plus célèbres, ont été effacés, eux aussi, de son histoire. Aragon et sa préface de La Plaisanterie, par exemple, biffés de « La Pléiade », comme d’autres de la photo au temps de la propagande. « Pour Kundera, le texte d’Aragon politisait trop le livre », résume François Ricard, ex-professeur de littérature à l’université McGill de Montréal et héraut autorisé de la geste de l’écrivain depuis 1978. « Il cherche à évacuer son passé communiste, comme le font d’ailleurs certains personnages de ses romans », confirme Martin Rizek, auteur de Comment devient-on Kundera ? (L’Harmattan, 2001).

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