« Lentement, la nation libanaise vient enfin au monde »

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Tribune. Dans l’aile Sully du musée du Louvre, une lettre du XIVe siècle avant notre ère retient l’attention du visiteur. Le roi de Byblos (Jbeil, dans l’actuel Liban) s’y adresse au pharaon d’Egypte : « Si le pharaon n’envoie pas des troupes, nous sommes morts et la ville de Byblos est prise. Aujourd’hui comme hier et avant-hier, elle est dans l’angoisse. » Trente-cinq siècles plus tard, seuls les souverains semblent avoir changé : dans le Liban de 2020, l’abîme est, encore une fois, annoncé pour demain.

A Byblos, on a découvert l’alphabet phénicien, à l’origine des alphabets grec et latin

Byblos n’est pas une localité quelconque dans le roman national libanais. La ville, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, symbolise à elle seule l’épopée des Phéniciens, ces lointains aïeux des Libanais. C’est à Byblos que l’on a découvert l’alphabet phénicien, à l’origine des alphabets grec et latin. C’est à partir du port de la ville que ces marchands navigateurs exportaient le bois de cèdre et réacheminaient le papyrus importé d’Egypte vers le reste du bassin méditerranéen.

Mais si les Phéniciens existaient aux yeux de leurs contemporains, eux-mêmes ne se désignaient pas comme tels. Leur nom, c’est aux Grecs qu’ils le doivent. La Phénicie était en réalité constituée d’une myriade de cités-Etats distinctes les unes des autres : Tyr, Sidon, Byblos… S’interroger sur la cohérence politique d’un territoire de l’Antiquité est une chose. Mais se demander si le Liban existe, aujourd’hui, n’est-ce pas une provocation ?

Avant d’être un symbole, le Liban doit d’abord être une nation

Le Liban est membre fondateur de l’Organisation des Nations unies (ONU), sa guerre civile a occupé l’actualité durant des années ; le pays a ses auteurs, sa cuisine, ses artistes, ses couturiers de renom, sa musique. Douter de son existence est d’autant moins permis que le Liban occupe une place symbolique particulière. Pour le reste du monde, il est un « pont entre l’Orient et l’Occident », un « carrefour de civilisations », le laboratoire d’une composition religieuse rarement rencontrée ailleurs, un « message ».

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Or, loin de louer une force, cette image idéalisée révèle une fragilité originelle : le Liban ressemble au dernier-né sur lequel on a fondé tous les espoirs et qui ploie sous une masse d’ambitions trop lourdes pour lui. Car avant d’être un symbole, le pays du cèdre doit d’abord être une nation : il ne peut faire l’économie d’une histoire commune, d’un peuple qui se reconnaît comme tel, d’un ensemble de valeurs partagées. Et force est de constater que la formation de cette nation n’est pas encore achevée.

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