le long chemin des femmes pour défendre leurs droits

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Terres agricoles au cœur de la région Rabat-Salé-Kénitra, en mars 2017.
Terres agricoles au cœur de la région Rabat-Salé-Kénitra, en mars 2017. FADEL SENNA / AFP

Après la prière de l’asr, en fin d’après-midi, Meriem descend à travers champs depuis chez elle pour rejoindre un groupe de femmes et d’hommes au bord de la route nationale. Comme chaque dimanche depuis 2007, ils installent banderoles et portraits du roi Mohammed VI pour manifester contre le promoteur immobilier installé sur leurs terres collectives. Habillée d’une chaude djellaba au motif léopard, Meriem discute avec ses amies de la route en béton qui mène vers le golf et les villas. Des constructions de luxe qui dénotent avec leurs petites maisons colorées et les enclos de leurs animaux. Quand une centaine de membres de la tribu rurale des Ouled Sbita sont enfin réunis, les slogans fusent : « Pas de développement sans la collectivité ! »

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Les exploitants de ces terres collectives, appelées soulaliyates, n’en sont pas propriétaires. Elles sont sous la tutelle du ministère de l’intérieur, selon un décret de 1919 datant du protectorat français. Quand ces parcelles sont cédées par l’Etat, les ayants droit sont expulsés en contrepartie d’indemnités, dont les femmes – en butte à la tradition – ne peuvent souvent pas bénéficier.

Achetées quelques euros le mètre carré, ces terres prennent énormément de valeur une fois construites. De plus en plus proches des grandes villes, elles attisent les convoitises des investisseurs et promoteurs, conduisant à l’expulsion de villages et tribus. Cet attrait ne cesse de croître alors que la côte de 150 kilomètres qui va de Kénitra à El Jadida, en passant par Casablanca, concentre environ 40 % de la population urbaine marocaine.

« Qu’on nous indemnise »

Les terres de la tribu des Ouled Sbita se trouvent au cœur de la région Rabat-Salé-Kénitra, en plein développement et qui génère 16 % du PIB national. « On n’est pas contre le projet immobilier. On réclame nos droits, qu’on nous indemnise, nous les femmes soulaliyates et nos enfants », lance une manifestante âgée. Un peu plus loin, un homme acquiesce : « On veut que tous, les jeunes, les femmes et les hommes, soient indemnisés ! Nous sommes tous pareils. »

Pour moderniser la gestion des terres collectives qui s’étalent sur 15 millions d’hectares et concernent 10 millions d’ayants droit à travers le Maroc, trois nouvelles lois ont été votées à l’été. Il s’agit, entre autres, de mettre fin à des coutumes contraires à l’égalité des genres, explique le gouverneur Abdelmajid El Hankari, directeur des affaires rurales au ministère de l’intérieur : « Les femmes ont récupéré leurs droits à la propriété, à la jouissance du foncier et d’être élues représentantes de la collectivité ethnique. »

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Mais ces avancées demeurent insuffisantes selon Rabéa Naciri, membre de l’Association démocratique des femmes du Maroc, qui suit le dossier depuis 2007. « C’est une victoire, car la loi sur la gestion de la tutelle des terres collectives mentionne les hommes et les femmes. Mais il n’y a pas de mention claire et nette de l’égalité », regrette la militante.

Les revendications des femmes soulaliyates ne portent pas uniquement sur la parité, alors que la terre a parfois été perdue pour tous. « Il y a d’autres problèmes comme l’accaparement des terres », souligne Souad Eddouada, anthropologue qui suit de près plusieurs collectivités dont celle d’Ouled Sbita.

« Au profit des ayants droit »

Là, Saïda Seqqat, la trentaine, dirige les manifestations dominicales. Mégaphone à la main, la militante lance les slogans d’une voix déterminée. « Le ministère de l’intérieur n’est-il pas en mesure de protéger notre communauté de la mafia immobilière ? Est-ce que l’intérêt public, ce sont le golf, les villas et les appartements ? », interroge-t-elle, en pointant du doigt les constructions dressées sur les terres qui étaient cultivées par sa famille depuis des générations.

Au ministère de l’intérieur, Abdelmajid El Hankari répond que la nouvelle législation permettra aussi de réaliser des investissements « au profit des ayants droit ». Selon le décret de 1919, la cession et la vente des terres collectives ne se faisaient qu’à l’Etat, aux établissements publics ou aux collectivités locales. Désormais, de nouvelles possibilités se dessinent comme « l’appropriation des terres collectives par les exploitants de ces terrains, hommes et femmes », explique le gouverneur, dont l’objectif est de créer de l’activité pour ralentir l’exode rural.

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Dans un discours prononcé en août 2018, le roi Mohammed VI parlait d’une « valorisation des opportunités et des potentialités que recèlent les autres filières non agricoles, comme le tourisme rural, le commerce, les industries du terroir ». Au final, l’objectif est de réduire les terres collectives, qui sont « une entrave à l’investissement et à la valorisation des territoires », selon le gouverneur El Hankari.

Ces nouvelles lois générales ne sont pas encore mises en place sur le terrain, dans l’attente des textes d’application. Avant de crier victoire, militants et tribus soulaliyates attendent encore de voir si la cession de ces terres se feront réellement au profit des ayants droit, à égalité avec les femmes, et non pas uniquement des investisseurs privés.

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