L’Algérie subit un revers diplomatique sur le dossier libyen

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Le vice-premier ministre algérien Ramtane Lamamra à Alger, le 14 mars 2019.
Le vice-premier ministre algérien Ramtane Lamamra à Alger, le 14 mars 2019. Zohra Bensemra / REUTERS

Le désaveu est cinglant pour une diplomatie algérienne qui espérait retrouver un certain éclat après un long effacement. Ramtane Lamamra, diplomate de haut vol à Alger « pressenti » pour prendre la tête de la médiation des Nations unies en Libye, poste difficile mais prestigieux, a vu sa candidature torpillée par une coalition d’acteurs régionaux qui ont su trouver une oreille favorable auprès de l’administration de Donald Trump à Washington.

Les Emirats arabes unies (EAU), l’Egypte ainsi que le Maroc sont cités parmi les analystes du dossier libyen comme étant les probables sources d’obstruction ayant barré la route au candidat de l’Algérie. A Alger, le quotidien Algérie patriotique a déploré dans son édition du 6 avril le « complot ourdi par les Emiratis et leurs alliés égyptiens et marocains pour empêcher la désignation du diplomate algérien Ramtane Lamamra ».

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Bien qu’aucune annonce n’ait été faite, les Américains ont bien « opposé leur veto » à cette nomination de M. Lamamra au poste de chef de la Mission des Nations unies pour la Libye (Manul), a appris Le Monde auprès d’une source diplomatique au siège de l’ONU à New York. Le poste est vacant depuis la démission le 2 mars de l’universitaire libanais Ghassan Salamé, qui avait jeté l’éponge après avoir constaté son impuissance à enrayer l’escalade des ingérences militaires étrangères sur le théâtre libyen.

Un profil idoine

L’échec de la candidature de M. Lamamra est d’autant plus préoccupant qu’il entrave la réactivation de la médiation onusienne à un moment critique où les combats s’intensifient en Tripolitaine (ouest). Alors que l’épidémie du Covid-19 a fait son apparition en Libye, les appels à un cessez-le-feu ont échoué à faire taire les armes entre les forces loyales au gouvernement d’« accord national » (GAN) de Faïez Sarraj – formellement reconnu par la communauté internationale – appuyé par les Turcs et les unités assaillantes du maréchal dissident Khalifa Haftar épaulées par les Emirats arabes unies, l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie saoudite.

Fin connaisseur des arcanes des affaires internationales, M. Lamamra – ex-ministre algérien des affaires étrangères (2013-2017) et ancien ambassadeur d’Ager auprès des Nations unies (1993-1996) et à Washington (1996-1999) – présentait un profil idoine pour prendre en charge la médiation onusienne sur la Libye. De fait, quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU semblaient favorables à sa désignation jusqu’à ce que les Américains finissent par bloquer.

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Algérien et, au-delà, africain – il avait été l’envoyé spécial de l’Union africaine (UA) dans la crise au Liberia (2003) –, M. Lamamra incarnait à sa manière le retour diplomatique d’une région africaine sur un dossier libyen qui, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, avait été principalement géré par les Européens et les Etats du Golfe persique. « Lamamra, c’est un peu le candidat Rolls-Royce d’un pays qui se targue d’avoir une tradition diplomatique riche et crédible », souligne Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye à l’Institut des relations internationales de Clingendael (Pays-Bas).

Une Algérie un peu sûre d’elle-même

Pourtant, les obstacles n’ont pas tardé à se dresser sur son chemin. Pour commencer, la méthode utilisée par le secrétaire général des Nations unies, le Portugais Antonio Guterres, pour promouvoir officieusement la candidature de M. Lamamra, qu’il a bien connu quand ce dernier était ambassadeur à Lisbonne en 2004-2005, l’a paradoxalement desservi.

« Guterres a présenté le choix de Lamamra comme un fait accompli et cela a irrité », rapporte une source onusienne. L’attitude un peu sûre d’elle-même de l’Algérie, qui a vu dans cette mise sur orbite le signal de son grand retour sur la scène internationale, notamment lors de la réunion conjointe ONU-UA les 12 et 13 mars à Oyo (Congo-Brazzaville) à laquelle M. Lamamra a participé, a ensuite ajouté à la perplexité.

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« Les Algériens n’ont pas très bien joué, ajoute la source onusienne. Ils se sont crus un peu plus beaux qu’ils n’étaient en réalité. Ils ont voulu reprendre la main sur le dossier libyen au sein de l’UA. Cela n’a pas été très bien ressenti ». Certains Etats de l’Afrique subsaharienne, notamment le Congo-Brazzaville dont le président Denis Sassou-Nguesso dirige le comité de haut niveau pour la Libye, ont pu en prendre ombrage.

« Il y a eu une certaine naïveté de la part des Algériens qui aimeraient dans ce type de circonstances être perçus comme des Africains par les subsahariens, relève Jalel Harchaoui. Mais dans une Union africaine où, par ailleurs, le Maroc a été réintégré début 2017, les Algériens ne sont pas considérés comme des Africains. »

« Trop de sympathie pour Sarraj »

Autre difficulté : les liens historiques entre Alger et Moscou. « La perception américaine d’une étroite proximité Alger-Moscou n’a certainement pas aidé Lamamra », affirme M. Harchaoui. Enfin, le Maroc, frère ennemi de l’Algérie et peu enthousiaste à la perspective que celle-ci retrouve un rayonnement diplomatique à la faveur d’une médiation stratégique sur la Libye, a vraisemblablement activé ses réseaux d’influence à Washington, estiment nombre d’observateurs.

Mais l’argument qui semble avoir le plus pesé sur Washington tient à la difficulté pour l’Algérie de demeurer au-dessus de la mêlée libyenne, c’est-à-dire de se tenir à une égale distance entre l’ouest (le GNA de Faïez Sarraj) et l’est (le maréchal Khalifa Haftar à Benghazi). « Des pays ont émis des réserves non pas sur la personne de Lamamra mais sur sa nationalité, observe une source française. Ils estiment que ce serait rajouter à la complexité du dossier que de nommer un médiateur représentant un pays contigu de la Libye. Egyptiens ou Algériens, quoiqu’ils disent, ont un parti pris pour l’est ou pour l’ouest de la Libye, même s’il est vrai qu’Alger est plus équilibré que Le Caire. »

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Emiratis et Egyptiens ont apparemment plaidé à Washington cet argument d’une Algérie partiale en Libye. « Pour Abou Dhabi et Le Caire, un médiateur algérien aurait eu d’entrée de jeu trop de sympathie pour le GNA de Sarraj », avance Claudia Gazzini, analyste d’International Crisis Group (ICG) pour la Libye. Si la relation bilatérale entre les Emirats arabes unis et l’Algérie est plutôt bonne, l’approche du dossier libyen diverge. Alger défend en effet un « dialogue national inclusif » qui inclurait toutes les parties, y compris les Frères musulmans.

Un goût amer à Alger

La méthode ne correspond à l’évidence pas à l’approche plus exclusiviste d’Abou Dhabi soutenant militairement un maréchal Haftar qui associe les Frères musulmans au « terrorisme ». « Les Emiratis ne veulent pas du style algérien, ajoute M. Harchaoui. Ils estiment que l’inclusivité défendue par Alger va seulement retarder le processus qu’ils tiennent à influencer. »

Or ces Emiratis sont apparemment pressés. Ils sont engagés aux côtés de Haftar dans une offensive militaire sur Tripoli qui s’enlise depuis un an. Et dans cette épreuve militaire, le facteur temps joue en défaveur des assaillants, car il autorise les Turcs à consolider les défenses de la capitale aux côtés du GNA de Sarraj. Une relance d’un dialogue politique « inclusif » ne cadrerait ainsi pas avec l’urgence militaire qui anime désormais le camp des parrains régionaux de Haftar.

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Quoi qu’il en soit, l’échec de la candidature de Lamamra laisse un goût amer à Alger. Car il souligne en creux la faiblesse de la position internationale de l’Algérie qui espérait retrouver un peu du lustre de sa diplomatie flamboyante des années 1970. Une médiation onusienne prestigieuse aurait en outre aidé le régime à reconquérir l’opinion publique nationale après le grand vertige protestataire de 2019 autour du Hirak. Face à l’offensive des Etats hostiles à la candidature de Lamamra, note M. Harachoui, « l’Algérie s’est retrouvée toute seule, personne n’est venu l’aider à un moment où elle est particulièrement affaiblie ».

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