« L’élimination ciblée des terroristes est à employer avec parcimonie »

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Cette technique est justifiée dans le cadre des conflits armés, mais y recourir systématiquement peut être contre-productif, explique dans une tribune au « Monde » le spécialiste de stratégie militaire Jean-Baptiste Jeangène Vilmer.

Par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer Publié aujourd’hui à 06h00

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Dans la Ghouta orientale, en Syrie, en février 2018.
Dans la Ghouta orientale, en Syrie, en février 2018. BASSAM KHABIEH/REUTERS

Tribune. L’élimination ciblée, qui consiste à tuer un individu non détenu de manière préméditée et intentionnelle, s’invite régulièrement dans le débat français sur les méthodes de lutte contre le terrorisme, au prix de quelques confusions. D’abord, il ne s’agit pas d’une alternative à la capture, qui est généralement préférable lorsqu’elle est possible, ne serait-ce que parce qu’elle procure du renseignement. Les terroristes présumés capturés à l’étranger doivent évidemment être jugés, de préférence en France. La question est de savoir quoi faire des autres.

Lire notre enquête : Comment Hollande autorise « l’exécution ciblée » de terroristes

Parler d’« assassinat ciblé » présume l’illégalité alors que tout dépend du contexte. Dans un conflit armé, le droit international humanitaire (DIH) s’applique et l’élimination ciblée peut être légale si sa cible est un combattant ou un civil participant directement aux hostilités. En Syrie, en Irak, au Yémen, au Mali et en Libye par exemple, les critères du conflit armé non international (intensité des combats et organisation des groupes armés) sont satisfaits. Dans ce contexte, l’action ciblée est légale si elle respecte les principes du DIH (distinction, proportionnalité, précaution, interdiction des maux superflus). La nationalité de la cible est indifférente : son passeport n’est pas un bouclier.

Zones grises

En l’absence de conflit armé en revanche, le droit international des droits de l’homme protège le droit à la vie et à un procès équitable, et l’élimination ciblée est illégale. Lorsqu’elle est malgré tout conduite clandestinement au nom de la raison d’Etat, elle ne l’est pas par les forces armées.

Tout l’enjeu pour les Etats est donc de caractériser le contexte de l’opération – conflit armé ou pas – sachant qu’un certain nombre de situations sont des zones grises permettant des interprétations diverses. Cette réduction croissante de l’écart entre la guerre et la paix témoigne d’une « déspécification » de la guerre au profit de modes de conflictualité plus diffus.

Lire aussi l’éclairage de l’historienne Marya Kandel : « Barack Obama a cherché à encadrer légalement la pratique des éliminations ciblées »

On reproche aussi à l’élimination ciblée de ne pas être une méthode efficace puisqu’il y a toujours des attentats, voire d’être contre-productive en déclenchant des représailles, en créant des martyrs qui renforcent la légitimité et la cohésion de l’adversaire, et en faisant des dommages collatéraux qui ont un effet recruteur. Ces craintes sont légitimes mais sont-elles empiriquement fondées ?

Créer des divisions

Plusieurs études quantitatives, portant sur des dizaines d’éliminations de leaders des années 1970 à nos jours, ont nuancé ces critiques. S’étonner qu’il y ait encore des attentats présume naïvement que ce qui n’est qu’une mesure parmi d’autres pourrait régler le problème, alors qu’il n’y a pas de remède miracle. Et rien ne dit que les éliminations n’ont pas évité d’autres attentats, qui n’ont pas eu lieu. Les représailles ne sont pas systématiques, pas toujours létales et il n’est pas facile de les distinguer d’une attaque qui aurait de toute façon eu lieu – sans compter que toute action, ciblée ou pas, nourrit la propagande de l’adversaire.

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