les cinquante nuances de l’expression « péril jaune »

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Forgée à la fin du XIXe siècle dans le sillage de la guerre sino-japonaise, cette notion ressurgit depuis épisodiquement, avec de subtiles variations de sens.

Par François Bougon Publié aujourd’hui à 05h00

Temps de Lecture 4 min.

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Un officier de l’Armée populaire de libération dirige une fanfare militaire à Pékin, le 5 mars 2019.
Un officier de l’Armée populaire de libération dirige une fanfare militaire à Pékin, le 5 mars 2019. WANG ZHAO / AFP

En 2008, au moment où la Chine accueille le monde pour les Jeux olympiques – les premiers de son histoire et une fierté pour tout un peuple –, le sinologue français Jean-Luc Domenach publie La Chine m’inquiète (Perrin). Le titre claque : l’utilisation de la première personne – « m’inquiète » et non pas « inquiète » – souligne une urgence nourrie d’une expérience toute personnelle et renforce l’effet de dramatisation. Deux ans plus tard, la crise financière ne fait que renforcer les discours alarmistes sur l’influence croissante de la grande puissance asiatique, qui supplante le Japon comme deuxième économie mondiale. Le renforcement du pouvoir autoritaire du numéro un chinois, Xi Jinping, depuis son arrivée au pouvoir en 2012, conforte ces craintes, que ce soit aux Etats-Unis – où le président Donald Trump s’est lancé dans un bras de fer commercial – ou en Europe.

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Les caricatures dépeignant la Chine sous la forme d’un dragon menaçant la planète refleurissent dans les journaux, et certaines « unes » – « Quand la Chine nous avalera », titre Marianne en septembre 2018) – remettent au goût du jour une notion qui remonte à la fin du XIXe siècle : le « péril jaune ». « L’expression apparaît en Europe dans le sillage du traité de Shimonoseki, en 1895, qui consacre la victoire du Japon dans la guerre sino-japonaise, explique Marion Gaspard, maîtresse de conférences à l’université Lyon-II, historienne des idées économiques. Elle désigne alors une crainte bien spécifique, celle de l’émergence d’une puissance nouvelle, une Chine pilotée par le Japon, bénéficiant ainsi à la fois de l’expérience militaire, politique et économique du Japon de l’ère Meiji, et de la puissance du nombre, les 400 millions de Chinois. » Comme le démontre, en 2011, l’historien François Pavé dans sa thèse (« Le péril jaune à la fin du XIXe siècle, fantasme ou inquiétude légitime ? »), « les théories sur le péril jaune se développaient selon trois axes, à la fois différents mais liés par de nombreux phénomènes d’interaction : le péril militaire, le péril démographique et le péril économique ».

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L’Europe en plein essor colonialiste, partie à la conquête du monde, s’inquiétait paradoxalement de la montée en puissance de la Chine et du Japon. Ce que les Français redoutaient le plus, souligne M. Pavé, c’était le « péril économique ». Mais cette peur se fondait sur « des scénarios théoriques, mobilisant peu de données statistiques ou extrapolant à charge quelques expériences ou statistiques douanières », relève Mme Gaspard. « Elles laissaient une large place aux stéréotypes racialistes de l’époque, opposant les défauts et qualités des “jaunes” – sobriété, prolificité, habilité, endurance, infantilité, capacité de mémoire-imitation – aux qualités, parfois décrites comme en déclin, des “blancs” : sens moral, esprit d’initiative, rationalité ou avidité, maturité, capacité intelligence-innovation », poursuit-elle.

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