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TASNEEM ALSULTAN POUR « LE MONDE »
ReportageRéservé à nos abonnés
Riyad mise sur l’immense site antique d’Al-Ula pour ouvrir le pays au tourisme haut de gamme. Un enjeu politique majeur pour le prince héritier Mohammed Ben Salman.
Dans le nord-ouest de la péninsule arabique, en plein désert, à mille kilomètres des tours de Riyad, les Saoudiens investissent dans un nouveau filon. Sa valeur ne se mesure pas en barils de pétrole mais en regards éblouis et en silences béats. L’endroit s’appelle Al-Ula, et c’est une mine d’or : un territoire grand comme la Belgique et quasiment vierge, jalonné de tombeaux antiques taillés dans la roche, de graffitis plurimillénaires, de palmeraies verdoyantes et de concrétions aux formes spectaculaires.
Ce trésor jailli des sables, jumeau de la célèbre nécropole nabatéenne de Pétra, dans le sud de la Jordanie, devrait bientôt briller sur la carte du tourisme mondial.
Avec l’aide de la France, le royaume a entrepris de le transformer en une destination de voyage haut de gamme, mêlant villégiatures de luxe, découverte de l’Arabie préislamique et expéditions au grand air.
Lancé il y a bientôt deux ans, le projet a commencé à se concrétiser cet hiver. Une série de concerts ont été organisés au milieu des rochers, avec en têtes d’affiche le pianiste chinois Lang Lang, le violoniste français Renaud Capuçon et le ténor italien Andrea Bocelli. Echelonnés sur plusieurs week-ends, entre décembre 2018 et février, ces récitals et les activités organisées en parallèle ont attiré près de 30 000 amateurs de musique et de vieilles pierres, venus de trente pays différents. Cet échantillon test, logé dans des camps bédouins cinq étoiles, s’est prêté de bon cœur aux strictes traditions locales, notamment le port de l’abaya, le manteau noir imposé aux femmes.
Vocation de porte-étendard
Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman, alias « MBS », s’est rendu sur place le 10 février. Pour lui, le développement du site tombe à pic : c’est l’occasion de remettre en avant ses ambitions modernisatrices, éclipsées par l’assassinat, début octobre 2018, à Istanbul, d’un journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, par des barbouzes venues de Riyad. A l’instar de Neom, la cité futuriste à 500 milliards de dollars (445 milliards d’euros) en chantier plus au nord, Al-Ula a vocation à être le porte-étendard d’un pays qui change.
Car en Arabie saoudite, le tourisme ne va pas de soi. Une grande partie de la société, nourrie de rigorisme wahhabite, a grandi dans l’idée que le culte des antiquités est une activité idolâtre, surtout quand il s’agit de reliques antéislamiques.
L’entrée des étrangers sur le territoire national a longtemps été limitée à quelques catégories de personnes très précises, comme les riverains du Golfe, les pèlerins musulmans et les hommes d’affaires. Passer outre cette règle non écrite, c’était souiller le berceau de l’islam. Ou du moins s’exposer à cette accusation.
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