Le manque d’entretien des forêts est-il la cause des incendies en Australie ?

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Plus de dix millions d’hectares ont été détruits par les violents incendies que subit l’Australie depuis septembre, ce qui place cet été 2019-2020 parmi les saisons de feux de brousse les plus dévastatrices qu’ait jamais connues le pays.

Cette catastrophe, nourrie par la sécheresse, a ravivé le débat national sur la lutte contre le réchauffement climatique, un sujet sur lequel le gouvernement libéral de Scott Morrison est critiqué pour son manque d’ambition.

En réaction à ces critiques, certains conservateurs australiens, comme le député Barnaby Joyce, ont accusé les politiques écologistes d’avoir favorisé les incendies dans l’arrière-pays australien. Cette thèse a été défendue dans les médias australiens par Alan Jones (ex-sélectionneur de l’équipe de rugby devenu polémiste et animateur radio, connu pour son climatoscepticisme) et relayée en France par l’urologue Laurent Alexandre.

Or, si ces théories ne sont pas neuves, elles sont contredites par les faits.

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1. « Les feux de contrôle sont insuffisants »

Pourquoi c’est faux

A l’instar des avalanches déclenchées pour sécuriser des manteaux neigeux, les feux de contrôle sont des incendies provoqués localement et de manière contrôlée sur des sites très à risque. Le but est de réduire la masse de combustible forestier (feuilles, branches mortes) qui pourrait brûler, voire de créer des zones coupe-feu qui empêcheraient un incendie de se propager.

Selon le polémiste Alan Jones, « il y a trop de combustible au sol » et la « bureaucratie » empêche d’agir pour nettoyer les forêts.

  • Les objectifs de feux de contrôle ont été dépassés

Les chiffres officiels contredisent ces affirmations, puisque les Etats australiens ont dépassé les objectifs de feux de contrôle qui leur ont été assignés pour les zones dont ils ont la protection. Le service des parcs du Queensland a atteint 118 % de son objectif, « nettoyant » sur la seule année 2019 1,44 million d’hectares, selon la télévision australienne ABC. En Nouvelle-Galles du Sud, le service des parcs nationaux a dépassé son objectif de 680 000 hectares depuis 2011, une surface qui représente plus du double des cinq années précédentes, selon le site de l’Etat. Malgré tout, « la réduction du combustible forestier n’est qu’une façon de se préparer aux incendies, ça n’élimine pas la menace », a indiqué au Guardian un porte-parole du ministère de l’industrie et de l’environnement de la Nouvelle-Galles du Sud.

  • Les feux de contrôle ne sont plus efficaces face à la météo extrême

Les recherches scientifiques montrent que leur efficacité est proche d’être nulle lorsque les conditions climatiques deviennent extrêmes, comme c’est le cas cette année.

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L’Australien Alan Grant McArthur a mis au point dans les années 1960 un indice de danger des feux de forêt (Forest Fire Danger Index, ou FFDI) : une échelle allant de 1, pour un départ de feu très improbable, à 100, qui signifie que le feu se propagera de manière catastrophique. Or, au-delà de 50, la réduction du combustible forestier n’a quasiment plus aucun effet, selon Trent Penman, un professeur associé à l’université de Melbourne qui étudie le comportement des incendies : « vous passez d’un feu nourri par le combustible à un feu nourri par les conditions météorologiques ».

En 2012, une étude publiée dans Journal of Environment Management s’est penchée sur l’efficacité des efforts de gestion du risque lors des incendies géants dans l’Etat de Victoria en 2009. Elle conclut que les feux de contrôle déclenchés dans les cinq ans qui ont précédé un incendie n’ont eu aucun effet mesurable sur l’intensité de l’incendie.

Un constat que partagent les experts, en premier lieu les pompiers, qui ont été nombreux à rappeler que ces efforts de préventions ne suffisent plus. Ainsi, le chef des pompiers de l’Etat de Victoria assure dans les médias que les feux contrôlés « n’ont pas ralenti du tout » les incendies actuels et rappelle que l’argument selon lequel « les feux préventifs résoudront tous nos problèmes n’est pas étayé ».

  • Les « fire trails », une question difficile à trancher

Dans sa chronique, Alan Jones soulève un autre problème : le manque d’entretien des « fire trails », les sentiers tracés dans l’arrière-pays, censés faciliter l’accès des pompiers aux foyers des incendies. Il affirme que Robert Carr, premier ministre travailliste de Nouvelle-Galles du Sud de 1995 à 2005, les aurait « abandonnés », ce qui expliquerait la difficulté des pompiers à maîtriser les incendies actuels.

Ce problème de maintenance de ces sentiers existe : il a fait l’objet d’un rapport parlementaire en 2003 et de l’inquiétude d’une élue travailliste en 2018, chiffres à l’appui. Toutefois, il ne semble pas exclusif à la Nouvelle-Galle du Sud et préexiste au mandat de M. Carr. Difficile, donc, d’y voir l’unique conséquence de la politique menée par le travailliste.

  • Les écologistes en accusation

Le député Barnaby Joyce a créé la polémique en affirmant que « beaucoup des moyens de lutte et de gestion des feux ont été contrecarrés par les Verts ».

Mais dans les dernières années, ce sont surtout les conditions météo exceptionnelles (températures, vents, sécheresse) qui ont empêché les agences de procéder à plus de feux contrôlés, faute de pouvoir… les contrôler. Un ancien commissaire régional à la sécurité incendie, Greg Mullins, affirmait dans une tribune au Sydney Morning Herald en novembre que « reprocher aux écologistes de s’opposer à ces mesures importantes est une affirmation familière, populiste mais fondamentalement fausse ».

Ross Bradstock, directeur du Centre pour la gestion environnementale du risque incendie à l’université de Wollongong, développe le même argument, auprès du Guardian : « Ce sont de très vieilles théories du complot qui reviennent après chaque gros incendie. C’est une tentative évidente de détourner le débat du changement climatique. »

2. « Les incendies n’ont rien à voir avec le changement climatique »

Pourquoi c’est faux

Y a-t-il un lien entre dérèglement climatique et ces incendies ? La question – fréquente – est complexe, dans la mesure où il est souvent difficile d’attribuer à une tendance de long terme un événement isolé. Mais bien qu’il ne soit pas infondé de se poser la question en général, le lien entre ces feux de brousse d’une intensité hors norme et le changement climatique ne fait ici guère de doute.

  • Le risque d’incendie en hausse

Le réchauffement climatique favorise amplement les départs de feu et augmente, d’année en année, le nombre de jours où le risque d’incendie est élevé. Le rapport 2018 du Bureau de météorologie et du Csiro (l’organisation australienne pour la recherche scientifique) sur l’état du climat australien indiquait que « le nombre annuel de jours où l’indice FFDI est au plus haut a augmenté dans de nombreuses régions de l’Australie ces dernières décennies ».

Tendance de l’indice annuel de danger des feux de forêt (FFDI) de 1978 à 2017.
Tendance de l’indice annuel de danger des feux de forêt (FFDI) de 1978 à 2017. BoM, Csiro

Ainsi, les saisons des incendies sont plus longues, et le réchauffement du climat « contribue à ces changements » (la saison actuelle a débuté assez tôt, en septembre).

  • Des précipitations en baisse

Parallèlement, le réchauffement climatique réduit les précipitations annuelles, ce qui favorise l’assèchement de la faune et sa vulnérabilité aux incendies. Les précipitations en été restent relativement stables, mais elles se raréfient en hiver, une période pourtant importante pour l’hydrologie du pays. Conséquence indirecte : la fenêtre de temps hivernale pour que les pompiers procèdent à des feux contrôlés se réduit chaque année.

Décile des précipitations hivernales (avril - octobre) de 1999 à 2018, en comparaison de la moyenne des précipitations depuis 1900.
Décile des précipitations hivernales (avril – octobre) de 1999 à 2018, en comparaison de la moyenne des précipitations depuis 1900. BoM, Csiro
  • Une sécheresse sévère et des températures records

La sécheresse qui touche l’Australie représente, selon les climatologues, « le plus grand changement de précipitations depuis que les enregistrements nationaux ont débuté en 1900 », notent les auteurs du rapport. Les records de températures ont été battus deux fois rien qu’en décembre 2019, avec une moyenne de 41,9 °C le 18 décembre. L’année 2019, elle, est la plus chaude du pays jamais enregistrée depuis 1910.

Attention aux infox : Cette image des feux en Australie n’est pas une photo prise par un satellite



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