Les sœurs Khatchatourian, ou le procès de la violence domestique en Russie

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Trois adolescentes ont tué leur père violent il y a un an. Depuis, elles sont devenues un symbole, suscitant une mobilisation inédite en leur faveur.

Par Publié aujourd’hui à 03h33

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Performance au Teatr.doc de Moscou sur l’affaire des sœurs Khatchatourian, le 27 juin.
Performance au Teatr.doc de Moscou sur l’affaire des sœurs Khatchatourian, le 27 juin. PAVEL GOLOVKIN / AP

LETTRE DE MOSCOU

Jeudi 27 juin, sur la petite scène du Teatr.doc, dans le centre de Moscou, se tient la soirée « Trois sœurs ». Rien à voir avec Anton Tchekhov : le Teatr.doc, compagnie fondée en 2002, ne donne pas dans le classique mais se penche sur les sujets de société les plus difficiles, les plus urgents. A son actif, des représentations sur la torture, sur les guerres en Ukraine et dans le Caucase, sur les arrestations politiques…

Les « trois sœurs », ce sont les sœurs Khatchatourian, Krestina, Anguelina et Maria, devenues les symboles de la lutte contre les violences domestiques en Russie et à qui la soirée est dédiée. Il y a un an, le 27 juillet 2018, les jeunes filles, alors âgées de 19, 18 et 17 ans, ont tué leur père dans leur appartement des quartiers nord de Moscou. Le fait divers est sordide, les détails sinistres : les trois sœurs se sont réparti leurs armes – marteau, couteau, bombe lacrymogène – et ont tué Mikhaïl Khatchatourian dans son sommeil.

Indignation inédite

Immédiatement arrêtées, elles ont passé deux mois en détention préventive. Désormais en résidence surveillée, elles attendent leur procès pour meurtre avec préméditation en bande organisée. La peine encourue : jusqu’à 20 ans de prison.

Sauf que leur affaire a suscité une vague d’indignation inédite en Russie. Les mobilisations en leur faveur se multiplient et sur Internet, une pétition appelant les juges à la clémence a recueilli 250 000 signatures. Les avocats des jeunes femmes mettent en avant la légitime défense, indispensable pour mettre fin au calvaire qu’elles subissaient. Les journaux, eux, se passionnent pour le sujet.

Car Mikhaïl Khatchatourian, représentant en vue de la diaspora arménienne, connu pour sa dévotion, était un tortionnaire de la pire espèce, qui frappait, humiliait et asservissait ses filles. C’est le portrait de cette famille qui apparaît sur la scène du Teatr.doc. Les comédiennes – uniquement des femmes – lisent des documents extraits de l’enquête, des témoignages des filles, des SMS échangés avec des amies… Se dessine une suite interminable de violences et d’insultes de la part d’un homme jaloux, narcissique, qui avait mis dehors son fils, puis sa femme, pour mieux installer sa domination sur ses filles, auxquelles il interdisait de quitter la maison. La nature des abus sexuels subis, elle, n’est pas entièrement claire.

Faillite des services sociaux

L’affaire Khatchatourian n’est pas la première à provoquer l’émotion des défenseurs des droits des femmes en Russie, mais elle a suscité une catharsis générale et contribué à libérer la parole comme rarement auparavant. « Ce sentiment, le désir de tuer quelqu’un, je sais précisément d’où il vient, comment il naît », affirme, sur scène, une actrice du Teatr. doc, alors que les témoignages des comédiennes sur leurs propres expériences de la violence ont succédé aux lectures. Derrière elles, sur le mur, s’affiche une statistique implacable : « Plus de 80 % des femmes en prison pour meurtre étaient victimes de violences de la part de leur mari ou d’un proche. »

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