« Ma détention peut être prolongée indéfiniment »

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Le mécène turc Osman Kavala, en 2014 à Bruxelles, au Parlement européen.
Le mécène turc Osman Kavala, en 2014 à Bruxelles, au Parlement européen. Wiktor Dabkowski/picture-alliance/dpa/AP Images

Incarcéré depuis 2017, l’homme d’affaires Osman Kavala est une personnalité respectée du monde de la culture en Turquie et au-delà. C’est en grande partie grâce à sa fondation qu’il a été possible par le passé de débattre publiquement du génocide des Arméniens en 1915, de la question kurde ou des droits des personnes LGBT. Ce rare espace de liberté s’est vite refermé après la tentative de putsch du 15 juillet 2016, qui a servi de prétexte à une vaste purge des intellectuels, des magistrats, des universitaires.

Accusé d’avoir cherché à « renverser le gouvernement », ce géant de 63 ans aux bleus perçants et au sourire débonnaire n’a pourtant rien d’un agitateur. Les charges qui pèsent contre lui sont tellement inconsistantes que les juges l’ont acquitté lors de son dernier procès au mois de février. Mais avant même de pouvoir quitter la prison, il a été placé en garde à vue dans le cadre d’une nouvelle accusation. Son acquittement a tellement déplu en haut lieu que les trois juges qui l’avaient prononcé ont été poursuivis en justice. Une façon de rappeler à l’ensemble du corps judiciaire qu’il n’est qu’un jouet aux mains de l’exécutif. Il a répondu par écrit aux questions du « Monde » depuis la prison de haute sécurité de Silivri, à la périphérie d’Istanbul.

Quelles sont vos conditions de détention à la prison de haute sécurité de Silivri ?

Je suis dans une cellule individuelle avec des toilettes à l’intérieur. Le lit et la table occupent environ un tiers de la cellule. Je passe la plus grande partie du temps assis, à la table située à côté de la fenêtre, à lire, à réfléchir et un peu à écrire. A cette occasion, j’ai relu des romans classiques. Tout à fait par hasard, je lisais La Peste, d’Albert Camus, au début de l’épidémie due au coronavirus.

Le petit écran de la télé est aussi sur ma table. Les images que je vois me donnent une impression de déjà-vu par rapport au roman de Camus. Je regarde les informations et les débats sur des chaînes indépendantes. La chaîne publique TRT 2 passe aussi des films de qualité. Le fait de regarder depuis ma cellule le film Le Havre dirigé par Aki Kaurismäki [2011] m’a fait du bien. Je ne dirais pas la même chose des films d’Andreï Tarkovski.

Je reçois aussi des journaux. Comme je ne peux accéder à la presse étrangère, la publication par le journal Cumhuriyet de la traduction en turc du Monde diplomatique a été très bénéfique pour moi.

Dans la journée, je peux avoir accès à une petite cour que je partage avec mon voisin. Deux fois par jour, nous marchons ensemble dans cette cour. En marchant, nous essayons de regarder les mouettes qui volent au-dessus de nous. Nous contemplons les nuages. Ces derniers temps, l’endroit est devenu plus animé. Les moineaux ont installé leurs nids en haut des murs. Bientôt, leurs petits vont naître. Ecouter leurs gazouillis, observer les mouvements des mâles et des femelles autour des nids sont des moments privilégiés. Eux aussi se sont habitués à nous. Quand nous sortons dans la cour, ils comprennent que le moment de voler est venu. Ils commencent alors à planer vers le bas. Grâce à tout ça, notre lien avec la nature n’est pas totalement coupé. Si vous ajoutez la lessive, la vaisselle, le ménage, etc., cela fait pas mal d’activités. Le temps passe sans trop de difficultés, à condition de ne pas penser en permanence à ce qui vous arrive et à tout ce que vous auriez pu faire si vous étiez en liberté.

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