le calvaire des Marocains bloqués à l’étranger

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Andalos / Creative Commons

Devant le consulat du Maroc à Istanbul, un citoyen brandit son passeport, les mains tremblantes. « Faut-il entamer une grève de la faim pour qu’enfin ils se soucient de nous ?, s’emporte l’homme d’une soixantaine d’années. On veut rentrer chez nous. » Cette même supplique a été martelée, lundi 11 mai, aux quatre coins de l’Europe. Des dizaines de Marocains se sont rassemblés devant leur consulat à Paris, Bruxelles, Algésiras ou Amsterdam, bravant les états d’urgence pour réclamer un rapatriement des 28 789 ressortissants du royaume chérifien bloqués à l’étranger.

Le 14 mars, le Maroc avait décidé de boucler ses frontières et de suspendre tous ses vols internationaux pour contenir la pandémie liée au coronavirus. L’annonce, sans préavis, a pris de court tous ceux qui étaient en déplacement. Si des vols spéciaux ont permis de rapatrier des touristes bloqués au Maroc, les citoyens marocains se trouvant à l’étranger n’ont, eux, pas été autorisés à regagner leur pays. Même dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ils n’ont pas pu traverser la frontière à pied.

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Depuis, ils n’ont cessé d’interpeller les plus hautes autorités du pays, à coups de lettres adressées au roi, de pétitions, de campagnes sur les réseaux sociaux et de vidéos dans lesquelles ils implorent leur gouvernement de les faire rentrer. Sans résultat pour l’instant. Le royaume, qui a appliqué très tôt une stratégie musclée de lutte contre le Covid-19 et compte 6 226 cas de contamination, dont 188 morts, s’est fixé comme priorité de limiter le risque de contagion. « Dès que la décision d’ouvrir les frontières sera prise, ils rentreront », a déclaré le chef du gouvernement, Saadeddine El Othmani, dans une interview à la télévision publique le 7 mai, douchant leurs derniers espoirs.

Cellules d’accompagnement

Nadine Benkirane n’y croit plus. Arrivée en France le 11 mars pour que son bébé de 1 an, gravement malade, y subisse une opération du cœur, la jeune maman vit un calvaire : « Ma fille nécessite un suivi médical lourd qui avait débuté au Maroc. Il est difficile de tout recommencer à zéro ici. Ça me tue de laisser ma fille s’enfoncer sans pouvoir rien faire. » Comme elle, des milliers de Marocains partis en visite familiale ou médicale, en déplacement professionnel ou en vacances se trouvent dans une situation de plus en plus dramatique.

Mobilisés depuis le début de la crise, les services consulaires marocains ont créé 155 cellules d’accompagnement auprès de leurs missions à travers le monde pour leur venir en aide. Près de 6 000 citoyens ont été pris en charge. « Nous travaillons sept jours sur sept afin d’accompagner nos concitoyens au cas par cas, quel qu’en soit le coût », assure Mohamed Basri, directeur des affaires consulaires et sociales au ministère des affaires étrangères, à Rabat, où une cellule de crise a été constituée : « Nous avons pris en charge la restauration, les frais médicaux et surtout l’hébergement, ce qui est un exploit alors que la plupart des hôtels sont fermés. Nous avons même assuré un suivi psychologique pour les cas sensibles. »

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Mais les services sont surchargés. Et le suivi des demandes est parfois laborieux. Comme pour cette Marocaine de 52 ans coincée à Strasbourg et atteinte d’un cancer du poumon qui nécessite des séances de chimiothérapie. « Ma mère a déjà raté deux séances, c’est très grave. Jusqu’à présent, le consulat m’a demandé de m’adresser à mon assurance au Maroc, avant d’accepter enfin la prise en charge il y a quelques jours », témoigne son fils, Abdellah Ismaili Alaoui, à qui elle était venue rendre visite.

« Certains consulats restent injoignables », affirme aussi le bureau parisien de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), qui dénonce un traitement inéquitable des ressortissants bloqués : « Plusieurs personnes malades et âgées sont toujours livrées à elles-mêmes. »

« Il n’y a pas de visibilité »

Le fait de passer le ramadan, traditionnellement mois de partage pour les musulmans, loin de leur famille a aggravé leur désarroi. « Nous sommes psychiquement détruits », confie Badr Bentoumi, un ingénieur de 38 ans qui se trouve seul à Tychy, en Pologne, où son entreprise l’avait envoyé en formation : « Nous nous sentons humiliés lorsque nous voyons les autres pays rapatrier leurs citoyens, y compris depuis le Maroc. Pourquoi ce silence de mort ? »

C’est le plus souvent ce mutisme qui les accable. « Ces gens ont l’impression qu’ils ne rentreront jamais dans leur pays. C’est le problème depuis le début : il n’y a pas de visibilité. L’Etat se doit de fixer une date de retour, quitte à revenir dessus si les conditions sanitaires ne le permettent pas, insiste Omar Balafrej, député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD). J’ai l’impression qu’ils ont peur d’annoncer une date qu’ils ne pourront pas tenir. C’est lié à la relation de confiance entre l’Etat et les citoyens au Maroc. »

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Si l’annonce d’un rapatriement tarde tant, c’est aussi parce que le royaume souffre d’un système de santé défaillant, que la crise liée au coronavirus a mis à l’épreuve. Avec 12 000 médecins dans le secteur public pour 36,5 millions d’habitants et des infrastructures médicales insuffisantes, dont 1 642 lits en réanimation, le Maroc n’a pas la capacité d’absorber un trop grand nombre de malades. Dès le début de l’épidémie, un état d’urgence sanitaire drastique a été instauré. « Cela nous a permis d’éviter des dizaines de milliers de morts, reconnaît Omar Balafrej. Mais cela dévoile aussi l’état pitoyable de notre santé publique, délaissée et méprisée par tous les gouvernements depuis vingt ans. »

Concernant les décès liés au Covid-19 parmi les Marocains bloqués à l’étranger, les autorités se contentent d’évoquer « quelques morts », sans donner de chiffre exact. Alors que la sortie du confinement s’annonce elle-même périlleuse, le ministère des affaires étrangères promet des réponses d’ici au 20 mai, date à laquelle doit prendre fin l’état d’urgence. « Le Maroc n’a jamais abandonné ses fils et ses filles », ne cessent de répéter les diplomates marocains alors que la perspective d’un retour rapide s’éloigne de jour en jour.

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