le maestro et le Mur

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Berlin, novembre 1989 (après l’ouverture des postes-frontières de la RDA, 9.11.1989).

Le violoncelliste russe Mstislav Rostropovitch jouant un morceau de Bach devant le Mur non loin de Checkpoint Charlie (au fond, l’immeuble d’Axel Springer).

11 novembre 1989 (Succo).

akg-images / ullstein bild

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Publié aujourd’hui à 13h09, mis à jour à 13h11

[Le mur de Berlin est tombé il y a trente ans. « Le Monde » republie un article daté de 1997, dans lequel le grand musicien russe revient sur ces heures historiques.]

Sur les hauteurs de Bakou, à l’abri des vents venus de la Caspienne, des senteurs de soufre et de pétrole brûlé, se niche une grande et belle villa, entourée d’un jardin. L’air y est sec et doux, parfumé de pollen, et le silence alentour pourrait faire croire qu’on est à mi-distance entre le ciel gris et la ville d’en bas. Une oasis en somme, un rêve de dignitaire, voluptueux, ouaté. Il faut montrer patte blanche pour que le porche s’entrouvre. N’entrent dans le domaine que les hôtes personnels du président Aliev. Ou de ses invités. « C’est le maestro que je viens voir. » Les yeux noirs des soldats se veloutent. Ah ! Maestro Rostropovitch ! Oui bien sûr, il est là, toute la famille est là. Galina la divine, et puis Léna, Olga, les filles, et quatre petits-enfants. Voyez, la ZIL les attend pour les conduire au concert. Mais il n’est pas encore 16 heures, peut-être se repose-t-il…

Peut-être. Depuis trois jours, trois nuits, le maestro, sans relâche, s’est donné à sa ville. On l’a vu partout : au conservatoire, aux banquets, en promenade dans la vieille ville. Des enfants en costumes traditionnels ont récité des compliments, chanté la gloire de « Slava » (son prénom) et joué de la musique. Le retour du violoncelliste dans sa ville natale a été décrété événement national. Dix-neuf ans après avoir été déchu de sa citoyenneté soviétique et contraint à l’exil, Rostropovitch est fêté comme un roi à Bakou. Et le roi ne dort guère. Campé sur le perron, il plaisante en montrant sa chemise de cosaque : « Suis-je assez élégant ? » Un escalier de marbre nous conduit dans une pièce monacale du premier étage. D’un recoin de la maison, s’envolent quelques notes de piano. Bientôt des rires d’enfants. Galina Vichnevskaïa, l’épouse cantatrice, passe comme une funambule, le regard charbonneux. Et Rostro, malicieux, sert le thé.

« Un peu surréaliste, maestro, ce retournement de situation, ce culte, ces honneurs ?

– Incroyable, en effet. Magnifique. Magnifique.

Et tous ces critiques musicaux venus de Moscou qui ne jurent plus que par vous ?

Fabuleux ! Très gentils, même si j’eusse préféré qu’ils me manifestent leur estime en des temps plus risqués…

Et vous ici, royalement logé dans la résidence d’un président qui fut tout de même patron du KGB et apparatchik de Brejnev au temps où vous fûtes banni d’URSS ?

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