« Les pays en guerre ne doivent pas être oubliés »

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Un agent du gouvernement traite les rues de la capitale yéménite, Sanaa, dans le but de contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19, le 23 mars 2020.
Un agent du gouvernement traite les rues de la capitale yéménite, Sanaa, dans le but de contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19, le 23 mars 2020. MOHAMMED HUWAIS / AFP

La Croix-Rouge a lancé, jeudi 26 mars, un appel aux dons dans l’espoir de rassembler 825 millions de dollars pour venir en aide aux populations les plus vulnérables face à la pandémie de Covid-19. Une partie de ces dons (environ 260 millions de dollars) sont destinés au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour soutenir ses missions dans des zones de conflit et de violence. Dans un entretien au Monde, le directeur général du CICR, Robert Mardini, alerte sur l’urgence d’agir au plus vite pour prévenir la propagation du virus dans ces régions, où il pourrait non seulement avoir un effet dévastateur pour les populations les plus vulnérables, mais aussi avoir des répercussions à l’échelle mondiale.

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Quelles priorités ont été identifiées par le CICR dans la lutte contre le Covid-19 ?

Nos priorités sont les zones déjà affectées par des violences et des conflits armés, où les structures de santé sont défaillantes. Par exemple, le conflit au Yémen entre aujourd’hui dans sa cinquième année et la pandémie constitue une difficulté supplémentaire pour une offre sanitaire déjà réduite. Cinquante pour cent des structures de santé n’y sont pas fonctionnelles car le personnel de santé ne peut pas se rendre sur place et ne reçoit pas de salaires. C’est la même chose en Syrie, où 50 % des hôpitaux et des centres pour femmes et enfants ne fonctionnaient déjà plus avant le Covid-19. Aucun de ces conflits n’est résolu. On voit même les bombardements se poursuivre, notamment à Idlib, dans le nord de la Syrie.

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Les violences continuent aussi en Afghanistan, au Sahel et dans les pays autour du lac Tchad, pour ne citer qu’eux. Dans des pays où existent des conflits internes, avec des zones contrôlées par le gouvernement et d’autres par l’opposition, nous sommes souvent les seuls à entretenir un dialogue avec les groupes armés. Nous pouvons les conseiller sur les mesures à prendre pour protéger la population du virus. C’est le cas notamment des cliniques contrôlées par les Chabab en Somalie, où seul le CICR a accès, ou des populations encerclées par des groupes djihadistes au Burkina Faso, où l’on dispose d’un passage sécurisé.

Par ailleurs, il y a deux sous-populations qui sont particulièrement prioritaires. D’abord, les déplacés internes, les hommes et les femmes qui vivent dans des camps où les conditions sanitaires sont précaires, où il n’y a pas de savon, où l’eau potable est une denrée rare et où le manque d’espace est criant. Toutes les mesures de prévention et de distanciation sociale, que nous pratiquons, n’y sont pas possibles. Cela est encore plus problématique dans les prisons où la densité est forte. On travaille avec les autorités carcérales pour mettre en place ces mesures et empêcher que le virus entre. Il faut réduire les visites des familles car, même si elles sont importantes pour le moral des détenus, elles sont un facteur supplémentaire de risque de propagation du virus.

Votre accès à certaines régions ou populations est-il compliqué par les mesures restrictives adoptées par de nombreux pays ?

Une partie de la réponse se trouve dans le dialogue, la « diplomatie corona » comme l’a formulé le président du CICR. Tous les pays ont mis en place des mesures restrictives pour contrôler l’épidémie, ce qui ajoute un défi supplémentaire pour le personnel de santé et les travailleurs humanitaires. Une partie de notre travail, en tant qu’intermédiaire neutre, est de sensibiliser les gouvernements et les groupes armés pour qu’ils leur facilitent l’accès. Ce sont des discussions que nous menons actuellement pour l’acheminement des équipements médicaux, des masques… Il y a des zones plus difficiles que d’autres, comme l’Iran, qui est un pays sous sanctions économiques et où l’approvisionnement était déjà compliqué avant.

Y a-t-il un risque que des populations se retrouvent abandonnées dans cette crise sanitaire ?

C’est la raison pour laquelle on a lancé cet appel. C’est une piqûre de rappel à la communauté internationale que la pandémie touche des pays en guerre qui ne doivent pas être oubliés. Il y a aussi, dans les pays en guerre, un risque de stigmatisation accrue de populations par d’autres, qui rend la réponse à l’épidémie plus difficile, comme on l’a vu en République démocratique du Congo dans la réponse à l’épidémie Ebola. Un autre élément moins visible est la dimension de santé mentale et de soutien psychologique. Dans les pays occidentaux, cette question commence à se poser avec le confinement. Imaginez des familles en Syrie, à Idlib, qui ont perdu leur maison et ont dû fuir à de multiples reprises durant ce conflit entré dans sa dixième année, et qui se retrouvent désormais confrontées en plus à la menace du nouveau coronavirus.

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Le Covid-19 ne s’est pas encore propagé à grande échelle à ces communautés précaires. Nous avons encore l’opportunité de faire de la prévention pour empêcher que le virus s’y propage. Nous devons mettre toutes les mesures de prévention en œuvre dans ces zones car, si le virus prend, le risque est qu’il prenne des proportions virulentes et inquiétantes pour ces communautés et pour le monde entier. La pandémie ne connaît pas de frontières. Même pour les pays qui l’auront endiguée, le risque de reprise existe. Il faut davantage de solidarité. C’est dans l’intérêt de tout le monde de gagner cette bataille, ça doit être une bataille globale. Ce Covid-19 est peut-être une opportunité de mettre les différences de côté et de joindre les efforts pour mener la bataille ensemble.

Le risque d’une propagation du virus dans ces zones de conflit et de violence est d’autant plus grand qu’elles ne disposent pas de capacités de prise en charge des cas les plus sévères…

On voit les systèmes de santé les plus sophistiqués totalement dépassés quand les personnes ont besoin de soins curatifs, comme en Europe ou aux Etats-Unis. Comment va-t-on faire dans des pays africains où les systèmes de santé sont extrêmement limités ou dans les pays en guerre ? Notre espoir est que le virus ne se développe pas dans ces pays-là grâce à la mise en place de mesures de prévention robustes, car la mise en place de soins curatifs y sera très difficile.

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