L’armée européenne, un vieux rêve resté tabou

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Devant le Parlement européen, à Strasbourg.

Ce fut longtemps l’une de ces illusions dont l’Europe se berçait, mais l’idée d’une armée européenne n’aura finalement généré que des déceptions. Parce que de nombreux dirigeants ont jugé que la politique de sécurité commune, un concept synthétisé par la notion d’« armée européenne », devait en réalité, rester ce qu’il était : un principe creux.

Ils se montraient hésitants, prudents, hostiles à la mise en cause des principes d’une Union née sur les ruines de la seconde guerre mondiale et vue essentiellement comme un soft power, une construction de juristes et d’économistes qui devait privilégier l’influence, l’assistance et les alliances plutôt que la puissance, la force et l’indépendance – la formule est de Jean-Paul Betbèze et Jean-Dominique Giuliani, auteurs des 100 Mots de l’Europe (PUF, 2011).

Les Européens sous le parapluie américain

Ces dirigeants disposaient pour cela d’excellents arguments : un Etat membre éminent, la Grande-Bretagne, se hérissait à la simple évocation d’une plus forte intégration en matière de défense et, d’autre part, c’est l’OTAN, réunissant les Européens sous le parapluie américain, qui était, dans leur esprit, censée assurer ad vitam la protection du continent.

Oubliée, donc, l’idée d’une armée commune, pourtant très populaire à en croire les Eurobaromètres qui évaluent l’état de l’opinion à l’égard du projet communautaire. Et tant pis, aussi, pour le traité de Lisbonne, signé en 2007, qui annonçait une marche progressive vers une politique commune « qui conduira à une défense commune ». Laquelle devait, toutefois, être approuvée à l’unanimité, ce qui la rendait assez illusoire.

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Aussi fallait-il avoir le culot du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker ou le poids politique de l’Allemande Angela Merkel pour oser parler encore d’une armée unique. En 2015, l’ex-président de la Commission jugeait sa création indispensable pour affronter les nouvelles menaces, « faire comprendre à la Russie que nous sommes sérieux » et affirmer « une politique étrangère pas vraiment jugée crédible ».

« Mort cérébrale » de l’Alliance atlantique

En novembre 2018, la chancelière, dans un discours devant le Parlement de Strasbourg, évoquait aussi « une véritable armée, qui compléterait l’OTAN sans la remettre en cause ». Même si, dans son propre pays, ni sa coalition ni son parti n’évoquaient un tel projet, Mme Merkel appuyait ainsi l’idée d’autonomie stratégique européenne, chère à Emmanuel Macron. Lequel, en livrant son diagnostic sur la « mort cérébrale » de l’Alliance atlantique, allait aussi évoquer, en 2019, la notion d’armée européenne. Une idée « très insultante » avait, à l’époque, jugé Donald Trump…

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C’est pourtant l’attitude et les menaces de ce dernier qui ont relancé la réflexion des principaux leaders de l’Union, ramenés à la dure réalité des rapports de force. En exigeant du Vieux Continent une contribution financière plus importante à une OTAN qu’il disait, par ailleurs, vouloir quitter, ou priver de son axe essentiel – la clause de défense commune –, le président américain rappelait en tout cas aux Européens qu’une éventuelle accession de l’Union au rang de « puissance » supposait qu’elle soit garante de sa propre sécurité.

Et que si elle entend jouer un rôle géopolitique, alors même que l’équilibre militaire du continent se trouve chamboulé par le Brexit, elle devra passer de la parole aux actes. Sans oublier, en parallèle, d’apaiser en son sein les dissensions entre pays volontaristes (prêts à user de la force), ceux qui, prisonniers de leur budget étriqué, ne songent qu’à la défense de leur territoire et les troisièmes, qui rechignent tant à la dépense qu’à l’action.

Création d’un fonds européen

Une autre ligne de fracture sépare toujours, au sein de l’UE, ceux qui distinguent la nécessité d’une Europe plus forte au plan sécuritaire et les ceux qui, à l’est notamment, ne voient de salut que dans l’OTAN. Une organisation où l’on continue à agiter le spectre d’une Union voulant rivaliser en organisant sa propre structure de commandement, alors même que c’est l’un des points faibles dans le raisonnement des partisans d’une potentielle armée européenne : on ne trouve, dans leurs discours, aucune allusion à cette question du commandement, pas plus qu’à celle des règles d’engagement ou du guidage politique d’une telle structure.

Faute d’armée, l’Europe saura-t-elle, au moins, coopérer davantage, au plan militaire comme industriel ? Saura-t-elle enfin recourir aux mutualisations, afin de réduire le coût de la dispersion de ses efforts ? Au total, les 27 pays membres dépensent quelque 200 milliards chaque année pour la défense. Des moyens supplémentaires – de 25 à 100 milliards selon les estimations – pourraient être dégagés par une mutualisation des commandes et des projets. « Nous ne manquons pas de capacités, mais d’efficacité », ajoute un expert de l’Agence européenne de défense.

Les dernières années ont, en tout cas, été marquées par la création d’un fonds européen, visant à soutenir des projets communs et à favoriser l’achat conjoint de technologies et d’équipements. Problème : son ambition vient d’être réduite de 13 à 7 milliards lors des débats sur le budget de l’UE. Le projet de politique spatiale, domaine-clé pour la défense du futur, sera lui aussi corseté, comme le financement des opérations extérieures.

Une politique européenne des petits pas dans un monde qui bouge à grandes enjambées.

Cet article fait partie d’un dossier réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Le Forum mondial Normandie pour la paix qui se déroule le 1er et 2 octobre à Caen. Pour en savoir plus, c’est ici.

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