le récit graphique de Lamia Ziadé sur l’explosion de Beyrouth

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Par Lamia Ziadé (texte et dessins) pour M Le magazine du Monde

Publié aujourd’hui à 13h19, mis à jour à 13h27

Un message s’affiche sur l’écran de mon téléphone. « C’est une malédiction, ton pauvre pays. » L’ami qui me l’a envoyé parle sûrement de la terrible crise économique qui précipite depuis quelques mois le Liban au fond du gouffre et de l’épidémie due au coronavirus qui y grandit depuis quelques jours. Alors que je ­m’apprête à reposer mon téléphone, je m’aperçois que j’ai aussi 70 nouveaux messages sur notre groupe WhatsApp familial, pourtant derniè­rement assez inactif. J’ai la chair de poule tout d’un coup. Que se passe-t-il ? Le premier des messages, « All safe ? », est envoyé par mon cousin. Mon cœur s’effondre. Il s’est passé quelque chose de grave. Le ventre noué, je survole les messages suivants. Les deux premiers – « oui » ; « moi oui » –, envoyés une minute après par mon frère et ma sœur, me confirment l’urgence de la situation. Le troisième, une photo d’un canapé qui disparaît sous les débris d’une baie vitrée en miettes, avec la légende « J’étais assise là une minute avant », est envoyé par ma cousine, ­tandis qu’une autre écrit : « Je n’ai plus d’appartement. » Un selfie de ma sœur, le visage en sang, toutes les vitres de son bureau brisées et les meubles en morceaux, et mon cœur bat à tout rompre. Je pense immédiatement à un bom­bardement israélien, cela fait plus de quinze ans qu’on vit avec cette menace, nuit et jour. J’ouvre, tremblante, le site de L’Orient-Le Jour, mais il ne fonctionne plus. Puis mon frère transfère au groupe une petite vidéo qu’on lui a envoyée. Les premières images du blast me brisent en mille morceaux.

Le sanctuaire païen

Épouvante, terreur, angoisse, désespoir, naufrage, détresse. La vision du port est apocalyptique. On croit être aux portes de l’enfer, l’effroi ne se mesure plus. Depuis l’explosion, je ne vis plus, je sanglote toutes les heures, je ne dors plus la nuit, je m’endors au petit matin, je me réveille deux heures plus tard en me disant que j’ai fait un horrible cauchemar, je me rends compte une minute après que ce n’était pas un cauchemar, mais la réalité, et je fonds en larmes dans mon lit en pensant aux silos pulvérisés. Depuis dix jours, c’est comme ça. Je suis à Paris, mais pas une seule seconde je ne pense à autre chose qu’à Beyrouth. Beyrouth à terre, détruite et traumatisée. Beyrouth, capitale de la douleur. Je suis suspendue à mon téléphone, entre WhatsApp et Instagram, car c’est là que tout se passe. Depuis les révoltes d’octobre 2019, c’est le moyen le plus efficace d’être bien informé, d’être vraiment sur le terrain. Chaque Libanais est une agence de presse à lui seul et les nouvelles se transmettent à la vitesse de l’éclair.

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