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Michal Chelbin pour M Le magazine du Monde
ReportageLes communautés juives ultraorthodoxes paient un lourd tribut au coronavirus. Isolées du monde, menées par des rabbins rétifs aux directives de l’Etat, ces enclaves religieuses ont tardé à réagir au danger. Leurs quartiers, leurs villes sont les principaux foyers d’infection du pays.
Il n’y a plus d’îles coupées du monde. Les juifs ultraorthodoxes, la communauté la plus fermée d’Israël, sont en train de l’apprendre. Eux, les haredim, ceux qui « tremblent » devant Dieu, sont les premières victimes de l’épidémie due au coronavirus dans le pays. A Jérusalem, les ultraorthodoxes représentent les trois quarts des cas de contamination. Ils ont tardé à comprendre que la nuée fondait sur eux comme sur les autres, ces juifs égarés, laïques ou traditionnels, qu’ils regardent de si haut. Leurs quartiers, leurs villes sont les principaux foyers d’infection. L’armée et la police les ont même bouclés pour Pessah, la Pâque juive.
Comment cela a-t-il pu arriver ? Que dire de ce pilier du dogme, Torah meguina ou-matsila (« la Torah protège et sauve »), si la prière collective ne préserve plus, mais tue ? Voilà que leurs rabbins sont contraints d’appeler à l’aide l’état séculier, honni ou ignoré en temps normal. Alors, qui a failli ? Les rabbins ? Impossible. Leurs conseillers ? Leurs représentants au gouvernement ? Cloîtrés, pour la plupart, chez eux depuis un mois pour la première fois de leur vie, ils se repassent le film de l’épidémie, qui a contaminé plus de 15 000 personnes et a fait plus de 200 morts en Israël. Pour comprendre comment cela a pu se passer. Et savoir si tout peut encore redevenir comme avant.
Premier pic de contamination
Ce film tragique commence par la fête de Pourim, les 10 et 11 mars. A Afoula, dans le nord du pays, la famille du rabbin Henri Kahn a reçu, comme chaque année, les proches ou les quasi-inconnus qui toquent à la porte et vous embrassent. Elle a envoyé des friandises et des repas aux plus pauvres. Le gouvernement vient d’annoncer, le 9 mars, de nouvelles restrictions aux arrivées de l’aéroport David-Ben-Gourion de Tel-Aviv, quasiment la seule porte d’entrée du pays. Mais qui le sait, dans cette communauté si peu raccordée aux médias, et qui s’en soucie ?
Dans la ville mixte de Petah Tikva, à une quinzaine de kilomètres de Tel-Aviv, où des haredim vivent parmi d’autres Israéliens, Esti Shoshan, 43 ans, quatre enfants dont trois garçons, ultraorthodoxe et néanmoins féministe, a lu soir et matin en famille la Megillah, le Livre d’Esther, qui sauve son peuple d’un massacre en Perse antique. Elle a aidé ses adolescents à se maquiller pour le carnaval. Dans tout le pays, on est descendu dans les rues pour célébrer Pourim et boire. Rares sont ceux qui s’en doutent alors, mais cette fête deviendra le premier pic de contamination en Israël. Comme dans d’autres communautés juives de par le monde, à Brooklyn ou à Londres.
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