« Les sciences sociales et les humanités ne sont pas un luxe »

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Dans une tribune au « Monde », un collectif d’universitaires, parmi lesquels Judith Butler, Eric Fassin, David Patternotte ou Achille Mbembe, s’alarme de la décision du président brésilien, Jair Bolsonaro, de supprimer les subventions publiques des études de sociologie et de philosophie, faute de « retour sur investissement immédiat ».

Publié aujourd’hui à 16h00 Temps de Lecture 2 min.

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« Le président [Bolsonaro] a précisé que l’enseignement supérieur devait se concentrer sur la lecture, l’écriture et le calcul. » (Jair Bolsonaro, à gauche, et son ministre de l’éducation, Abraham Weintraub, le 9 avril à Brasilia).
« Le président [Bolsonaro] a précisé que l’enseignement supérieur devait se concentrer sur la lecture, l’écriture et le calcul. » (Jair Bolsonaro, à gauche, et son ministre de l’éducation, Abraham Weintraub, le 9 avril à Brasilia). ADRIANO MACHADO / REUTERS

Tribune. Le 26 avril, le président brésilien Jair Bolsonaro a confirmé sur Twitter ce que son ministre de l’éducation, Abraham Weintraub, avait annoncé la veille : son gouvernement prévoit de supprimer les subventions publiques destinées aux études de sociologie et de philosophie.

Pour ces disciplines, il faudrait à l’avenir financer ses propres études. Tandis que le ministre a calqué son action sur le modèle de celle lancée par le Japon en 2015, le président a précisé que l’enseignement supérieur devait se concentrer sur la lecture, l’écriture et le calcul, et qu’à la place des sciences humaines, l’Etat fédéral devait investir dans les domaines apportant un « retour sur investissement immédiat » au contribuable, tels que la médecine vétérinaire, l’ingénierie et la médecine.

Par cette déclaration publique internationale, les signataires mettent en garde contre les graves conséquences de telles mesures, qui ont déjà contraint le gouvernement japonais à faire marche arrière à la suite de protestations nationales et internationales.

A l’aune de la conformité à une idéologie

En premier lieu, l’éducation en général et l’enseignement supérieur en particulier ne peuvent pas générer de retour sur investissement immédiat ; il s’agit d’un investissement national dans les générations à venir.

Deuxièmement, les économies modernes requièrent non seulement des compétences techniques spécialisées mais une formation intellectuelle large et générale pour les citoyennes et citoyens.

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Troisièmement, il ne revient pas à la classe politique, dans nos sociétés démocratiques, de décider de ce qui constitue un bon ou un mauvais savoir. L’évaluation des connaissances et de leur utilité ne doit pas être menée à l’aune de la conformité à une idéologie dominante.

Les sciences sociales et les humanités ne sont pas un luxe ; une pensée critique du monde et une compréhension rigoureuse du fonctionnement de nos sociétés ne sauraient être l’apanage des plus riches. En tant qu’universitaires de multiples disciplines, nous partageons une conviction profonde que nos sociétés, y compris le Brésil, ont besoin de plus – et non pas de moins – d’éducation. L’intelligence collective est une ressource économique et une valeur démocratique.

Les signataires : Etienne Balibar (philosophe, Paris-Nanterre), Seyla Benhabib (philosophe, Yale, Etats-Unis), Michel Bozon (sociologue, Institut national d’études démographiques [INED]), Wendy Brown (politiste, université de Berkeley, Etats-Unis), Judith Butler (philosophe, université de Berkeley), Sonia Corrêa (anthropologue, Sexuality Policy Watch), Muriel Darmon (présidente de l’Association française de sociologie), Didier Fassin (anthropologue, Institute for Advanced Study, Princeton, Etats-Unis), Eric Fassin (sociologue, Paris-VIII), Zeynep Gambetti (politiste, université Bogazici, Istanbul, Turquie), Maria Filomena Gregori (anthropologue, Unicamp, Sao Paulo, présidente de l’Association brésilienne d’anthropologie, Brésil), Sabine Hark (sociologue, TU Berlin, Allemagne), Bernard Lahire (sociologue, Ecole normale supérieure [ENS], Lyon), Catherine Malabou (philosophe, université de Kingston, Londres, Grande-Bretagne), Achille Mbembe (politiste, université de Witwatersrand, Afrique du Sud), Richard Miskolci (sociologue, Unifesp, Sao Paulo, Brésil), David Paternotte (politiste, Université libre de Bruxelles, Belgique), Mario Pecheny (politiste, université de Buenos Aires, Conseil national de la recherche scientifique et technique [Conicet], Argentine), Larissa Pelucio (anthropologue, Universidade estadual paulista [UNESP], Sao Paulo), Joan W. Scott (historienne, Institute for Advanced Study, Princeton, Etats-Unis), Gita Sen (économiste, Bangalore, Inde), Lynn Stephen (anthropologue, université de l’Oregon, présidente de LASA-Latin American Studies Association, Etats-Unis), Sylvia Tamale (juriste, Makerere, Ouganda), Anna Uziel (psychologue, université d’Etat de Rio de Janeiro [UERJ], Brésil), Mara Viveros Vigoya (anthropologue, université de Colombie à Bogota, vice-présidente de LASA).



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