les eurosceptiques français en ordre dispersé

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Eurocritiques, eurosceptiques, euroréalistes, europhobes : les nuances ne manquent pas quand il s’agit d’exprimer son opposition à l’Union européenne (UE). Sur leurs professions de foi, une dizaine de listes – gauche radicale, droite nationaliste et extrême droite – dénoncent l’Europe capitaliste, l’immigration massive dont serait responsable Bruxelles ou encore la perte de souveraineté du peuple français.

Les constats divergent, tout comme les solutions. Pour La France insoumise (LFI), « il faut sortir des traités actuels » pour la transformer en profondeur. Le Rassemblement national et Debout la France appellent, eux, à sortir des accords de Schengen et à réviser les traités pour créer une nouvelle organisation entre nations européennes. A l’opposé, plusieurs listes prônent une sortie pure et simple de l’UE, le « Frexit », pour retrouver la souveraineté française.

Adoucissement de l’europhobie des extrêmes

En 2017, Marine Le Pen expliquait lors de la campagne présidentielle qu’« à peu près 70 % » de son programme n’était pas applicable sans sortir de l’euro. Deux ans plus tard, ni le Frexit ni l’abandon de l’euro ne figurent dans le « manifeste » du Rassemblement national. « Les Français ont montré qu’ils restent attachés à la monnaie unique », justifie le parti d’extrême droite. Désormais, les frontistes entendent changer l’Union européenne « de l’intérieur » afin de la remplacer par une « Alliance européenne des nations ».

Même stratégie d’adoucissement à l’autre bout du spectre politique. La campagne présidentielle de La France insoumise s’était organisée autour du slogan « L’Union européenne, on la change ou on la quitte », tel que le résumait le candidat Jean-Luc Mélenchon. Pour les élections européennes, la stratégie dite « plan A/plan B » consiste, respectivement, en une « sortie concertée des traités européens » et une « négociation d’autres règles », puis une « sortie des traités européens unilatérale par la France » en cas d’échec de la première méthode.

En 2017 déjà, Jean-Luc Mélenchon avait estimé que 6 milliards d’euros ne revenaient pas directement ou indirectement au pays. Et de citer la phrase de l’ancienne première ministre britannique, Margaret Thatcher, « I want my money back » (« Je veux récupérer mon argent »). Une position « eurocritique » mâtinée de nationalisme : sans aller jusqu’à des alliances avec les souverainistes de droite, « il faut parler de la grandeur de la France, de sa place dans le monde, du fait de n’être aligné sur personne. C’est du patriotisme », rapportait en 2017, au Monde, un membre du cercle restreint mélenchoniste.

Les communistes menés par Ian Brossat excluent, eux, la sortie de l’Union européenne, préférant « organiser un processus citoyen pour élaborer un nouveau traité européen ». Dans son programme, le Parti communiste français (PCF) rappelle qu’il s’est opposé aux traités européens de Maastricht et de Lisbonne. La sortie de l’Union ne serait pas une solution, car elle ne « libérerait pas du capitalisme ».

Pas de Frexit non plus pour la liste Debout la France, de Nicolas Dupont-Aignan, dont la stratégie se rapproche de celle du Rassemblement national. Le parti, qui s’appelait aux dernières élections Debout la République et qui a baptisé sa liste « Le Courage de défendre les Français » pour ces élections, propose « une nouvelle Alliance des peuples européens fondée sur une renégociation totale des traités actuels », ainsi que « sur de véritables démocraties nationales qui disposeront de l’ensemble de leurs compétences souveraines ».

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Ceux qui restent sur une sortie de l’Union

Contrairement au Rassemblement national (RN) et à La France insoumise, quatre listes partagent un discours clairement europhobe, avec comme principale proposition la sortie définitive de l’Union européenne. Les Patriotes, menées par Florian Philippot, ont fait du Frexit leur priorité. Une position qui avait mené à son départ du Rassemblement national, dont il était vice-président. Après sa défaite à l’élection présidentielle, le RN avait décidé d’abandonner la sortie de l’Union européenne et de la zone euro, préférant la piste d’une réforme interne. Contrairement à Marine Le Pen, Florian Philippot estime que l’Union « ne se change pas de l’intérieur ».

François Asselineau a aussi fait du Frexit son credo. Le président de l’Union populaire républicaine (UPR), populaire chez les « gilets jaunes », appelle à une triple sortie : Union européenne, euro, OTAN. Déjà présent aux dernières élections européennes, le microparti conspirationniste avait obtenu 0,41 % des suffrages. Selon la liste baptisée Ensemble pour le Frexit, la France serait « sous une tutelle juridique, monétaire et géopolitique qui l’empêche de mener une politique indépendante qui serve les intérêts du peuple français ».

Présents aux scrutins européens depuis 2004, les royalistes de l’Alliance royale prônent une sortie de l’Union européenne. « En votant royaliste à l’élection européenne, vous choisirez des députés qui veulent vraiment défendre vos intérêts et la souveraineté de la France », explique Robert de Prévoisin, la tête de liste, dans son clip de campagne. La liste souverainiste propose également de « retrouver une monnaie nationale, le franc, maîtrisé par la Banque de France en vertu du principe de souveraineté économique ».

La liste du groupuscule d’ultradroite Dissidence française baptisée « Liste de la reconquête » affirme que la France « a perdu son indépendance économique, politique, militaire et diplomatique ». Pour y remédier, comme l’UPR, elle prône la triple sortie de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN. Le parti a été créé en 2018 après une rupture avec le Rassemblement national.

Plus flou, le Parti révolutionnaire communiste propose, lui, un programme eurocritique basé sur le constat suivant : c’est le capitalisme qui ronge l’Europe et contre lequel il faut lutter. La liste menée par Antonio Sanchez s’oppose à tout « organisme supranational » afin de retrouver « l’indépendance des nations, leur souveraineté, le respect des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

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L’utopie d’une majorité eurosceptique

L’une des raisons principales pour lesquelles les positions de certains candidats eurosceptiques se sont adoucies ou sont restées floues est, outre l’exemple désastreux du Brexit, la difficulté de mettre en œuvre un retrait de certaines dispositions communautaires, sans un retrait total de l’Union européenne.

C’est un point qu’oublient volontiers les partis en campagne quand ils formulent leurs promesses, mais le pouvoir des eurodéputés est limité. Par exemple, ils ne peuvent engager seuls une révision des traités : l’unanimité des Etats et de leurs dirigeants est indispensable. Ce qui rend très compliqué le « plan A » des « insoumis » qui prônent une « sortie concertée des traités européens ».

Leur porte-parole, Manon Aubry, résume d’ailleurs plus modestement cette promesse comme la volonté de s’affranchir de certaines règles – ce qui correspondrait alors à une infraction aux règles européennes et engagerait le risque de pénalités financières. Car la juriste le sait : il est impossible de sortir des traités sans sortir de l’UE. « Sortir des traités européens, c’est le Frexit : la sortie de l’UE et de l’euro. Il n’y a pas d’autre alternative », confirme Dominique Berlin, professeur émérite de droit européen à l’université Panthéon-Assas. « Sortir des traités, c’est les dénoncer. Donc c’est sortir de l’UE », abonde Yves Bertoncini, président du Mouvement européen en France.

« Tout Etat membre peut quitter l’Union européenne », confirme Vincent Couronne, enseignant à Sciences Po Saint-Germain, directeur du collectif Les Surligneurs. Mais il doit pour cela engager une procédure de retrait : « L’exemple du Brexit montre toutes les difficultés qu’il y a à délier des décennies d’appartenance à l’Union (surtout que le Royaume-Uni était déjà en dehors de tout un tas de politiques : euro, asile et immigration, etc.). Et la procédure de l’article 50 donne un avantage majeur à l’Union dans les négociations par rapport à l’Etat qui sort. »

L’autre possibilité pour changer l’Europe de l’intérieur serait de former une majorité et de renégocier certaines directives… mais encore faut-il constituer une majorité. Avec qui les élus du Rassemblement national (RN) comptent-ils sortir de la « logique de libre-circulation dans Schengen » ? Certes, les souverainistes pourraient obtenir jusqu’à 30 % des sièges à Strasbourg, mais il sera difficile de réunir dans une même majorité l’extrême droite française et les Polonais de Droit et justice, très attachés à la libre-circulation, pilier du marché unique.

« Les partis antieuropéens constituent un groupe multiforme, issu de l’extrême droite et de l’extrême gauche, dont les politiques et les priorités sont le plus souvent ancrées dans leur politique nationale. Leur capacité à travailler ensemble en tant que groupe est loin d’être prouvée », jugeait le Conseil européen des relations internationales, centre de recherche proeuropéen, dans sa dernière note d’avril. Les eurosceptiques de la précédente législature étaient d’ailleurs divisés en trois groupes au Parlement européen.

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