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L’armée malienne a commis des « crimes de guerre » et plusieurs groupes armés des « crimes contre l’humanité », indique la commission internationale sur le Mali, établie en janvier 2018 par l’ONU, dans un rapport transmis aux membres du Conseil de sécurité et obtenu en exclusivité par l’AFP.
Sans être la seule, l’armée malienne figure au premier rang des accusés de cette commission, qui estime avoir recueilli « des motifs raisonnables de croire » qu’elle a « commis des crimes de guerre », selon ce rapport de près de 350 pages qui prône la création d’une cour spécialisée dans les crimes internationaux. La divulgation de ce document intervient alors que des colonels ont renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta et que les putschistes gardent le contrôle des principaux organes de la transition censée ramener les civils au pouvoir après dix-huit mois.
Etablie sur la base de l’accord de paix de 2015, la commission de l’ONU, composée de la Suédoise Lena Sundh, du Camerounais Simon Munzu et du Mauricien Vinod Boolell, a enquêté sur la période 2012-2018. Elle a remis en juin son rapport au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui l’a transmis la semaine dernière aux quinze membres du Conseil de sécurité. A la différence d’autres rapports, les conclusions de cette commission peuvent constituer une base légale pour de futurs procès. Interrogé par l’AFP, le service de communication de l’ONU n’a pas fait de commentaire sur le texte, qui n’a pas encore été rendu public.
Les Touareg, les Arabes et les Peuls pris pour cibles
Le rapport détaille chronologiquement quelque 140 cas où des crimes ont été commis, emblématiques d’exactions qui ont fait au total des milliers de victimes (morts, blessés, torturés, déplacés…).
En 2012, les militaires maliens s’étaient emparés du pouvoir par un coup d’Etat censé enrayer la déroute de l’armée face aux rebelles indépendantistes et djihadistes dans le nord, mais qui l’a en fait précipitée, plongeant le pays dans une crise qui se poursuit aujourd’hui.
En 2012-2013, les forces de sécurité et de défense se sont rendues coupables d’« assassinats » visant « particulièrement les membres des communautés touareg et arabe », les associant aux rebelles indépendantistes et aux groupes djihadistes. Le rapport cite notamment les meurtres de trois gendarmes touareg, le 2 avril 2012, de seize prêcheurs arabes, le 9 septembre 2012, et d’« au moins quinze » personnes suspectées d’être membres d’un groupe djihadiste, le 11 janvier 2013.
Après l’apparition en 2015 d’un groupe djihadiste emmené par le prédicateur peul Amadou Koufa, les Peuls du centre du Mali ont été victimes d’amalgames : « Les assassinats commis par les forces armées maliennes ont de plus en plus visé les membres de [cette] communauté », selon les termes du document.
L’un de ces crimes présumés a été commis pendant une opération conjointe, dans le centre du Mali, entre la force française « Barkhane » et les armées malienne et burkinabée, en 2017. Durant cette opération, les militaires maliens devaient fouiller des villages proches de Mondoro (près de la frontière burkinabée). Selon le rapport, « le 2 mai vers 16 heures […] plusieurs personnes, principalement des hommes peuls », ont été arrêtées dans les villages de Monikani et Douna par les militaires maliens. Emmenés au camp de Sévaré, ils ont été « violemment frappés par des soldats maliens avec des bâtons pour les forcer à admettre qu’ils appartenaient à des groupes armés extrémistes, [les militaires] menaçant de les tuer s’ils n’avouaient pas ». Trois hommes sont morts dans le camp.
Les « crimes contre l’humanité » de groupes djihadistes
Plusieurs signataires de l’accord de paix, dont les ex-rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et des groupes armés pro-gouvernementaux (Gatia et MAA-Plateforme), sont également responsables de « crimes de guerre », selon la commission.
Elle a en outre accusé de « crimes contre l’humanité » d’autres acteurs du conflit, notamment des groupes armés djihadistes dont l’influence et la violence ne cessent de s’étendre dans la sous-région, mais aussi la milice Dan Nan Ambassagou, qui s’est érigée en défenseuse des Dogon. Les membres de cette milice ont commis des « crimes contre l’humanité et des crimes de guerre » lors d’attaques en juin 2017 de hameaux peuls proches de Koro (centre), attaques au cours desquelles « au moins 39 civils, dont des enfants », ont été tués, selon la commission.
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