L’ambassadeur tunisien à l’ONU limogé à cause d’un projet de résolution sur la Palestine

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Manifestation propalestienne à Tunis, le 8 décembre 2017, contre la reconnaissance par le président américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël.
Manifestation propalestienne à Tunis, le 8 décembre 2017, contre la reconnaissance par le président américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël. FETHI BELAID / AFP

Que vaut à Moncef Baati aussi sèche disgrâce ? Les spéculations allaient bon train vendredi 7 février au lendemain du limogeage signifié au représentant de la Tunisie auprès des Nations unies, alors qu’il était aux premières loges des discussions sur un projet de résolution d’inspiration palestinienne sur le « plan de paix » américain pour le Proche-Orient. Si les autorités tunisiennes invoquent une « faute grave » de la part du diplomate dans ses rapports professionnels avec sa hiérarchie du ministère des affaires étrangères, des sources à New York et à Tunis établissent un lien avec « un courroux américain » manifesté à l’égard de la position tunisienne dans les tractations en cours au siège des Nations unies.

L’incident retient d’autant plus l’attention que le chef de l’Etat tunisien, Kaïs Saïed, élu le 13 octobre 2019, s’est toujours montré très offensif dans son soutien à la cause palestinienne. Au lendemain de la divulgation fin janvier du « plan de paix » conçu par Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, le président tunisien avait dénoncé « l’injustice du siècle » et déploré « la culture de la défaite dans le monde arabe ».

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Que s’est-il donc passé entre MM. Saïed et l’ambassadeur tunisien à New York ? Le diplomate, très impliqué avec son collègue indonésien dans le parrainage d’une résolution d’origine palestinienne – texte voué à être amendé au fil de navettes –, aurait-il paru trop modéré au goût du chef de l’Etat ? Ou serait-il allé, au contraire, trop loin dans la posture propalestininenne au regard des intérêts diplomatiques supérieurs d’une Tunisie à l’économie fragile et de plus en plus ligotée par ses engagements financiers auprès des bailleurs de fonds internationaux ? Ou joue-t-il simplement le rôle de fusible dans une affaire qui le dépasse ? Analystes et diplomates hésitaient vendredi entre ses différentes hypothèses.

Une « faute professionnelle »

A Tunis, la version officielle demeure que l’ambassadeur a commis des faux pas dans sa méthode de travail. Des sources officielles à la présidence de la République tunisienne assurent au Monde que Moncef Baati ne se serait « pas concerté » avec son ministère de tutelle et ses collègues de la Ligue arabe à l’ONU sur les tractations entourant la résolution d’inspiration palestinienne qui devrait être proposée mardi au Conseil de Sécurité de l’ONU. « Il en va des intérêts de la Tunisie et ne pas discuter des ordres du jour avec le ministère des affaires étrangères tunisien est une faute grave », insiste-t-on au palais présidentiel de Carthage.

L’invocation d’une « faute professionnelle » masque-t-elle d’autres dimensions à cette trouble affaire, notamment le jeu des Etats-Unis qui auraient exprimé, selon plusieurs sources, leur mauvaise humeur à propos de la tournure prise par les débats sur cette résolution ? Cosponsor du projet de résolution – aux côtés de l’ambassadeur indonésien –, Moncef Baati était particulièrement exposé. La réaction américaine aurait été « virulente », selon un diplomate occidental, plaçant Tunis sur la défensive. « Tunis aurait lâché l’homme pour ne pas apparaître auprès de son opinion comme reculant sur le dossier », poursuit cette source. Face à d’éventuelles pressions américaines, la Tunisie se trouve dans une situation délicate en raison de sa dépendance croissante à l’égard des prêts du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres bailleurs de fonds.

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Ce jeu d’influences extérieures survient dans une équation politique tunisienne en pleine mutation après l’élection de Kaïs Saïed à la tête de l’Etat. Le nouveau président n’a cessé depuis l’automne d’imprimer sa marque auprès d’une administration des affaires étrangères jusque-là dominée par les équipes de son prédécesseur Béji Caïd Essebsi (décédé le 25 juillet 2019). L’ancien ministre des affaires étrangères Khemaies Jhinaoui avait ainsi été sèchement limogé fin octobre. L’analyste Youssef Chérif estime ainsi que le rappel de Moncef Baati s’inscrit avant tout dans cette volonté présidentielle de prendre la main sur le personnel des affaires étrangères.

« Affirmer sa propre politique diplomatique »

« Moncef Baati est perçu comme faisant partie de l’ancienne équipe diplomatique de Béji Caïd Essebsi, décode-t-il. Il est donc normal que Kaïs Saïed s’en déleste puisqu’il veut affirmer sa propre politique diplomatique. Moncef Baati était dans le viseur de la présidence depuis quelque temps et que son faux pas en ne consultant pas Tunis avant de s’engager auprès des Palestiniens a été le prétexte pour le limoger ».

Il reste néanmoins que le moment choisi est « délicat », ajoute M. Chérif, alors que les tractations partisanes en vue de la formation du nouveau gouvernement tunisien ne sont pas achevées. En outre, la Tunisie siège depuis le 1er janvier au Conseil de sécurité de l’ONU pour deux ans. Elle y représente les pays arabes. Le rappel brutal de M. Baati fait plutôt mauvaise impression.

Avec l’éviction de M. Baati, le président Saïed devrait reprendre la main sur le dossier diplomatique lié à la Palestine. Avant son élection, il avait multiplié les déclarations retentissantes de soutien à la cause palestinienne. La « normalisation » des relations avec Israël relève de la « haute trahison », avait-il lancé. Lors de sa cérémonie d’investiture, il avait ajouté que « la Palestine est gravée dans le cœur des Tunisiens » et qu’« il était temps de mettre fin à son occupation par Israël ». Enfin, le 31 janvier, alors qu’il faisait le bilan de ses cent jours au pouvoir sur la chaîne tunisienne Wataniya 1, le président a rappelé que « la Palestine n’est pas une ferme ni un jardin pour faire l’objet d’un accord », en faisant allusion à l’initiative américaine pour la paix au Proche-Orient proposée le 28 janvier.

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