« Le massacre de Tiananmen, un “non-événement” fondateur »

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Spécialiste de la Chine contemporaine, l’historien considère, dans une tribune au « Monde », que, « tant que le PCC refusera de reconnaître ce massacre, celui-ci restera le socle réel mais caché de son pouvoir ».

Publié aujourd’hui à 06h00 Temps de Lecture 5 min.

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Des chars chinois, à Pékin, le 5 juin 1989, au lendemain du massacre de la place Tiananmen.
Des chars chinois, à Pékin, le 5 juin 1989, au lendemain du massacre de la place Tiananmen. Jeff Widener / AP

Tribune. Il y a trente ans, le monde assistait effaré à un massacre nocturne au cœur de la capitale chinoise. Pékin, qui avait donné aux médias internationaux l’image radicalement nouvelle d’un grand mouvement bon enfant sur la place Tiananmen, devenait soudain le lieu où des chars fonçaient sur une foule désarmée. Le carnaval d’une jeunesse avide de liberté et de justice sociale, soutenue par toute une population qui n’avait pas hésité à sortir dans les rues pour bloquer pacifiquement les camions militaires après la déclaration de la loi martiale, se transformait en cauchemar de fer et de sang. S’ensuivit une période de terreur politique pendant laquelle des personnes recherchées réussirent à s’enfuir, d’autres connurent la prison, alors que chacun devait renouveler son allégeance au régime et affirmer son rejet de « l’émeute contre-révolutionnaire ».

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Plus qu’un tournant, le 4 juin 1989 apparaît aujourd’hui comme un point de rupture, dans le temps mais aussi dans l’espace. Historiquement, le massacre a mis fin à la période optimiste et résolument tournée vers l’avenir des années 1980, alors que le souvenir de la catastrophique Révolution culturelle poussait le pays vers la réforme et l’ouverture. Après le 4 juin, le pays s’est brusquement tourné vers son passé, s’est rempli de nostalgie. Politiquement, l’élimination de la frange « libérale » a signé la fin des espoirs de réforme politique et le début de l’obsession de « la stabilité avant tout », selon l’expression de Deng Xiaoping.

Des manifestants entourent un convoi militaire, le 20 mai 1989, dans une banlieue de la Pékin, pour les empêcher de gagner la place Tiananmen, tenue par des étudiants.
Des manifestants entourent un convoi militaire, le 20 mai 1989, dans une banlieue de la Pékin, pour les empêcher de gagner la place Tiananmen, tenue par des étudiants. STRINGER / REUTERS

Le choc du massacre, auquel de nombreux militaires et membres du Parti étaient opposés, a contraint le régime à tenter de retrouver une nouvelle légitimité par le nationalisme d’une part, et par l’ouverture accélérée à l’économie de marché et au consumérisme d’autre part. Le massacre de l’idéal couplé à l’appel à l’enrichissement personnel a engendré le cynisme et décuplé la corruption déjà dénoncée par le mouvement de 1989.

La fracture historique s’est doublée d’une fracture géographique quand l’effondrement du communisme en Europe de l’Est à la fin de l’année, puis dans le bastion soviétique deux ans plus tard, a transformé la Chine en une anomalie, l’a coupée du reste du monde. Même si le massacre de Pékin suscitait la sympathie occidentale, sa signification était perdue, car cet évènement ne trouvait pas sa place dans le nouvel optimisme concernant la mort du communisme, la victoire totale de la démocratie, voire la « fin de l’histoire » (Francis Fukuyama). Lorsqu’on observe le monde d’aujourd’hui, on voit bien à quel point cet optimisme oublieux des malheurs de la Chine était illusoire.

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