Le chef de la diplomatie iranienne reste finalement à son poste

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Son départ a été refusé, Téhéran jugeant ce modéré utile pour gérer la relation avec l’Europe et les Etats-Unis.

Par Louis Imbert Publié aujourd’hui à 11h03, mis à jour à 11h16

Temps de Lecture 3 min.

Hassan Rohani et Mohammad Javad Zarif, à Téhéran, en janvier 2016.
Hassan Rohani et Mohammad Javad Zarif, à Téhéran, en janvier 2016. Vahid Salemi / AP

L’Etat iranien a mis un terme à deux jours de crise, mercredi 27 février, en refusant la démission du ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Ce diplomate, maître d’œuvre de l’accord sur le nucléaire de juillet 2015, serait allé « à l’encontre de l’intérêt du pays » en se retirant, a jugé le président Hassan Rohani dans une lettre ouverte adressée à son ministre.

« Comme l’a dit le Guide [suprême, Ali Khamenei, le premier personnage de l’Etat], vous êtes “digne de confiance, courageux et pieux”, et à la pointe de la résistance contre la pression totale exercée par les Etats-Unis » contre le pays, depuis que Washington s’est retiré de l’accord sur le nucléaire en mai 2018.

M. Rohani mettait fin à une querelle d’appareil, dans laquelle se joue le respect par l’Iran de ses obligations sur le nucléaire et sa capacité à résister aux sanctions américaines. Téhéran compte sur l’aide de ses « parrains » russe et chinois, mais également sur les signataires européens de l’accord – la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne –, auprès desquels M. Zarif demeure un interlocuteur privilégié, au talent reconnu.

« Côté sombre »

Mardi, M. Zarif avait dénoncé dans la presse la perte d’influence de son ministère sur la diplomatie du pays, face à des centres de pouvoir concurrents. Il s’exprimait au lendemain d’une visite non annoncée du dictateur syrien, Bachar Al-Assad, venu remercier Téhéran pour l’aide militaire et financière qui lui a permis de survivre à sept ans de guerre. M. Zarif n’avait pas été convié à ces entrevues.

C’était un accroc au protocole mais, sur le fond, la politique syrienne échappe bien au gouvernement. La conduite des opérations militaires et politiques est assurée par un général des gardiens de la révolution, Ghassem Soleimani, en collaboration avec le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah. M. Zarif a par ailleurs moins de familiarité avec le régime syrien que le conseiller diplomatique du Guide, Ali Akbar Velayati, qui a multiplié durant la guerre les allers-retours à Damas, et qui porte la voix du Guide à Moscou. Ces deux hommes ont assisté aux entrevues de M. Assad à Téhéran.

C’était un signe de plus de l’affaiblissement du gouvernement Rohani, depuis sa réélection à la présidence en mai 2017. « Le “côté sombre” de l’Etat a conforté sa mainmise sur tout le reste : la politique régionale, la défense, les questions de sécurité… Le ministre des affaires étrangères devient un directeur de la communication. M. Zarif, par sa forte personnalité, peut encore se permettre quelques sorties, mais il est sous pression », notait récemment un diplomate européen. Paris s’en désole, souhaitant sauver l’accord nucléaire, en pressant Téhéran d’ouvrir un nouveau chapitre de négociations, qui porterait notamment sur son influence jugée nocive dans la région.

Travail de sape

Le général Soleimani a lui-même rappelé, mercredi, que M. Zarif est « bien chargé de la politique étrangère » du pays, selon l’agence Sepah News, liée aux gardiens. Ce pragmatique, qui a par le passé affiché sa proximité avec M. Zarif, s’inscrivait ainsi dans la ligne officielle.

L’Iran s’estime pour l’heure mieux protégé contre les velléités des Etats-Unis de provoquer un changement de régime, en respectant ses obligations nucléaires et en s’affirmant comme un défenseur du multilatéralisme auprès des Européens. Ce rôle est celui de M. Zarif. Une majorité de parlementaires l’ont rappelé, en se portant à son secours, tout comme certains fonctionnaires du ministère au sein duquel couraient des rumeurs de démissions.

Les factions ultraconservatrices, opposées à l’accord sur le nucléaire, qui poursuivent un travail de sape contre le gouvernement Rohani et contre son ministre emblématique, se voient forcées de mettre pour un temps leurs critiques en sourdine. Les dissensions s’effacent également pour l’heure dans le camp même des modérés, autour d’un président qui s’isole dans l’exercice du pouvoir et dont les alliés s’écartent les uns après les autres.

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Louis Imbert

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