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A quoi ressemble un pays en plein bouillonnement, conscient qu’il est à un tournant de son histoire mais sans boussole pour déterminer la voie qu’il veut emprunter ? Sûrement à ce qu’il fut possible d’observer trois jours durant, du 10 au 12 septembre, à Bamako, la capitale malienne.
Convoquées par la junte qui a renversé le président, Ibrahim Boubacar Keïta (dit « IBK »), le 18 août, les « journées de concertation nationale » ont offert à leurs participants, comme à chacune de ces consultations populaires, la possibilité d’exprimer ce que sont, selon eux, les maux qui minent le Mali et les solutions pour le sortir de la crise. Une séance de catharsis publique où politiques, syndicalistes, dirigeants associatifs et leaders religieux ont pu pointer les urgences du moment. La liste est longue, des nécessaires réformes électorales jusqu’à l’élimination de formes d’esclavage persistant dans certaines régions.
« Une architecture de la transition »
Pour les militaires du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP), l’organisation de ces assises répondait en revanche à un besoin plus immédiat. Comme l’a signifié lors de l’ouverture des travaux le discret colonel Assimi Goïta, à la tête du quintet d’officiers qui a déposé un pouvoir épuisé par trois mois de contestation populaire, il s’agissait de déterminer « une architecture de la transition », chargée de mener le Mali jusqu’à de nouvelles élections.
La junte se trouve aujourd’hui confrontée à une équation complexe. Selon plusieurs de leurs interlocuteurs, les soldats veulent à tout prix éviter de rendre les rênes du pays à une classe politique qui, depuis près de trente ans, s’est largement discréditée dans la gestion des affaires publiques, mais sans être accusés de confisquer le pouvoir. Applaudi par une large partie de la rue malienne, le CNSP est en même temps sous pression internationale. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a donné aux soldats jusqu’à mardi 15 septembre pour remettre le pouvoir aux civils, alors que le Mali est – théoriquement – depuis le coup de force sous embargo financier et commercial de ses voisins.
Pour desserrer cette pression, « une charte de la transition » a été annoncée samedi à l’issue des travaux. Elle prévoit notamment une transition de dix-huit mois, dirigée par un président et un vice-président, civil ou militaire, qui ne pourront concourir aux prochaines élections, et un gouvernement de « vingt-cinq membres au plus ». Si a priori le texte ne répond pas aux exigences de l’organisation régionale puisque la période transitoire court au-delà de douze mois, pourtant, un diplomate influent à Bamako juge « la feuille de route et la charte acceptables, compte tenu des délais imposés, des divergences entre soldats et politiques, entre politiques, et de la nécessité de remettre en place rapidement un gouvernement ».
Laisser les civils dans la lumière
« Avec d’autres diplomates, nous leur avons conseillé de laisser les civils dans la lumière et de se positionner comme vice-président, vice-premier ministre et sur certains postes sécuritaires. Il faut à tout prix éviter de les humilier car après nous devrons les mobiliser pour continuer le combat contre les groupes djihadistes », ajoute-t-il encore. Les prérogatives, offertes dans le texte au vice-président, qui devrait être « chargé des questions de défense, de sécurité et de la refondation de l’Etat », peuvent laisser penser que le message a été entendu. Mais la « charte de la transition » sera-t-elle pour autant validée mardi par les chefs d’Etat de la Cédéao, réunis au Ghana, alors que l’organisation est divisée sur le degré de pression à exercer sur la junte ? C’est désormais l’une des questions qui agite la capitale malienne, au moins autant que le nom de celui qui sera désigné chef de l’Etat.
Dans ce contexte, le comité stratégique du Mouvement du 5 juin (M5), qui avait lancé la mobilisation populaire contre le régime d’IBK, n’a pas tardé à dénoncer « la volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir au profit du CNSP ». D’après lui, « le document final, lu lors de la cérémonie de clôture, n’était pas conforme aux délibérations issues des travaux des différents groupes » et « des rajouts [notamment sur les prérogatives du vice-président et la désignation du président] n’ont jamais été soumis à débats ».
Reste que la voix de la coalition, qui avait donné les premiers coups de butoir contre le pouvoir avant que les militaires n’assènent le coup de grâce, s’est aujourd’hui étiolée. Si les caciques politiques du M5 jugent que la junte leur vole une victoire qui leur revient, des activistes de la société civile et d’autres figures du mouvement se satisfont assez bien de l’architecture proposée par les militaires. Issa Kaou N’Djim, un très proche de l’imam Dicko, figure de proue des manifestations, a déjà prononcé l’oraison funèbre de cette alliance, déclarant « le M5 mort de sa belle mort » et fustigeant « les anciens porte-parole d’IBK » au sein du mouvement. La compétition pour les postes de la transition a déjà commencé.
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