L’engagement décalé des armées dans la « guerre » contre le Covid-19

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A Mulhouse, le 29 mars 2020.
A Mulhouse, le 29 mars 2020. SEBASTIEN BOZON / AFP

Analyse. Distribution de colis alimentaires à Charleville-Mézières, transport d’équipes hospitalières d’un point à un autre de la Guyane, livraison de fret à la Réunion, protection de l’usine de masques de Saint-Barthélémy-d’Anjou, garde devant le CHU de Nîmes, transferts de malades depuis Mulhouse vers l’Allemagne… Depuis le 25 mars, l’opération « Résilience » réunit sous une même étiquette les contributions éparses des armées à la lutte contre l’épidémie du Covid-19. A l’heure du déconfinement, les premières synthèses ministérielles indiquent que 4 000 soldats y ont participé chaque jour, dont 3 000 pour l’armée de terre (qui compte 114 000 militaires). L’opération sera fermée fin mai.

Tous les renforts ont été bons à prendre pour compenser le dénuement du système de santé français et les lacunes des plans nationaux de crise. Aucune armée – terre, air, marine – n’a voulu être en reste. Les images « kaki » ont imprégné l’imaginaire collectif, en écho au discours martial du président – « Nous sommes en guerre », avait lancé Emmanuel Macron le 16 mars.

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Appréciée partout, l’action des armées est restée modeste. Des vols du tout nouveau A330 MRTT de l’armée de l’air pour six malades. Douze autres évacués de Corse par un navire amphibie de 20 000 tonnes, le Tonnerre. Une traversée de l’Atlantique pour son jumeau, le Dixmude, muni de fret médical et de deux hélicoptères, en signe d’attention de la métropole pour les Antilles.

Interrogations diverses

Missions limitées, forte visibilité, effort mal compris. Des citoyens et des responsables politiques ont réclamé pêle-mêle des milliers de soldats pour faire la police du confinement, la réouverture du Val-de-Grâce, des avions militaires pour rapatrier les Français de l’étranger ou encore des hôpitaux de campagne dans tout le pays. Des professionnels de santé attendaient que la pharmacie centrale des armées produise du paracétamol, du propofol (utilisé en réanimation) et même 100 000 doses de l’anesthésique Gamma-OH, alors qu’elle ne développe pas ces produits. Du côté des militaires, ont circulé des interrogations inverses : pourquoi l’Etat n’a-t-il pas recouru au secteur privé pour transporter les malades d’un hôpital à l’autre ?

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Il était évidemment impossible pour les militaires de se dérober à leur mission de protection de la population. « Pour accompagner le pays partout, pour soigner, pour transférer, pour apporter des équipements aux territoires les plus critiques, l’armée a été au rendez-vous, a salué Emmanuel Macron le 8 mai. Cela rassure et c’est utile. » Mais les forces sont organisées autour d’autres objectifs. C’est le sens de « la priorité aux opérations » voulue par le pouvoir exécutif : contre-terrorisme au Sahel et au Moyen-Orient, dissuasion nucléaire, défense du ciel de l’OTAN et des approches nationales. Sous l’Arc de triomphe, quand le chef d’état-major s’est réjoui de « l’attente, chez nos soldats, d’être présents dans la crise pour participer à l’effort », le président a répondu : « Enfin, n’oublions pas nos théâtres extérieurs. La France est attendue, espérée, regardée partout. » Il y a ce qui rassure, et la vraie guerre.

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