l’impossible union des opposants à Faure Gnassingbé

0
112

[ad_1]

Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du Monde Afrique depuis ce lien. Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du Monde Afrique.

L’opposant et candidat à l’élection présidentielle togolaise Jean-Pierre Fabre lors d’un rassemblement à Lomé, le 20 février 2020.
L’opposant et candidat à l’élection présidentielle togolaise Jean-Pierre Fabre lors d’un rassemblement à Lomé, le 20 février 2020. Luc Gnago / REUTERS

Dans le quartier de Kodjoviakopé, à l’ouest du centre-ville de Lomé, la maison de Jean-Pierre Fabre est connue de tous. Cette semaine, on pouvait y voir des dizaines de militants organiser des débats ou se rassembler avant de partir en meeting. La campagne pour l’élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu samedi 22 février, est désormais terminée. « Désolé, j’ai la voix enrouée, s’excuse Jean-Pierre Fabre en s’asseyant. J’ai avalé tellement de poussière sur les routes du Togo. Le président sortant ne connaît pas ce problème, il ne se déplace qu’en hélicoptère. »

A 67 ans, Jean-Pierre Fabre a pourtant du souffle. S’il a mangé de la poussière en traversant son pays, il a aussi avalé quelques couleuvres dans sa longue carrière politique. C’est la troisième fois qu’il s’oppose à Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir en 2005 après avoir succédé à son père, Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant trente-huit ans. L’opposant a toujours obtenu autour de 35 % des voix, alors que son rival approchait les 60 %. « Mais à chaque fois, on m’a volé la victoire, jure-t-il. Cette fois, je ne laisserai personne le faire. »

Lire aussi Au Togo, Faure Gnassingbé en route vers un quatrième mandat présidentiel

En 2010, après le vote, les forces de l’ordre avaient fait irruption dans les locaux de son parti, l’Alliance nationale pour le changement (ANC), pour détruire des copies de procès-verbaux ainsi que des ordinateurs. Les militants avaient crié au « hold-up » électoral, assurant que leur candidat était le véritable vainqueur, mais ils n’étaient pas parvenus à mobiliser dans la rue une population préoccupée par sa survie et encore traumatisée par les violences électorales de 2005, qui avaient fait plusieurs centaines de morts.

En 2015, le scrutin avait été jugé « libre et transparent » par les Nations unies, malgré de nouvelles protestations de l’ANC, qui dénonçait « coups de force, attaques et fraudes ». Une victoire dans les urnes pourrait-elle maintenant lui ouvrir les portes du palais présidentiel ? « Les conditions ne sont pas réunies, assure l’opposant. Les résultats de chaque bureau de vote ne seront pas connus avant d’être transmis et les bulletins ne seront pas authentifiés. Mais il est important de participer à cette élection et de se battre pour que le scrutin soit équitable. »

« Il n’a jamais retourné sa veste »

S’il est une qualité que ses partisans et ses adversaires reconnaissent à Jean-Pierre Fabre, c’est celle de la fidélité dans l’engagement. « Lui au moins, il n’a jamais retourné sa veste, estime un proche du cercle présidentiel. Il est toujours resté fidèle à ses convictions. »

Né d’un père marseillais et d’une mère togolaise, Jean-Pierre Fabre a milité à la Ligue des droits de l’homme, où il a connu toutes sortes de harcèlements sous Gnassingbé Eyadéma. Economiste de formation, il fut secrétaire général de l’Union des forces de changement (UFC) dès la création du parti, en 1992. A la présidentielle de 2010, il remplace au dernier moment Gilchrist Olympio. C’est un rapprochement entre ce dernier et le clan Eyadéma qui va pousser Jean-Pierre Fabre à claquer la porte de l’UFC et à créer l’ANC.

Mais l’un des problèmes récurrents de Jean-Pierre Fabre, c’est qu’il n’est jamais le seul à souhaiter l’alternance au sommet de l’Etat togolais. En août 2017 a émergé un personnage aussi charismatique qu’inattendu : Tikpi Atchadam. A la tête du Parti national panafricain (PNP), cet ancien fonctionnaire a mobilisé des dizaines de milliers de sympathisants pour imposer des réformes constitutionnelles et exiger le départ de Faure Gnassingbé. Il ira jusqu’à ratisser dans l’électorat du clan présidentiel, souvent originaire du nord et musulman comme lui, tout en donnant un sacré coup de vieux à l’opposition traditionnelle.

Lire aussi Tikpi Atchadam, l’opposant que personne n’a vu venir au Togo

Avec un savant mélange de populisme, de religion mais aussi de violences, Tikpi Atchadam a créé une dynamique autour de laquelle s’est formée la C14, une coalition de quatorze partis d’opposition. Mais elle ne résistera pas aux querelles d’égo, aux insultes et aux trahisons. La C14 vole en éclats et Tikpi Atchadam s’exile au Ghana, d’où il demande à ses partisans, souvent issus de la communauté Tem, de boycotter tous les scrutins.

Après deux années de manifestations qui vont se solder par une vingtaine de morts et des dizaines d’arrestations, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) publie une feuille de sortie de crise. Mais en décembre 2018, Jean-Pierre Fabre boycotte les élections législatives. Cette décision, très contestée dans son parti, va notamment le priver de son rôle de chef de file de l’opposition et l’éloigner de l’échiquier politique.

Kodjo, « le choix de l’Esprit-Saint »

La nature et l’opposition togolaise ayant horreur du vide, un nouvel opposant apparaît : Agbéyomé Kodjo. Ancien premier ministre de Gnassingbé Eyadéma, dont il était l’un des « chouchous », cet homme de 65 ans a viré de bord pour signer un score dérisoire en 2010 (0,9 %). S’il bénéficie dix ans plus tard du soutien de quelques partis de feue la C14, il revient surtout avec l’appui de Mgr Philippe Kpodzro, l’archevêque émérite de Lomé, un homme qui compte dans la société civile et diffuse même des consignes de vote dans ses homélies.

Agbéyomé Kodjo, qui se revendique du « choix de l’Esprit-Saint » et qui conteste aujourd’hui le leadership de Jean-Pierre Fabre, divise l’opposition au point d’être soupçonné d’agir pour le camp présidentiel. « C’est possible mais ce n’est pas prouvé, note un observateur de la scène togolaise. Ce qui est certain, c’est que l’opposition a passé tellement de temps dans les contestations, les débats internes et les procédures qu’elle en a oublié de labourer le terrain pour soigner son électorat. »

Les 3,6 millions d’électeurs togolais auront le choix entre six candidats pour provoquer une alternance et sortir un président qui détient toutes les clés de l’appareil d’Etat depuis quinze ans. Pour l’opposition, parvenir à le battre après s’être présentée en ordre dispersé relèverait toutefois de l’exploit.

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: