Les nationalistes indiens en plein sauvetage lunaire

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Malgré l’échec de la mission, des nationalistes déclarent que « l’Inde est en train de devenir un leader de l’espace ».
Malgré l’échec de la mission, des nationalistes déclarent que « l’Inde est en train de devenir un leader de l’espace ». Manjunath Kiran/AFP

L’Inde n’est pas habitée que par une spiritualité foisonnante. Elle a aussi les émotions à fleur de peau, pour certains sujets tout au moins. Lorsque le contact a été perdu avec la sonde Chandrayaan-2 qui était en train de se poser sur la Lune, le 7 septembre, on a vu le président de l’Agence spatiale indienne (ISRO) fondre en larmes et tomber dans les bras de Narendra Modi, tel un enfant pris en flagrant délit après avoir brisé sa boîte de Lego.

Le premier ministre, venu assister à l’exploit du siècle, a tenté de le consoler durant de longues minutes, en lui donnant de petites tapes dans le dos, trouvant là une nouvelle occasion de passer, sous les yeux des caméras, pour le bon père de la nation.

Défaite transformée en victoire

Mais le plus étonnant fut d’entendre, le lendemain, les scientifiques indiens raconter qu’après tout, on se fichait bien de savoir si la sonde avait ou non explosé en mille morceaux lors de son alunissage. Ce qui compte, ont-ils clamé, c’est que l’Inde ait (presque) réussi à aller sur la Lune. « La mission a été accomplie à 95 % », ont-ils affirmé, laissant dès lors libre cours aux exaltations patriotiques les plus loufoques.

Un ingénieur de renom, retraité de l’agence étatique chargée des nouvelles technologies militaires (DRDO), a trouvé cette opération « merveilleuse » et salué « un grand succès ». Des potentats régionaux ont aussi applaudi l’ISRO à tout rompre. Pour le moine nationaliste hindou Yogi Adityanath, qui dirige le gouvernement de l’Uttar Pradesh, « l’Inde est en train de devenir un leader de l’espace ».

Revenu tout récemment à la tête du Karnataka, Bookanakere Siddalingappa Yediyurappa, cacique du parti au pouvoir à Delhi (BJP), a rendu hommage à l’Agence spatiale pour « avoir osé imaginer atterrir près du pôle sud de la Lune », expérience que personne n’avait jusqu’ici tentée. De l’art de transformer une défaite en victoire…

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À Bombay, où la célébration annuelle de Ganesh battait son plein, rythmée par l’immersion
de dizaines de milliers de statues à l’effigie du dieu éléphant dans la mer d’Arabie, les fidèles hindous ont poussé un soupir de soulagement. Les sculpteurs de la plus grande idole de la ville (six mètres de hauteur), érigée comme tous les ans dans le quartier surpeuplé de Lalbaug, avaient en effet choisi pour l’édition 2019 le thème de l’espace, inspirés par les travaux de l’ISRO.

Pendant plusieurs jours, ce Ganesh, entouré d’astronautes en carton-pâte et accompagné d’images vidéo de planètes imaginaires, a été exposé et acclamé par plusieurs millions de croyants. Sans la propagande ayant suivi le crash de Chandrayaan-2, leur œuvre d’art aurait eu l’air ridicule lors de son plongeon dans la mer, le 12 septembre. Au même moment, dans un temple de Delhi, le Vishwa Hindu Parishad, organisation orthodoxe hindoue, appelait à une intervention divine pour que la communication avec Chandrayaan-2 soit rétablie au plus vite. Ses adeptes ont chanté des mantras védiques, sortes d’injonctions ancestrales, « afin que le projet de la communauté scientifique soit un succès total ».

Déballage nationaliste

Dans ce concert ne manquaient que les voix des acteurs de Bollywood. Elles n’ont pas tardé à arriver. Le monstre sacré, l’acteur Amitabh Bachchan, a déclaré sur Twitter que Chandrayaan-2 avait disparu des écrans radar deux kilomètres seulement avant d’atteindre son but. Après un parcours de 384 400 kilomètres, cela représente « une marge de 0,0005463 % » qui augure de « nouveaux commencements », selon lui. « Un jour, nous atteindrons notre destination finale », a juré pour sa part la star Shah Rukh Khan, en guise d’absolution.

Quant à Akshay Kumar, l’une des plus grandes fortunes du cinéma indien, il a « salué les esprits brillants de l’ISRO » et parié sur une « prochaine mission Chandrayaan-3 ». Il faut dire qu’il est le héros de Mission Mangal, sorti sur les écrans le 15 août. Un film de vulgarisation outrancière relatant le précédent exploit spatial de l’Inde, celui de septembre 2014, qui avait vu une sonde du nom de Mangalyaan se placer avec succès en orbite autour de la planète Mars.

Tout ce déballage nationaliste résonne étrangement, à l’heure où deux millions
d’Indiens, la plupart musulmans, sont menacés par le gouvernement Modi de perdre leur citoyenneté indienne dans l’État de l’Assam, tandis que huit autres millions sont coupés du monde au Cachemire. Aucun n’a eu droit, pour l’instant, à la moindre compassion.

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