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Samedi 12 septembre, un fait divers sordide domine l’actualité aux Etats-Unis. A Compton, près de Los Angeles, un homme a tiré à bout portant sur deux policiers avant de s’enfuir. Cette attaque, inexpliquée, indigne : la plupart des dix articles les plus viraux sur Facebook dans le pays y sont consacrés. Ils sont tous issus de sites ou de médias conservateurs.
Parmi ces sites figure The Police Tribune. C’est le nouveau nom d’un portail qui s’appelait auparavant Blue Lives Matter : soit le nom d’un mouvement qui s’est fait connaître en 2016, initié par des policiers américains en réaction aux contestations Black Lives Matter dénonçant les brutalités policières.
Depuis, les partisans de Blue Lives Matter s’indignent aussi régulièrement contre le traitement, à leurs yeux défavorable, de l’action de la police dans les médias et cherchent à diffuser d’autres histoires positives sur l’action de la police américaine.
Plus de 2 millions d’abonnés
The Police Tribune explique avoir été « fondé et est intégralement géré par des membres des forces de l’ordre, actifs ou retraités ». Il se présente sur Twitter comme la voix « officielle du mouvement Blue Lives Matter » et bénéficie sur ce réseau d’un compte certifié : un logo bleu indiquant que les équipes de Twitter ont vérifié l’identité de ses propriétaires.
Le site est puissant. Sur Facebook, il diffuse chaque jour à ses plus de 2 millions d’abonnés de nombreux articles où des policiers sont victimes d’autres citoyens américains. Certains de ses messages, comme un article au titre trompeur sur la mort d’un Afro-Américain abattu par un policier, sont partagés plus de 100 000 fois sur Facebook. Au mois d’août, The Police Tribune avait accumulé plus de 1,3 million de réactions, likes et partages – deux fois plus que la page du toujours populaire polémiste conservateur Bill O’Reilly.
Les articles du site dénoncent régulièrement le supposé laxisme de juges qui remettent des délinquants en liberté, ou le racisme des manifestants de gauche, quand il ne se fait pas l’écho d’histoires, parfois non vérifiées, de policiers que des restaurateurs auraient refusé de servir. Plus largement, le site se concentre sur tout ce qui confirme l’idée, populaire chez les soutiens de Donald Trump, que l’Amérique est menacée par une extrême gauche qui hait la police, prête à laisser les coudées franches aux criminels.
Mais The Police Tribune n’est pas uniquement l’un des sites militants les plus puissants sur les réseaux sociaux américains en 2020. C’est aussi et surtout un business. Le site est la propriété d’une entreprise de vêtements, Warrior 12, qui commercialise des tee-shirts « patriotiques » ou arborant des messages conservateurs, des références à Sparte ou aux croisades. Warrior 12 est présenté comme un « sponsor » de The Police Tribune, dont toutes les publicités renvoient vers la marque de vêtements.
D’après nos informations, la société Warrior 12 est elle-même une filiale d’une très discrète holding, Tea Kay Media LLC, enregistrée dans le paradis fiscal du Delaware. L’identité de ses propriétaires est protégée par les lois permissives de cet Etat.
L’entreprise ne s’intéresse pas qu’aux forces de l’ordre américaines. Elle gère aussi une page dédiée aux pompiers (20 000 abonnés), qui sert aussi de véhicule promotionnel pour ses tee-shirts. Elle possède également tout un réseau de pages qui semblent uniquement dédiées à faire la promotion de The Police Tribune et des tee-shirts Warrior 12 : la page Facebook « patriote » Liberty or Death (150 000 abonnés) ; une page Facebook dédiée aux armes à feu (160 000 abonnés) ; une page dédiée aux patriotes voulant « dénoncer les comportements des libéraux » : Exposing Liberals (260 000 abonnés) ; et Always Back the Blue (300 000 abonnés).
Un « partenariat »
Opération politique, opération commerciale, les deux ? Warrior 12 n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde sur le sujet. Interrogé sur ce point, Christopher Berg, le rédacteur en chef de The Police Tribune, affirme qu’il s’agit d’un « partenariat », aux termes duquel « Warrior 12 paye les coûts de fonctionnement de The Police Tribune ». Un « partenariat » rendu indispensable, selon lui, par « les actions des militants antipolice qui continuent de faire pression sur nos annonceurs ».
Des déclarations qui interviennent dans un contexte où The Police Tribune a connu quelques récents déboires. En juin, Maven, une société de médias américaine de Seattle qui détient notamment le magazine Sports illustrated et qui hébergeait une copie du site sur son portail d’information, a mis fin à leur partenariat, après une fronde de salariés mécontents d’y voir des commentaires racistes non modérés. Les deux principaux animateurs de The Police Tribune, M. Berg, un ex-policier très discret sur son passé, et une journaliste qui s’est fait connaître en organisant des mariages pour une émission de téléréalité, ont alors renommé le site, abandonnant le nom de Blue Lives Matter.
Pour The Police Tribune, l’entreprise Warrior 12 est plus qu’un simple partenaire. Le vendeur de vêtements est listée comme le propriétaire de The Police Tribune sur le propre site du média, et sa maison mère possède jusqu’à la marque Blue Lives Matter. Warrior 12 était également à la manœuvre pour organiser Back the Blue 5K, des courses caritatives de 5 kilomètres au bénéfice des services de police, qui ont eu lieu dans plusieurs villes aux Etats-Unis. L’entreprise affirme reverser une partie de ses bénéfices à des œuvres caritatives pour les forces de l’ordre, mais ne détaille pas lesquelles, ni pour quel montant.
Un sujet très mobilisateur
Autant d’activités qui s’inscrivent dans un contexte où les violences policières sont l’un des principaux sujets de la campagne présidentielle en cours aux Etats-Unis – des deux côtés de l’échiquier politique. Mais bien avant les manifestations des derniers mois, alimentées par la mort de George Floyd et aussi régulièrement dénoncées par Donald Trump, la question était déjà particulièrement éruptive pour les électeurs.
En 2016, l’une des opérations les plus réussies de la campagne d’influence russe sur les réseaux sociaux avait concerné la question policière. De faux comptes, alimentés par des agents russes, étaient parvenus à recueillir plus de 110 000 likes pour un supposé mouvement « back the badge » (« soutenez les policiers »)… Qui n’avait jamais existé.
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