Metanopoli, la ville fantôme d’Enrico Mattei

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Publié aujourd’hui à 18h00

Sur le parvis de l’église Santa Barbara, pas l’ombre d’un fidèle. Seuls une cinquantaine de touristes ont bravé la touffeur de juin pour se masser là, devant cet avatar kitsch des dômes de la Renaissance. Ils écoutent religieusement leur guide, Monica Torri, une Milanaise qui aime faire découvrir les mille bizarreries de sa ville : « Selon le critique Bruno Zevi, il s’agit de l’édifice le plus laid du XXe siècle », dit-elle, un brin perverse. Avant de dessiner Santa Barbara, en 1957, l’architecte Mario Bacciocchi avait surtout conçu des stations-service pour l’ENI, la compagnie italienne des hydrocarbures. Les piliers de l’église ressemblent à des pompes à carburant. Alentour, les allées sentent autant l’essence que l’encens : bienvenue à Metanopoli, la cité voulue par Enrico Mattei, le fondateur de l’ENI, dans l’euphorie de l’après-guerre.

Ici, à San Donato Milanese, commune rurale de la périphérie milanaise, on bâtira « bien plus qu’un quartier », s’enflamme-t-il en 1956. Grisé par la fièvre de l’or noir, l’entrepreneur ajoute, avec une pointe de piété : « Pour nous, Metanopoli est l’expression d’une espérance. » Le 27 octobre 1962, son avion personnel, parti de Sicile, s’écrase dans la plaine lombarde, 20 kilomètres au sud de Metanopoli. Un sabotage maquillé en accident, conclura la justice quarante ans plus tard, sans parvenir à en identifier les auteurs. Mort aussi vite qu’il a vécu, à 56 ans, Mattei n’aura pas eu le temps de voir s’éroder son espérance. Car la cité idéale est aujourd’hui une ville fantôme, que hantent les rêves entravés de son bâtisseur.

Enrico Mattei, industriel et fondateur de l’ENI : « Pour nous, Metanopoli est l’expression d’une espérance »

Cette disgrâce, l’écrivain et cinéaste Pier Paolo Pasolini fut parmi les premiers à la pressentir. Lisez le scénario de La Nebbiosa (« la brumeuse »), qu’il signe en 1959 : l’histoire de loubards errant dans les brouillards de Metanopoli. Regardez Théorème, son film de 1968 : une domestique se fait enterrer vive dans un chantier du quartier. « Je ne suis pas venue pour mourir, mais pour pleurer », dit-elle, le visage couvert de terre et de larmes.

Ville métaphysique que Metanopoli : la frontière entre les morts et les vivants y semble plus ténue qu’ailleurs. Aussi, à cheminer parmi ses artères, le doute nous saisit : et si l’esprit de Mattei s’était joint à la visite, incognito ? Ça lui ressemblerait, à ce grand timide, curieux de tout. Sans doute serait-il ému d’entendre la guide louer l’omniprésence de la nature, décidée à une époque où l’écologie était absente des dicos : « Metanopoli est composée à 80 % d’espaces verts, décrit Monica Torri, en musardant dans le parc Enrico-Mattei. Ce jardin fait 100 000 mètres carrés. A sa création, on avait lâché des cerfs, des daims, des ratons laveurs. Il dispose d’une piscine, de terrains de foot… C’est là que s’est entraînée l’équipe d’Italie championne du monde en 1982. »

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