« Les nouveaux intellectuels chinois ne sont pas dans la confrontation avec le pouvoir »

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Après le mouvement étudiant de 1989, une génération d’intellectuels a émergé, posant un regard neuf sur la pensée de leurs prédécesseurs et sur les modes de résistance dans la société chinoise actuelle. Entretien avec le sinologue Sebastian Veg, qui leur a consacré un ouvrage.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 06h30

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Hongkong, dimanche 26 mai, des manifestants pour la démocratie  brandissent des pancartes faisant référence au 4 juin 1989, jour de la répression sanglante du mouvement étudiant sur la place Tiananmen, à Pékin.
Hongkong, dimanche 26 mai, des manifestants pour la démocratie  brandissent des pancartes faisant référence au 4 juin 1989, jour de la répression sanglante du mouvement étudiant sur la place Tiananmen, à Pékin. Kin Cheung / AP

Entretien. Sinologue et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Sebastian Veg vient de publier aux Etats-Unis un essai sur les intellectuels chinois après 1989 : Minjian, the rise of China’s grassroots intellectuals (« Minjian, l’éveil des intellectuels chinois issus du peuple », Columbia University Press, 368 p., non traduit). Il y montre le dynamisme de la vie intellectuelle en Chine, voire son renouveau après le mouvement de Tiananmen, mais aussi la répression qui s’abat sur elle.

Quel rôle ont joué les intellectuels dans le mouvement étudiant de 1989 ?

Les intellectuels en poste dans les universités ou les centres de recherche ont joué un rôle important, dans les années 1980, pour créer de nouveaux espaces de réflexion entre la société et l’Etat. Quelques-uns seulement sont sortis de ce cadre, attaquant le régime, tel le physicien Fang Lizhi. Mais pendant le mouvement de 1989, la plupart sont restés en retrait et ont cherché à servir de médiateurs entre l’Etat et les étudiants. Fin mai, après la grève de la faim des étudiants, certains sont sortis de cette réserve. Le politiste Yan Jiaqi et l’historien Bao Zunxin ont publié un manifeste comparant Deng Xiaoping à l’impératrice douairière. Néanmoins, les intellectuels sont restés dans une posture de responsabilité et ont cherché à soutenir les réformistes au sein du Parti communiste chinois (PCC). C’est la limite de leur rôle en 1989.

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Après 1989, des intellectuels se sont remis en question et ont essayé d’adopter une nouvelle démarche que vous décrivez dans votre essai. Ce sont les intellectuels « minjian ». Comment définissez-vous ce mouvement ?

Après 1989, il y a eu énormément de débats portant sur cette posture de critique loyale et sur le rôle des intellectuels dans la société. Des critiques ont été adressées aux intellectuels plus âgés, mais aussi aux étudiants, accusés d’élitisme parce qu’ils n’avaient pas cherché à établir de contact avec les ouvriers et les entrepreneurs et avaient échoué à mettre en place un mécanisme de prise de décision démocratique sur la place Tiananmen. Traditionnellement, les étudiants avaient le droit, voire le devoir, d’émettre des critiques quand ils jugeaient que la nation était en danger, en vertu de leur statut de future élite. C’est ce privilège qui a été critiqué. C’est dans ce contexte que sont apparus les intellectuels minjian. Un mot qui signifie « parmi le peuple » et qu’on peut traduire par « inofficiel » ou « populaire ». Ce terme sensible désigne ce qui n’est pas dans l’Etat, mais a aussi une connotation de « non élite ». Ces intellectuels ont quatre caractéristiques : leur domaine d’intervention est spécifique – ils parlent de problèmes concrets –, ils se définissent par rapport à des groupes marginaux, ils s’expriment dans des forums publics et ils ne sont ni du côté de l’Etat ni du côté du marché.

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