les soldats morts en opérations extérieures entrent dans la mémoire collective

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Le président Emmanuel Macron lors de l’inauguration du « Monument aux morts pour la France en operations exterieures » de l’artiste Stéphane Vigny, le 11 novembre.
Le président Emmanuel Macron lors de l’inauguration du « Monument aux morts pour la France en operations exterieures » de l’artiste Stéphane Vigny, le 11 novembre. JOHANNA GERON / AFP

Le maréchal des logis Damien Noblet a sauté sur une mine en avril 2016 au Mali. « Il m’avait écrit qu’il ne sentait pas cette mission, se souvient sa sœur Céline. Il avait demandé à sa compagne de ne pas faire assister leur petit garçon à l’hommage qui serait rendu au cas où il serait tué. On ne pourra jamais aller sur ces lieux, on s’imagine beaucoup de choses. »

Elle est lointaine, aujourd’hui, la mort de ceux qui combattent au nom de la France. Presque abstraite. Aux enfants d’une école bretonne, Dominique Jacq a voulu expliquer que « la guerre n’était pas un jeu vidéo ». Son fils adjudant-chef, Fabien, est lui aussi mort au Mali, fin 2016. « Le soldat est un taiseux, il n’évoque jamais l’éventualité de l’issue fatale, rappelle-t-il. Je connaissais mon fils de 28 ans mais pas le soldat qu’il était depuis huit ans. Pour moi, le Mali reste un point sur une carte. J’aurais besoin de toucher ce sable où son sang a coulé, pour toucher Fabien. »

Ces soldats et leurs familles ont désormais un monument sur lequel s’appuyer, celui des « Morts pour la France en opérations extérieures ». Le président de la République l’a inauguré lundi 11 novembre dans le jardin Eugénie-Djendi, dans le 15e arrondissement de Paris. Il a marché le long de ses murs, gravés de 549 noms, qui entourent une sculpture de bronze représentant un groupe de six militaires porteurs d’un cercueil invisible. Le 8 novembre, Emmanuel Macron avait également rendu hommage aux agents de la DGSE tués en service commandé, à la caserne Mortier.

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« Maintenant les soldats des opérations extérieures existent »

Les premiers monuments aux morts sont apparus en 1920. En 1962, à la fin de la guerre d’Algérie, la France a cessé de graver le nom de ses soldats sur les pierres du souvenir. Avec le nouveau mémorial national, il s’agit « pour la nation de faire bloc autour de la génération des opex et d’installer cette quatrième génération du feu au plus haut niveau », dans un monde d’anciens combattants qui ne lui a pas accordé facilement sa reconnaissance, explique l’Elysée.

« Il a fallu faire notre place, admettait lundi avant la cérémonie le général André Soubirou, qui a commandé les forces françaises à Sarajevo en 1994. Les anciens combattants nous disaient que nous n’étions pas nombreux. Ou que nous faisions la guerre sous les cocotiers. Maintenant les soldats des opérations extérieures existent. Et cela fait chaud au cœur pour les familles que leurs morts soient reconnus ici. »

« Je sais les conséquences opérationnelles, humaines, familiales des décisions d’intervention et des ordres d’engagement que je suis amené à prendre » Emmanuel Macron

Ces 549 morts désormais inscrits dans la mémoire combattante, sont, selon le président, les « fils et les filles qui depuis un demi-siècle accomplissent leur devoir jusqu’au sacrifice suprême, constituent une cohorte héroïque qui s’inscrit dans une longue histoire et plonge ses racines aux sources de la République ». Devant plusieurs centaines de familles, Emmanuel Macron a une nouvelle fois assumé son rôle de chef des armées : « Je sais les conséquences opérationnelles, humaines, familiales des décisions d’intervention et des ordres d’engagement que je suis amené à prendre », a-t-il indiqué, assurant vivre « avec cette part de tragique que renferme en puissance chacune de ces décisions ». Des opérations sont en cours, certaines décidées par ses prédécesseurs, et pour Emmanuel Macron, ce monument « parle aussi des combats d’aujourd’hui, de la France, de sa place dans le monde. Il parle de la nation tout entière ».

En évoquant ainsi le « tragique », et ces tués qui ont choisi « d’être les délégués de tout un peuple pour sa défense », le chef de l’Etat a parfaitement épousé les réflexions développées par son état-major. « Chaque année je vais rajouter le nom de ces soldats qui acceptent de se sacrifier. C’est un monument pour dire aux gens : vous êtes en guerre aujourd’hui », avait expliqué le 21 octobre le général François Lecointre, dans un colloque organisé par l’Association nationale des participants aux opérations extérieures (Anopex), qui a réuni familles et soldats à l’Ecole militaire.

« Nous cultivons dans les armées une relation très singulière à l’histoire, bâtie par nos prédécesseurs et particulièrement ceux morts pour la France, mais cette idée que notre pays se construit à travers des guerres disparaît un peu », souligne le chef d’état-major des armées. Le général assure que « la communauté militaire a un devoir d’inspiration, celui de réintroduire une vision du tragique dans notre société post-soixante-huitarde ». L’absence de « confrontation au tragique » – autrement dit la paix qui prévaut en Europe – risque selon lui « de faire de nous des sociétés non seulement ramollies, mais qui disparaîtront à terme si on n’arrive pas à les réarmer, les reviriliser en acceptant ce tragique ».

A vingt ans, personne ne s’engage pour mourir

Les soldats vivants, eux, l’abordent simplement en pensant à leurs « frères d’armes ». « Pour moi, la mort, dit le lieutenant-colonel Hugues Chauvet, ce sont cinq soldats français comme il y en a des milliers d’autres, bien préparés, conscients des risques, mais pas de tous les risques ». Un jour de janvier 2012, sur la base avancée de Gwan en Afghanistan, cinq de ses camarades ont perdu la vie et quatorze autres ont été blessés, sous les tirs d’un soldat afghan instruit par les Français qui partageait leur vie. « Ce jour-là on a fait la séance de sport, on n’est pas tous rentrés, a témoigné Hugues Chauvet devant l’Anopex, le 21 octobre. On perd peut-être une part d’illusion avec la mort d’un camarade. Celle de se croire invincible, de pouvoir faire face, de ne pas craindre. »

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A vingt ans, personne ne s’engage pour mourir, rappellent-ils tous. « Dans les forces spéciales tout est planifié, les objectifs, chaque minute, la liste des cas non conformes qui peuvent survenir. Celui-là, non. » Norbert Tafzi, ancien commandant du commando Trépel, illustre unité des commandos marine, évoque la mort du second-maître Jonathan Lefort, une nuit de décembre 2010 en Afghanistan. Le détachement a été réengagé sans répit, trois jours plus tard. « Le sentiment de la vengeance, il est presque légitime. J’ai réuni tout le monde, on a parlé. J’ai veillé à ce que chacun ait seulement en tête les gestes techniques pour remplir la mission ».

Une définition stricte

Les « morts pour la France » ne correspondent pas au total des soldats français tués, car cette notion recouvre un certain type d’engagement et de mission. Par ailleurs, une « opex », sous l’autorité du chef d’état-major des armées, est aussi légalement définie – ce cadre strict permet de comprendre que la liste commence non en 1963 mais en 1969, avec les morts de l’opération « Limousin » au Tchad.

Ainsi, même si en 2011 le général Bernard Thorette, chargé du projet de monument, avait identifié 616 personnes, ces définitions techniques expliquent que le mémorial compte finalement moins de noms : 547 hommes et 2 femmes, dont la mort fut directement imputable à l’engagement dans une opération.

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L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre dénombre 738 pupilles de moins de 20 ans aidés par l’Etat en 2018, et 82 adoptions d’enfants devenus orphelins en raison des opérations extérieures. Depuis 1993, date de sa création, la carte nationale du combattant a été attribuée à 176 000 d’entre eux au titre des « opex ».

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