Le déclin de Cabimas, métaphore de la chute de l’industrie pétrolière vénézuélienne

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Hier jalousée pour les richesses de son sol, la ville a été dévastée par les dérives d’un pouvoir devenu autocrate.

Par Claire Gatinois Publié aujourd’hui à 07h34

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Installation pétrolière, à Cabimas, au Venezuela, le 2 avril.
Installation pétrolière, à Cabimas, au Venezuela, le 2 avril. OSCAR B. CASTILLO / FRACTURES COLLECTIVE POUR «LE MONDE»

La statue des deux foreurs de pétrole trône dans le centre-ville, tel le vestige d’une gloire passée. A l’entrée de Cabimas, petite ville sur les berges du lac Maracaibo, dans l’ouest du Venezuela, les deux ouvriers de pierre, héros anonymes d’une industrie qui fit, autrefois, la fierté de la région, ne laissent rien présumer de la torpeur qui s’est abattue sur l’ancienne cité pétrolière. Il faut s’enfoncer plus en avant pour observer les rideaux fermés des boutiques, les façades éventrées par les pillages de la veille, les maisons inhabitées et les puits de pétrole comme abandonnés pour prendre la mesure de la disgrâce de Cabimas. Hier jalousée pour ses richesses, la ville est devenue fantomatique, anéantie par des décennies de gabegie et de corruption. Engloutie par les dérives d’un pouvoir devenu autocrate.

En ce début avril, l’or noir qui inondait le pays de ses pétrodollars s’étale sur les berges du lac Maracaibo, recouvrant d’une boue visqueuse la faune et la flore. « Le problème, c’est les fuites. Les câbles sont volés la nuit pour le cuivre. Quand on surveille d’un côté, ça part de l’autre », soupire André. L’homme d’une quarantaine d’années, dont le corps sec est enveloppé de l’uniforme des ouvriers de PDVSA, la compagnie pétrolière de l’Etat, habite à quelques centaines de mètres de la plate-forme où il travaille. Par peur de représailles du gouvernement de Nicolas Maduro, il taira son nom, comme la plupart de nos interlocuteurs. « Il y a des fuites depuis 2017. C’est devenu un véritable trafic », explique-t-il. Ouvrier du forage, l’homme gagne un peu plus que le salaire minimum, soit 18 000 Bolivares, l’équivalent de 5 dollars mensuels. Un revenu aujourd’hui dévoré par l’hyperinflation, qui a hissé le prix d’un poulet à quelque 15 000 bolivares et qu’André complète par quelques heures supplémentaires pour PDVSA, même si, sur la plate-forme, « il n’y a plus rien à faire », dit-il.

« Quand il manque une pièce sur une machine, on la prend sur une autre. Si on a besoin d’un certificat de travail, il faut apporter sa feuille, car il n’y en a plus dans les bureaux. On fait nos heures, mais c’est surtout pour profiter du repas à la cantine », confie Marco, un autre employé de PDVSA chargé de la maintenance.

Des habitants de Cabimas font la queue pour remplir leurs bouteilles d’eau, le 2 avril.
Des habitants de Cabimas font la queue pour remplir leurs bouteilles d’eau, le 2 avril. OSCAR B. CASTILLO / FRACTURES COLLECTIVE POUR «LE MONDE»

Un pays gouverné par l’absurde

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Sur le lac, où émergent une multitude de points de forage, on raconte qu’un jour, à cause des fuites, le gigantesque plan d’eau ressemblait à un verre rempli d’un liquide effervescent, bouillonnant comme une marmite oubliée sur le feu. C’est pourtant d’ici que partaient, il n’y a pas si longtemps, des tankers gorgés de pétrole, à cette époque bénie où le pays produisait jusqu’à 3,5 millions de barils par jour. « Le Venezuela était parmi les premiers exportateurs de pétrole, mais aussi parmi les plus fiables et les plus sûrs au monde », raconte José Toro Hardy, économiste à Caracas et expert du secteur pétrolier. « A l’époque, le Venezuela a connu un développement exceptionnel. Le pétrole était une manne tombée du ciel », insiste-t-il.

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